jeudi 30 avril 2020

Rejoindre l'infini


En analyse complexe, le lemme de Hartogs, dû au mathématicien allemand Friedrich Moritz Hartogs, est un résultat fondamental portant sur les fonctions de plusieurs variables complexes. Il dit que les concepts de singularité isolée et de singularité supprimable coïncident pour les fonctions analytiques avec n > 1 variables complexes. Ce lemme a pour conséquence que l'« étant existant » — le fameux « Dasein » des existentialistes —, vu comme un point singulier d'une fonction de plusieurs variables complexes, est toujours voué à « rejoindre l'infini » dans une certaine direction. Et d'après Hartogs — qui lui-même se suicida en 1943 —, il le rejoint d'autant plus vite que sa singularité est grande (s'il est, par exemple, un « nihilique »).

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mercredi 29 avril 2020

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Paradoxe sorite


Le paradoxe sorite, aussi appelé paradoxe du tas de sable, s'énonce de la façon suivante : d'une part, un grain isolé ne constitue pas un tas ; d'autre part, l'ajout d'un grain ne fait pas un tas d'un non-tas. On en déduit qu'il est impossible de constituer un tas par l'accumulation de grains. Ce paradoxe repose sur l'absence de définition quantitative précise du tas. Comme l'existence — en particulier celle de l'homme du nihil —, le tas est un concept vague et sa modélisation nécessite l'emploi de la logique floue. Dans le cas de l'existence, on peut aussi utiliser un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 28 avril 2020

Paradoxe d'Abilene


Par un torride après-midi de juillet, les Thompson jouent aux dominos sur le porche de leur maison située dans la banlieue d'Abilene, au Texas. Il y a là Fred et Mabel Thompson, ainsi que les parents de cette dernière, Albert et Judy, venus leur rendre visite. Soudain, Albert lance : « Et si on se pendait ? » Mabel répond : « Ça a l'air d'être une bonne idée. » Fred, bien qu'il ait des réserves en raison de la chaleur, a peur de passer pour un rabat-joie et dit : « Ça me semble bien. J'espère juste que Judy est d'accord. » Celle-ci dit alors : « Bien sûr que je suis d'accord. Ça fait longtemps que j'éprouve la pénible sensation de vivre isolée dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort. Ça suffit comme ça. »
Aussitôt dit, aussitôt fait, tout le monde se pend. Pourtant, un observateur capable de lire dans les pensées aurait pu constater qu'aucun des protagonistes ne souhaitait véritablement se pendre (ils auraient préféré utiliser, qui le taupicide, qui le revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe).
La principale leçon à tirer de cette anecdote est que, dans certaines conditions, un groupe non structuré peut entériner des décisions par consensus alors qu'en fait, aucun des participants ne soutenait la proposition initiale (et aucun n'aurait voté en faveur de celle-ci si un vote à bulletin secret avait été organisé).


(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Lemme de Lebesgue


Le lemme de Lebesgue est un résultat important en théorie de l'approximation. Ses applications incluent l'homicide de soi-même par défenestration. Il permet d'obtenir une borne sur l'erreur de projection.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

dimanche 26 avril 2020

Paradoxe de Doppelchor


Le paradoxe de Doppelchor est un paradoxe que le penseur « nihilique » Raymond Doppelchor présenta dans une de ses conférences, et qui touche à l'incohérence assez particulière de la phrase suivante : « Quelque chose est mais je ne crois pas que quelque chose soit ». La légende veut que Ludwig Wittgenstein, qui en avait entendu parler, surgît chez Doppelchor au milieu de la nuit en insistant pour que ce dernier lui répétât sa conférence. Mais l'acariâtre Doppelchor, qui — selon Gragerfis — « en avait soupé de l'empirisme logique et des empiristes logiques », conseilla à l'auteur du Tractatus « d'aller se faire voir chez Plumeau ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 25 avril 2020

Une conjecture terrifiante


« S'il est vrai, comme le soutiennent Birch et Swinnerton-Dyer, que pour toute courbe elliptique sur le corps des rationnels, l'ordre d'annulation en 1 de la fonction L associée est égal au rang de la courbe, alors la situation du Dasein est aussi désespérée que celle de Léonidas à la bataille des Thermopyles, et son unique échappatoire est dans le taupicide. » (Edmund Winslow, Géométrie algébrique et aliénation, Oxford University Press, 1969)

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

vendredi 24 avril 2020

Lemme de Sauer


Le lemme de Sauer est un résultat de la théorie des probabilités, plus précisément de la théorie de Vapnik-Tchervonenkis. Il permet d'établir le nombre maximal de suicidés philosophiques qu'une charge explosive de dimension finie peut pulvériser. Ce lemme a été démontré en 1972 par le mathématicien Norbert Sauer.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

jeudi 23 avril 2020

Interlude

Jeune fille lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Un avant-poste du néant


Le contexte où s'applique l'inégalité de Cauchy-Schwarz est celui-là même où l'homme du nihil traîne sa vie stagnante et désespérée : un espace préhilbertien.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mercredi 22 avril 2020

Classification des catastrophes


En topologie différentielle, la théorie des catastrophes est une branche de la théorie des bifurcations qui a pour but de construire le modèle dynamique continu le plus simple pouvant engendrer une morphologie donnée empiriquement. Le terme de catastrophe désigne le lieu où une fonction change brusquement de forme. Le résultat le plus célèbre de cette théorie est qu'il n'existe que sept formes de catastrophes possibles pour toutes les fonctions possédant au plus quatre paramètres d'entrée. Avec cinq paramètres, il existe quatre formes de catastrophes supplémentaires. Mais là où les choses se gâtent, c'est quand il y a six paramètres ou plus, comme c'est le cas pour le Dasein. Alors, le nombre de catastrophes possibles devient littéralement infini car des « modules » apparaissent.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mardi 21 avril 2020

Lemme de Jones


Selon le lemme de Jones (démontré par le mathématicien américain Floyd Burton Jones en 1937), une condition suffisante pour qu'un espace séparable ne soit pas normal est qu'il contienne un sous-espace fermé discret ayant la puissance du continu (autrement dit, un sous-espace fermé discret équipotent à l'ensemble des nombres réels). De nombreux mathématiciens ont tenté — en vain ! — d'exploiter ce lemme pour prouver la fameuse « conjecture de Doppelchor » qui affirme que « le monde tel que nous le connaissons n'est pas un espace normal, c'est le moins que l'on puisse dire ».

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

lundi 20 avril 2020

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

D'œuf et de poule


Supposons qu'un « ami de la sagesse » demande à un quidam pris au hasard : « Qu'est-ce qui est apparu en premier : l'œuf ou la poule ? » Si le quidam répond : « C'est l'œuf », l'ami de la sagesse lui demande : « Mais qui a pondu cet œuf ? » Si au contraire le quidam répond : « C'est la poule », l'ami de la sagesse lui rétorque : « Mais cette poule sort bien d'un œuf, non ? » Pour résoudre ce paradoxe, l'approche causale classique relève de la sémantique : on peut discuter du sens donné au mot œuf, voire discuter du concept de poule. L'approche nihilique, plus radicale, consiste à affirmer qu'il n'y a « pas plus d'œuf ni de poule que, révérence parler, de beurre au prose » — puisque rien n'est.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 19 avril 2020

Équation de Helmholtz


« Lorsque le domaine est compact, le spectre du laplacien est discret, et les modes propres forment un ensemble dénombrable infini, ce qui a pour effet de plonger le Dasein dans une profonde mélancolie. » (Lettre de l'homme du nihil à Georges Ribemont-Dessaignes, à propos du calcul des solutions stationnaires de l'équation de propagation des ondes de D'Alembert)

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

samedi 18 avril 2020

Chat de Schrödinger


Un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel et une source radioactive. Dès qu'un certain seuil de radiations est atteint, un marteau brise le flacon, le gaz est libéré et le chat meurt. Selon l'interprétation de Copenhague (censée donner une « interprétation cohérente » de la physique quantique), le chat est à la fois vivant et mort — et cette double affirmation peut sembler quelque peu surprenante. Mais si l'on remplace le chat par un « nihilique », il n'y a plus lieu de s'étonner puisque l'homme du nihil est constamment dans un état où les catégorisations habituelles (ici la vie ou la mort) perdent leur sens !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

vendredi 17 avril 2020

Théorème de Riemann-Lebesgue


Le théorème de Riemann-Lebesgue est un résultat d'analyse dont une première version a été présentée en 1854 par Bernhard Riemann dans son mémoire d'habilitation intitulé Über die Darstellbarkeit einer Function durch eine trigonometrische Reihe. Il assure que le « vouloir-vivre » est une fonction intégrable qui tend vers zéro à mesure que le Dasein perd ses dents, ses cheveux, devient « bigleux » (kurzsichtig), est frappé de rhumatismes articulaires aigus, etc. Cette déchéance n'est toutefois pas inéluctable car le Dasein peut toujours se convertir, au moyen d'une transformation de Fourier appropriée, en un suicidé philosophique localement compact.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

jeudi 16 avril 2020

Inspiration


C'est après avoir lu les écrits de Fermat sur le calcul infinitésimal que l'homme du nihil décida de passer à la limite pour calculer — et si possible prendre — la tangente. Ce qu'il fit peu après en ingérant une dose mortelle de taupicide.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mercredi 15 avril 2020

Lemme de König


Le lemme de König est un résultat plutôt lugubre de la théorie des graphes, établi par le mathématicien hongrois Dénes König en 1927. Il énonce que « tout arbre infini à branchement fini possède une branche infinie — que l'on peut utiliser notamment pour se pendre ».

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

mardi 14 avril 2020

Théorème de Riesz


Le théorème de Riesz, dû au mathématicien Frigyes Riesz, est un résultat quelque peu scabreux — et d'ailleurs censuré par les autorités hongroises jusqu'en 1991 — d'analyse fonctionnelle. Il énonce qu'un espace vectoriel normé réel est de dimension finie si et seulement si ses boules fermées sont compactes !

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

lundi 13 avril 2020

Lemme de Whitehead


Le lemme de Whitehead, nommé d'après le mathématicien britannique John Henry Constantine Whitehead, est un résultat d'algèbre abstraite qui permet de décrire le sous-groupe dérivé du groupe général linéaire infini d'un anneau unitaire. D'après l'historien des mathématiques Kurt Vogel, plusieurs algébristes ont détourné ce lemme de sa finalité initiale et l'ont utilisé pour mettre fin à leurs jours (mais il ne précise pas comment).

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

dimanche 12 avril 2020

Zéro de Siegel


En théorie analytique des nombres, un zéro de Siegel (ainsi nommé d'après le mathématicien allemand Carl Ludwig Siegel) est un contre-exemple à l'hypothèse de Riemann généralisée sur les fonctions L de Dirichlet. Contradicteur universel, l'homme du nihil contredit aussi l'hypothèse de Riemann généralisée, ce qui fait de lui de facto l'un de ces zéros. La précarité de son être est en outre confirmée par un théorème énonçant qu'un tel zéro n'existe que si la fonction de Dirichlet considérée est un symbole de Jacobi.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

Jeune femme s'apprêtant à lire la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

samedi 11 avril 2020

Paradoxe de Banach-Tarski


En géométrie, le paradoxe de Banach-Tarski est un théorème, démontré en 1924 par Stefan Banach et Alfred Tarski, qui affirme qu'il est possible de couper un suicidé philosophique — que les auteurs nomment, on ne sait pourquoi, une « boule » — en un nombre fini de morceaux, puis de réassembler ces morceaux pour former deux suicidés philosophiques — deux « boules » — identiques au premier, à un déplacement près. Ce paradoxe implique que les suicidés philosophiques, non contents de n'avoir pas de « raison de vivre », n'ont pas non plus de volume !

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

vendredi 10 avril 2020

Paradoxe de Grelling-Nelson


Le paradoxe de Grelling-Nelson est un paradoxe sémantique formulé en 1908 par Kurt Grelling et Leonard Nelson. Il repose sur la définition du terme hétérologique qui s'applique à un mot qui ne se décrit pas lui-même. Par exemple, long est un mot hétérologique puisqu'il n'est pas long, n'étant composé que de quatre lettres. De même, comme le vocable gloméruleux n'est pas constitué de glomérules 1, il est hétérologique lui aussi. En revanche, le vocable reginglette est dit autologique car il correspond à sa définition (il « regingle »). Le paradoxe de Grelling-Nelson réside en ceci que l'adjectif hétérologique est lui-même hétérologique si et seulement s'il ne l'est pas — ce qui, on l'avouera, est « un peu fort de café » !

1. Une glomérule est une inflorescence dense plus ou moins sphérique de fleurs sessiles, ou une pelote de vaisseaux ou de neurones ayant une forme globulaire.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

jeudi 9 avril 2020

Éléments finis


En analyse numérique, la méthode des éléments finis permet de calculer numériquement le comportement d'objets même complexes, par exemple des suicidés philosophiques, à condition qu'ils soient continus et décrits par une équation aux dérivées partielles linéaire : mouvement d'une corde secouée par l'un de ses bouts (Gérard de Nerval), comportement d'un fluide arrivant à grande vitesse sur un obstacle (Edmond-Henri Crisinel), déformation d'une structure métallique (Claude Gauvreau), etc.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Caractère de Dirichlet


La sauvagerie, la terrible acariâtreté de l'homme du nihil l'ont souvent fait accuser par ses détracteurs d'avoir un « caractère de Dirichlet », c'est-à-dire une fonction à valeur complexe définie dans l'ensemble des congruences sur les entiers.

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mercredi 8 avril 2020

Aux limites du dicible


L'angoisse et le désespoir sont les deux données de base de la « philosophie » de l'homme du nihil — données qui se situent toujours aux limites du dicible. Comment, en effet, dire la douleur d'exister, la douleur atroce, implacable, qui décompose le Dasein et exacerbe la conscience, sinon par des approches fragmentaires — au moyen, par exemple, de vocables tels que lagéniforme, gloméruleux et zingibéracé ?

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 7 avril 2020

Petit monde


Comme l'a finement remarqué son exégète Gragerfis, « toute la métaphysique de l'homme du nihil n'est qu'une psychologie ésotérique ». Ce que confirme l'homme du nihil lui-même : « Je n'ai lu que dans un seul livre, dans mon propre livre, dans moi-même ». C'est donc en lui-même, ce « petit monde » image du « grand monde » (le pachynihil), qu'il a trouvé la clé des problèmes qui le préoccupaient, à commencer par celui de l'haeccéité !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

lundi 6 avril 2020

Muraille


Chez l'homme du nihil, la muraille n'est jamais assez close ni assez épaisse. Mais il ne fortifie que par acquit de conscience — car il ne le sait que trop : l'affreux finit toujours par s'infiltrer.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 5 avril 2020

Revigoration nihilique


« Rien de tel que de se retremper dans le flot torrentueux du pachynihil, pour en retirer des vestiges mouvants et pour humer directement sa force. » (Lettre de l'homme du nihil à Balthus datée du 19 juillet 1934)

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 4 avril 2020

Secousse


La vision du Rien, par sa puissance, par sa vastitude, ne peut que bouleverser la normalité d'une existence soumise à la médiocrité et au sordide de la « réalité empirique ». À l'équilibre banal du quotidien succèdent les tensions de la condition charismatique. Tous les récits de l'homme du nihil insistent sur le radical contraste entre la détresse qui précède la révélation du pachynihil et la sublimité de l'illumination elle-même. Dans une lettre à Georges Ribemont-Dessaignes, il déclare vivre dans une angoisse permanente : « Je suis continuellement empli d'une crainte qui me fait trembler ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 2 avril 2020

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Connaissance par le Rien


Chez l'homme du nihil, l'idée du Rien n'est pas seulement un guide spirituel mais aussi une source de connaissance. Il l'écrit clairement dans son journal (à la date du 17 octobre 1948) : « Au reste, pourquoi lire Spinoza, Fichte ou Gabriel Marcel, là où préexiste un enseignement intérieur, là où l'onction du pachynihil instruit de tout ? »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 1 avril 2020

Un point de vue imprenable


Celui qui s'est choisi le Rien pour demeure — comme c'est le cas de l'homme du nihil — circonscrit d'un seul regard la cylindrique inanité de l'être.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)