jeudi 28 juillet 2022

Gerfaut moderato

 

À la fin de sa sonate n° 18 en mi bémol majeur dite « La Chasse », Ludwig van Beethoven, qui était féru de fauconnerie, décida d'introduire un gerfaut, mais il se posa longtemps la question de savoir s'il fallait le jouer allegro ou moderato. Il opta finalement pour cette dernière solution et bien lui en prit.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Voir les choses

 

Un jour qu'il était « gonflé à bloc », le philosophe Arthur Schopenhauer nota dans le calepin qui ne le quittait jamais : « Il est sans doute beau de voir les choses, mais il n'est nullement beau de faire partie des choses. » Il n'avait que partiellement raison. Car en réalité, il n'est pas beau de voir les choses. C'est même assez répugnant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pour se soulager

 

Si on en avait les capacités, il faudrait dire ce qu'on pense de la vie et de la mort, histoire de se soulager un bon coup. Cela pourrait prendre la forme d'un ouvrage en deux parties : tome 1 : De la vie ; tome 2 : De la mort.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Aux pommes

 

La destinée du nihilique est-elle tragique ou catastrophique ? Ou un mélange des deux ? En tout cas, une chose est sûre : elle est lugubre. En général, vivre est lugubre. Mais il semble que les gens n'en ont pas conscience. Ils font « jore » qu'ils trouvent la vie « aux pommes ». Les salops !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Digestion

 

Pour digérer la civilisation, l'adepte du chaos nihilique mâche une cuillère à café de graines de fenouil à la fin des repas. Il n'ignore pas, en effet, que le fenouil, et spécialement sa variété douce (Fœniculum vulgare var. dulce), renferme des fibres qui favorisent la digestion en aidant au bon fonctionnement intestinal. Et, fervent lecteur de Tacite, il ne sait que trop combien la civilisation, cette malhonnête caponne, brasse les mauvais instincts de l'humain — ce qui la rend des plus difficiles à digérer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Tyrannie du pachynihil

 

Vorace tel un voïvode, diabolique tel un diadoque, le Rien exerce une contrainte oppressive sur l'esprit, les sentiments et la volonté du malheureux qui a la déveine de tomber en son pouvoir. Voltaire lui-même l'a reconnu (dans une lettre à Frédéric II) : « De toutes les idées qui tyrannisent notre âme, il n'en est aucune de plus funeste que celle du Rien. On est paralysé. On ne peut plus rien faire. Parlez d'une vie ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)