L'homme
du nihil exècre les faux-semblants et les singeries. Il n'a donc jamais
pu se résigner à avoir ce que le monstre bipède appelle une « vie ». À la
place, il s'est constitué une vie à l'image du pachynihil :
parfaitement vide. Ça lui plaît assez. — Enfin... ça va. Parfois c'est
un peu dur, mais dans l'ensemble ça va.
L'homme
du nihil ne pense pas qu'il y ait plaisir plus complet — si l'on
excepte la dissolution du Moi dans le Grand Indéfini d'Anaximandre —
que d'assister à la déconfiture d'une bourrelle qui vous a trahi avec un
garagiste de La Bourboule (Puy-de-Dôme). Mais il est réaliste et se
rend compte que ça n'arrive presque jamais, la vie étant, comme on le
sait, « une grosse tourte de m... ».
Il
semble que sur le tard, et bien qu'il se proclamât le plus grand
sceptique de tous les temps, Cioran ait fini par croire à l'existence du
monde et à la sienne propre. Ainsi, en avril 1969, dans une lettre à
Marceline Desbordes-Valmore, il confesse sa manie de « ressasser
l'inconcevable fait d'exister ». Il est donc lui aussi tombé dans le
panneau !
Les
gens qu'on a connus jeunes et qu'on retrouve après de longues années,
on aimerait qu'ils montrent un peu plus de discrétion dans la
décrépitude. Ce serait presque à croire qu'ils cherchent à vous
offenser, les salops. Le temps qui passe, ça va, on a compris !