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samedi 1 juin 2019

Suicide et mathématiques


« Il n'y a pas de paroles pour rendre la douceur de sentir qu'il existe tout un monde d'où le Moi est complètement absent. » Le suicidé philosophique a-t-il connu ce propos de Sophie Kowalevski sur les mathématiques ? Et si oui, pourquoi avoir choisi le taupicide plutôt qu'une simple intégrale de Riemann ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

jeudi 16 mai 2019

Urgence


L'œuvre maîtresse du suicidé philosophique — l'homicide de soi-même — s'enracine directement dans les exigences élémentaires de la vie humaine ; elle est une façon de dire, d'illustrer l'expérience de l'existence dans le Rien. Elle ne décrit ni ne raconte ni ne célèbre : elle a mieux à faire, des choses plus urgentes.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 14 mai 2019

Purification de la matière


En se faisant sauter la cervelle, le suicidé philosophique élimine l'instrument (la « pachyméninge ») et rend à la matière une sorte de pureté native, riche de sens inchoatifs.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 12 mai 2019

Expérience


Quand il est d'humeur folâtre, le suicidé philosophique prend un objet quelconque et le dévoie afin — dit-il — de lui « rendre son innocence ». Faites l'expérience, enlevez de votre cuisine votre vieille poêle à frire noircie, encore enduite de graisse, posez-la sur quelque socle au milieu de la salle de séjour, asseyez-vous et contemplez-la. Explorez lentement les richesses de l'insolite. Ce qui n'avait jusqu'alors qu'un seul sens, celui de son usage, va se mettre à vous parler un tout autre langage : ce long manche un peu ridicule, ces taches où s'irise la lumière, les pathétiques atteintes de la négligence et de l'âge... Pour finir, empoignez la poêle et donnez-vous en un coup violent sur le « cassis ». Avec un peu de chance, vous êtes, comme on dit, « décédé ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

vendredi 10 mai 2019

Fureur sacrée


Il ne faut surtout pas interpréter l'homicide de soi-même en le comparant aux canons d'une culture traditionnelle. Son sens est immédiat, fulgurant : c'est une convulsion élémentaire, une sauvagerie surgissant face à la barbarie de l'Être. Emprisonné dans la geôle de l'haeccéité, l'esprit en est réduit à s'exprimer par l'injure, voire le sacrilège : fureur sacrée, réaction naturelle d'une conscience malheureuse, vivant dans un contexte aberrant — la « réalité empirique » —, trop lucide pour rejoindre l'indifférence générale.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 8 mai 2019

Un personnage heideggérien


L'homme du nihil, avec son visage émacié aux yeux fixes, cadavéreux, immobilisé à jamais dans un décor cruellement géométrique, décoloré, indigent... Dans une chambre nue, devant une fenêtre sans lumière et sans rideau, il est là, les mains vides, vide est l'abat-jour, vide le temps, vide l'espace. Chez lui, nul misérabilisme, nulle complaisance : une constatation, pareille à celle de Heidegger, celle de l'homme enfin lucide et sans illusion, chez qui l'existence se réduit à un angoissant « désert de Gobi ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 7 mai 2019

Machines métaphysiques


Le revolver Smith & Wesson, le puits busé, le flacon de taupicide, le rasoir de type « coupe-chou », sécrètent un nihilisme ; ce sont des machines métaphysiques. Autour d'elles notre monde se vide, se décolore, tombe en pièces. L'édifice entier de la réalité empirique, autrefois si rassurant, tombe sur vous et vous écrase. — Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 6 mai 2019

Artiste atroce


Selon le psychologue américan John Tussord, « il y a quelque chose d'atroce dans un art qui ne révèle rien, n'ouvre sur rien, se crispe sur un non, un refus radical et accumule à plaisir les signes du non-sens ». Si l'on souscrit à cette affirmation, l'artiste atroce par excellence est bien le suicidé philosophique. — Ou bien ?...

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 5 mai 2019

Convolvulus


L'homicide de soi-même est un défi à l'idéalisme fichtéen qui nous enseigne la logique et l'efficacité pratique. Pourtant, la pensée de se détruire prospère à la manière du liseron, et envahit bientôt la pachyméninge du Dasein. C'est que le suicide exprime ce que ne veut pas voir la vie quotidienne ; il reflète une expérience plus profonde : celle du Rien.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Angoisse et dérision


Dans l'homicide de soi-même, chacun peut, à sa guise, explorer les voies de toutes sortes que la technique rend possibles, de la plus rustique défenestration aux procédés les plus sophistiqués. Tout est permis, tout est intéressant, on accepte tout, il n'y a ni norme ni règle ni tradition d'aucune sorte. Une telle ouverture devrait joyeusement exalter les inspirations ; pourtant, sauf exceptions, le suicide est triste et son rayonnement noir. Serait-ce parce qu'il voit le jour dans un climat d'angoisse et de dérision ? Nous ne pouvons ici que poser la question.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

samedi 4 mai 2019

Vita nuova


La sauvagerie du suicidé philosophique fait scandale mais elle porte les repères de l'avenir. Révoltée bien sûr, mais cette révolte (songeons à Edmond-Henri Crisinel) est une exigence de vie neuve, celle d'une vie opprimée qui cherche sa voie et sait ne pouvoir la trouver que dans le Rien.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

vendredi 3 mai 2019

Puissance du pachynihil


Le suicidé philosophique n'a rien à proposer, il sait seulement que la vraie vie est absente et que l'on étouffe ici. Adorno a fort bien vu cela : « L'indignation au sujet de la prétendue laideur du suicide est ennemie de l'esprit. Elle interprète cette laideur... à la lettre et non comme pierre de touche de la puissance du pachynihil ou comme chiffre de la résistance dans laquelle celle-ci se vérifie. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Présence du terrible


Dans l'homicide de soi-même par révolvérisation, ni dérision ni humour : la pure présence du terrible !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

jeudi 2 mai 2019

Un drôle de zigue


Faute de pouvoir transcender, sublimer sa frustration d'exister, l'homme du nihil s'exaspère. Choisissant l'irrationnel, optant pour l'inconvenant, il tente de se situer à l'antipode de ce « monde qui bâfre » (Jutique). La vitalité créatrice qui l'anime fait irruption en marge de la vie quotidienne, ignorée d'elle, étrangère à son ordre, dans un très curieux espace spirituel à la fois régressif et prophétique, fait de « pyxides tubulaires », de « xéranthèmes xénotropiques » et de « gloméruleux pélicans ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 1 mai 2019

Étrangeté du suicide


L'homicide de soi-même est une création toujours neuve où l'indicible, l'insaisissable se laissent approcher, où les souffrances dues à l'haeccéité s'apaisent ; lieu de contemplation où le Dasein se réenchante ; refuge pour certains, mais aussi poste avancé, à la frontière d'une « réalité empirique » irrationnelle et des structures vaporeuses du pachynihil ; il nous relie à nous-mêmes et au Grand Indéfini d'Anaximandre. Il est essentiellement d'ordre psychique, donc infiniment complexe, hors d'atteinte des grossiers instruments de l'analyse logique : il déploie ce que la « raison pure » ignore ou opprime. À la « civilisation de l'infâme » (Jutique), il oppose son univers, celui du taupicide et des revolvers chambrés pour le .44 russe, cet autre univers où s'enfoncent les radicelles de nos « conscients intérieurs ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 30 avril 2019

Disgrâce sociale du suicidé philosophique


À notre époque de décadence souplement encastrée, l'observateur même le plus bigle peut constater une distance croissante entre la production sensuelle et flatteuse des affiches, publicités, images de magazine, etc., production vulgaire mais rentable, qui nous environne de décors menteurs, et, d'autre part, l'homicide de soi-même, souvent ingrat, difficile, désobligeant. D'un côté, on cherche à saturer une indigence spirituelle à coups de divertissements, de l'autre on dénonce cette indigence et l'on s'exile dans le pachynihil. Conséquence : les suicidés philosophiques passent pour des excentriques, des asociaux, des irrécupérables, peut-être des malades. Dire de quelqu'un qu'il est un suicidé philosophique, n'est-ce pas lui retirer le sérieux ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 29 avril 2019

Antidote à la réification


La raison pure rend le Dasein aveugle et sourd. Elle réifie parce qu'elle ne rencontre que des choses. Son antidote est le pachynihil : « L'idée du Rien, observe Adorno, est le correctif de la conscience réifiée. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 28 avril 2019

Changer la vie


L'homme moderne semble s'être habitué à vivre tranquillement dans l'absurde, alors que le non-sens global devrait lui arracher des hurlements dignes d'un calculeux. La rationalité technicienne s'est mise au service d'une irrationalité contraire aux exigences élémentaires inscrites dans le protoplasme même du Dasein (Higgins et Anderson, 1931). De là l'urgence de l'homicide de soi-même ! Ultime refuge de ces exigences spirituelles de dépassement et d'illimitation que la pensée technicienne tente de stériliser, dernier vase d'expansion où se précipite le besoin du sens, le désir essentiellement poëtique de changer la vie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un acte unique et inutile


Un chef-d'œuvre qu'on peut reproduire à l'identique n'est qu'une marchandise culturelle, un instrument de simple décoration et d'ostentation : il se vulgarise en entrant dans une série. Mais dans l'homicide de soi-même, il n'y a jamais de répétition : ce qu'il crée est chaque fois unique, il ne supporte pas le trivial. Une autre de ses qualités est qu'il ne sert à rien. En ce sens, il est une protestation contre l'utilitarisme, trait fondamental de ce que Gragerfis appelle notre « barbarie ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

samedi 27 avril 2019

Civilisation de l'infâme


Comme une bactérie, la technique phagocyte les valeurs les plus sacrées et en produit un bloc d'absurdité massive qui ose se présenter comme un produit de la raison, une nécessité dûment expertisée. Le Dasein est entré, environné de savantes machines, dans ce que Marcel Jutique appelle la « civilisation de l'infâme » — un domaine étouffant, opaque, où aucun être humain ne peut survivre sans régresser au rang du protiste. Pour échapper à ce destin, il n'y a en vérité qu'une porte de sortie : celle qui ouvre sur le pachynihil.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)