mardi 14 août 2018

Théorème de Tennenbaum


En logique mathématique, le théorème de Tennenbaum dit qu'aucun modèle non-standard de l'arithmétique de Peano n'est récursif. Il en résulte que dans un tel modèle, l'addition et la multiplication ne sont pas toutes les deux calculables. Cela inspire au voyageur des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.

(Szczur Włodzisław, Mathématique du néant)

The Great Masticator


Du Rien, je mastique lentement chaque bouchée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Vivre et travailler au pays


En 1931, un poste à l'Université de Berlin est proposé à Heidegger, poste qu'il refuse après une discussion avec un de ses amis paysans qui lui affirme qu'un « gars de la campagne » comme lui ne se sentira jamais à l'aise dans la « grande ville » 1.

Heidegger resta à l'Université de Fribourg-en-Brisgau pour le restant de sa vie enseignante, déclinant de nombreuses offres, ce qui eut le don de courroucer son épouse qui voyait dans la vie à Fribourg un « processus mortel ». Parmi ses étudiants les plus illustres, on compte, outre son ex-maîtresse Hannah Arendt, le « coco » Herbert Marcuse, l'historien Ernst Nolte, et le « métaphysicien d'autrui » Emmanuel Levinas qui, sans doute influencé par sa lecture de Freud, tentera dans les années soixante de pratiquer sur Heidegger le « meurtre du père symbolique ».

1. Ce paysan aurait ponctué sa phrase d'un « cré bon diousse », au dire de Gragerfis qui rapporte cette anecdote dans son Journal d'un cénobite mondain.

(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Contre Kierkegaard


Loin d'être le corollaire obligé d'une quelconque angoisse existentielle, le sentiment intérieur de la présence du Rien peut procéder d'un simple panaris dit « en bouton de chemise », d'après Max Brod.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Tubercula intrinsecus et extrinsecus


Le « conscient intérieur » de l'homme du nihil ne brille pas par sa fertilité. Il n'est pas fait de cette terre riche en humus que les Russes nomment tchernoziom. Mais l'idée du Rien semble se complaire à croître parmi d'arides rochers, entre lesquels se contournent et se tourmentent ses racines qui arrivent ainsi à former certaines nodosités, très recherchées par les ébénistes et qu'on appelle des fics.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Dur comme l'amour (Larry Brown)


Mon chien est mort. Je suis sorti dans la cour, je l'ai regardé, et il était là, raide mort. Que c'était dur ! Je savais que j'allais être obligé de me mettre à la recherche d'une bêche. Mais il n'avait pas l'air d'être mort depuis longtemps. Rien ne pressait, donc, et comme j'avais envie de boire un coup, je suis allé un peu plus loin dans la cour pour voir si mon pick-up voulait bien démarrer. Il a voulu, je suis parti. En me disant que j'enterrerais le chien plus tard. Avant que Mildred ne rentre à la maison. Et tout à coup, je me suis souvenu que dans les Concepts fondamentaux de la métaphysique, Heidegger consacre une longue section à l'animalité, où il invite le Dasein à se comprendre en se distinguant de ce qui n'est pas lui. L'ontologue y défend trois thèses : la pierre est sans monde, l'animal est pauvre en monde, l'homme est configurateur de monde. Eh bien moi, j'allais me configurer la gueule pour oublier tout ça.

(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

Interlude

Jeune femme lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Tel qu'en lui-même l'éternité le change


L'acte défécatoire se résout dans une silencieuse, précautionneuse déposition du « cas » sur la blancheur d'un réceptacle porcelainé, où il ne peut avoir ni sonorité ni interlocuteur, où il n'a rien d'autre à dire, rien d'autre à faire que scintiller dans l'éclat de son être.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Rougeole


« Je suis Philippulus le Prophète, Et je vous annonce que des jours de terreur vont venir !... La fin du monde est proche !... Tout le monde va périr !... Et les survivants mourront de faim et de froid !... Et ils auront la peste, la rougeole et le choléra !... »

La présence de la rougeole dans la liste des fléaux évoqués par Philippulus paraîtra peut-être incongrue au lecteur moderne — cet immunisé universel qui va jusqu'à croire sa pachyméninge à l'abri de l'idée du Rien. Mais il faut rappeler que les quatre phases de cette maladie avaient de quoi, à l'époque, vous faire « jouer des castagnettes » : incubation silencieuse, invasion avec catarrhe fébrile, éruption dite morbilliforme, suivie d'une desquamation avec état de fatigue persistant.

Et si la rougeole en elle-même est peu létale, il n'en va pas de même de ses complications pneumologiques !


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Poids du visqueux froid


Le poulpe, la pieuvre et tout le visqueux froid des océans pèsent lourdement dans la pachyméninge du suicidé philosophique, avec une effarante présence.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Le grand jeu


Retrouvant des intuitions centrales d'Héraclite et de Nietzsche, les prolongeant et les systématisant, le suicidé philosophique tente de rassembler en un tout cohérent crosse, canon, barillet, percuteur et queue de détente pour en faire la pièce centrale de sa philosophie de l'existence. Il interroge en ce sens magie et mythes, religions et cultes, philosophie et esthétique, avant de se rabattre sur le Petit manuel d'armurerie de Henri Baret (Imprimerie Dumas, 1927).

Dépassant la distinction tranchée entre ludique et sérieux, et d'accord en cela avec le philosophe Eugen Fink, il voit le monde comme un jeu sans joueur et l'homme comme une espèce de « mobile sur coussin d'air » quand ce n'est pas un « agrume désaxé des champs agricoles ».

Il sait que tout homicide de soi-même est à la fois réel et irréel, mais cela n'entame pas sa détermination à se « faire sauter le couvercle ».


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Interlude

Jeune femme lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Fatalitas !


Ô roues, ô engrenages de la mort volontaire !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Prière du suicidé philosophique


« Taupicide ! tu nous a commandé de t'invoquer au jour de notre détresse, et tu nous a promis de nous en délivrer, afin que nous t'en rendions l'honneur et la gloire qui est due à ta divine majesté. C'est ici pour ton serviteur un jour de détresse et d'angoisse. Il n'y a plus rien d'entier en sa chair, et ses os sont tout brisés ; et même son cœur est saisi d'un venin pestilent. Il n'y a que toi seul qui puisses le délivrer de cette maladie qu'on appelle la vie. Car tous les remèdes de la philosophie n'y peuvent rien, ils sont sans efficace. Mais tu peux toute chose. C'est toi, taupicide, qui non seulement guéris les malades les plus désespérés, mais apaises aussi tous les troubles et toutes les agitations de la conscience, et dissipes toutes les vapeurs malignes qui travaillent le Dasein, et qui ne lui donnent aucun repos. Sa langue est attachée à son palais, mais tu vois que son cœur sanglote, et qu'il crie après toi. Que ses soupirs et ses gémissement parviennent jusques au trône de tes éternelles miséricordes, et qu'ils émeuvent tes compassions paternelles. » — Et cetera, et cetera.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Toujours prêt


Le suicidé congénital, quoiqu'il soit en général amoureux de la poésie, de la musique et des pique-niques au bord des lacs, est à chaque instant prêt à prendre le train pour Pétersbourg, les valises bien garnies d'une dynamite qu'il ne destine qu'à lui seul.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)