« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
vendredi 21 septembre 2018
Passions suspectes
On connaît le penchant des cyclopes pour la métallurgie, et celui des philosophes pour cet excrément fossilisé de la pensée qu'on nomme le « concept ».
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Troglodytisme existentiel
Il est des formes d'anéantissement du Moi dans lesquelles l'esprit descend comme dans les chambres funéraires des Étrusques.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Syndrome de l'imposteur
Ébloui par la prodigieuse aisance de l'« homme de la Nature et de la Vérité » dans presque tous les domaines de la vie, comment l'homme du nihil pourrait-il se voir autrement que comme un imposteur ? Inadapté congénital, il ne sera jamais à la hauteur des cracks de l'existence au milieu desquels une ironique fatalité l'a jeté. Le seul art où il excelle est la destruction de soi-même — mais là, il est imbattable.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Callot
Sur le coup de midi, nous eûmes la surprise d'entendre Velasquez reprendre le fil de son histoire en ces termes :
« Avoir tout l'œuvre de Callot, et cependant commettre l'homicide de soi-même... »
Mais l'inspiration sembla soudain l'avoir quitté et nous ne l'entendîmes plus de la journée.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Stercologie
« Les fèces varient selon le genre d'alimentation, et par conséquent selon les espèces d'animaux et d'individus, cependant dans certaines limites, et avec des modifications de formes, de couleur et d'odeur, dont il est toujours facile de se rendre compte. L'étude de ces caractères, aujourd'hui fort négligée, avait sérieusement fixé anciennement l'attention des observateurs ; et l'on cite un professeur de Montpellier du siècle dernier, qui, dans les excursions qu'il entreprenait par les champs, se faisait fort de déterminer avec précision à quel sexe, à quel âge, à quelle stature, à quel tempérament devaient se rapporter les excréments qu'il rencontrait sur la route. » (François-Vincent Raspail, Histoire naturelle de la santé et de la maladie chez les végétaux et chez les animaux en général et en particulier chez l'homme, Paris, 1860)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Sombres perspectives
« Penser à l'avenir, c'est renoncer à la joie, car c'est prévoir le malheur, a dit Gragerfis. On peut ainsi concourir à faire le bonheur des autres, mais on ne fait jamais le sien. » Et il est un fait que l'avenir ne promet rien de bon, surtout depuis que l'homme moderne, ce « progressiste » décérébré, en a fait un lieu festif de mort.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Crypte intime
La mémoire de l'homme du nihil est une catacombe où s'entassent les spécimens de « monstruosité bipède » qui ont un jour croisé sa route. Il sont groupés là, membres tordus, têtes contournées, bouches béantes. Si la crypte n'était fermée au public, ces physionomies grimaçantes inspireraient au visiteur des sentiments mélancoliques et même de l'horreur. Callot, Goya sont dépassés.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Au cœur des ténèbres
La détresse éminemment subjective du suicidé philosophique, sa particulière inclination à la mélancolie, comme forme de dévoilement exceptionnel de l'âme, sont uniques dans l'ascétisme russe — si l'on excepte l'évêque Tikhon de Zadonsk —, et suggéreraient plutôt cette nuit obscure de l'âme que connut Saint Jean de la Croix.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Accès de lucidité
Je ne suis qu'un mauvais plaisant, un Hippias mineur du chaos.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Looch
Avez-vous jamais administré du taupicide à votre Moi ? Pour y parvenir, la technique consiste à lui tirer l'oreille pour l'obliger à desserrer la mâchoire. Le Moi ne récrimine guère, c'est tout juste s'il maugrée vaguement, heureux de s'en tirer — pense-t-il — à si bon compte. Son éloquence ravalée avec le pharmakon, il n'émet que des borborygmes avant de se taire à jamais.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Leptocéphale
Le lendemain, alors que nous franchissions une montagne escarpée, nous eûmes la surprise de rencontrer le Juif errant, qui ne se fit guère prier pour obéir aux ordres du cabaliste. Il commença son récit en ces termes :
« Le leptocéphale est la larve de l'anguille ou du congre. »
Mais sa narration n'alla pas plus loin, et l'infortuné vagabond disparut tout à coup au détour du chemin.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
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