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vendredi 20 juillet 2018

Une initiative citoyenne pour fleurir la ville


« C'était la première action du collectif Cordial de Auterive. L'opération "Fleurir notre quartier" a remporté l'assentiment des habitants. Ils se sont tous réunis place Occitane, où le rendez-vous était donné pour une journée de travaux en commun.

Le collectif explique le principe de l'opération : "Nous avons récupéré à la déchetterie d'Auterive soixante jardinières que nous avons nettoyées. Les pépinières Banzet et Soulié nous ont donné des plants et c'est aujourd'hui que nous les redistribuons aux habitants, avec également du terreau pour qu'ils fleurissent leur devant de porte, leur jardin, leur balcon ou leur terrasse."

Chacun venait puiser le terreau dans la brouette, choisir le contenant puis les fleurs, avide comme le poëte Baudelaire de voir "la vie en beau". Il cherchait ce qui lui plaisait, plantait puis revenait chercher d'autres plants. Il y avait une belle animation évoquant un groupe d'abeilles allant de fleur en fleur.

Jean-Pierre Bastiani, le maire de la commune, est venu planter symboliquement des pensées et lancer l'opération "fleurissement et embellissement". "Que cela incite au civisme et que le quartier soit plus agréable grâce à votre collectif, a-t-il souhaité. Arrière, les idées négatives, le dénigrement de l'haeccéité et la pensée de se détruire !"

Le collectif, pour sa part, a remercié les habitants et tous ceux qui ont contribué à la réussite de l'opération. Tout le monde était ravi.

"Nous sommes là depuis six mois et cet accueil nous transporte, soulignaient Lucie et Étienne, venus fleurir leur devant de porte. On en oublierait presque que l'homme est un être-pour-la-mort !" » (La Dépêche, 21 mai 2017)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

samedi 14 juillet 2018

Le ouiskiki


Dans le Crabe aux pinces d'or, Tintin, pour s'échapper de la cabine où il a été enfermé par le lieutenant félon du Karaboudjan, fabrique un instrument formé de deux planches liées par une corde. Il projette son engin à travers le hublot de la cabine située juste au-dessus. C'est celle du capitaine Haddock qui reçoit les planchettes sur le « cassis », alors qu'il était occupé à faire une réussite en buvant comme un trou pour noyer son désespoir existentiel.

Le capitaine, effaré, se tourne en tous sens pour voir qui l'a frappé, mais il n'y a personne et il est trop saoul pour remarquer les planches qui pendent du hublot. Il bredouille alors : « ... c'est peut-être le whisky qui... »

Le « whisky qui » ! Merveilleuse trouvaille, sublime invention langagière qui, pour un bref instant, permet au lecteur, cet « être des confins » (Gragerfis), d'oublier qu'il est toujours et avant tout un « être-pour-la-mort » 1.


1. Le Dasein, on le sait, est temporalité finie et la mort constitue la limite toujours imminente, constamment présente dans tout projet de l'être-au-monde, jusques et y compris celui de lire les Aventures de Tintin.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

mercredi 27 juin 2018

Répétitions angoissantes


Quoique bon élève, Heidegger n'aime pas aller à l'école. Chaque matin, devant son bol de cacao et sa tartine beurrée, il a la boule au ventre ou, comme il dit, « la barre » (ich habe die Bar).

Difficile de ne pas voir dans ces spasmes quotidiens comme des prémices des « répétitions angoissantes » analysées dans Sein und Zeit, à partir desquelles le Dasein s'ouvre à son être-vers-la-mort.

Heidegger apprendra plus tard qu'à peu près au même âge, Albert Einstein souffrait du même genre d'angoisse — mais devant un bol de ricoré.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

dimanche 17 juin 2018

On tue le cochon


Pendant l'hiver 1898, le jeune Martin, qui relève d'une pleurésie, passe sa convalescence à la ferme de ses grands-parents maternels dans l'Aveyron. C'est l'époque où l'on tue le cochon, et il assiste à la scène.

Un banc spécialement conçu est placé contre un mur puis, poussé et tiré par deux hommes, l'animal est amené pour le sacrifice. Dès que le « saigneur » lui a enfoncé le couteau dans la gorge, une femme de la maison récupère le sang dans une bassine pour faire le boudin et les « sanquettes ».

Il faut beaucoup d'eau pour ébouillanter l'animal, et pour cela on a recours au « fournet », un genre de chauffe-eau. On enlève les soies et on nettoie le verrat. Le saigneur l'ouvre et le découpe. Dès que l'on sort le « ventre », les femmes de la maison s'en emparent pour le « découdre » et le nettoyer afin de confectionner le boudin, la saucisse et les saucissons. Ensuite, vient le travail des hommes : découper la viande en petits morceaux pour faire les charcuteries.


D'aucuns voient en cette cérémonie un moment de tradition où l'ouvrage en commun perpétue le bon temps d'autrefois, mais le jeune Heidegger envisage le spectacle sanglant d'un autre œil. « C'est en assistant à l'agonie du cochon, dira-t-il plus tard à son ami Karl Jaspers, que j'ai compris que l'étant existant est en fait un "être-vers-la-mort" ».

Il n'empêche que le lendemain, il s'empiffrera de fritons « à s'en faire sauter le couvercle », comme il le note dans son journal.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

vendredi 15 juin 2018

Mortels (Tobias Wolff)


Le chef de rubrique cria mon nom à travers la salle de rédaction et me fit signe de venir. Quand j'entrai dans son bureau, je le trouvai derrière la table. Un homme et une femme étaient avec lui, l'homme debout, nerveux, la femme dans un fauteuil, le visage osseux et en alerte, les deux mains refermées sur les poignées de son sac. Son tailleur était de la même couleur bleutée que ses cheveux. Il y avait chez elle quelque chose de militaire.
L'homme était de petite taille, empâté, sans contours précis. Les vaisseaux éclatés sur ses joues lui donnaient une expression joviale, qui s'effaça quand il sourit.
— Je n'avais pas l'intention de faire un scandale, dit-il. Nous pensions simplement qu'il fallait que vous sachiez.
Il se tourna vers sa femme.
— Un peu qu'il fallait que je sache ! répondit le chef de rubrique. Je vous présente M. Givens, poursuivit-il en s'adressant à moi. M. Ronald Givens. Le nom vous rappelle quelque chose ?
— Vaguement.
— Je vous donne un indice. Il n'est pas mort.
— D'accord. Je vois.
— Un autre indice.
Et il se mit à lire à voix haute la notice nécrologique du journal de ce matin-là, notice que j'avais rédigée, annonçant la mort de M. Givens. La veille, j'avais écrit une flopée de notices nécrologiques, plus d'une vingtaine, et je ne m'en souvenais guère, mais je me souvenais pourtant d'un détail, le fait qu'il avait travaillé pour le fisc pendant trente ans. J'avais eu des démêlés avec le fisc peu de temps auparavant, c'est pourquoi ça m'était resté.
En écoutant la lecture de sa notice nécrologique, Givens regarda successivement chacun d'entre nous. Il n'était pas aussi petit que je l'avais cru au début. C'était une impression qu'il créait en voûtant les épaules et en tendant le cou en avant comme une tortue. Quand le chef de rubrique eut fini, il éclata de rire :
— Eh bien, tout est exact. Je vous l'accorde.
La femme me regardait fixement :
— Excepté une chose.
— Je vous dois des excuses, dis-je à Givens. Je me suis fait piéger, ça m'en a tout l'air. Je venais de lire Husserl, or celui-ci, quand il parle de la mort, ne l'évoque que comme un « sommeil », allant jusqu'à dire que seul le moi empirique est frappé par la mort alors que le moi transcendantal doit, lui, être considéré comme « immortel ». C'est tout le problème avec Husserl, il est le penseur d'une subjectivité désincarnée qui en arrive à la négation du sens le plus réel de son existence : sa mortalité.
— Très bien, dit Givens, mais chez Heidegger en revanche — et c'est une originalité de sa pensée par laquelle il se distingue des philosophes liés comme lui à la tradition phénoménologique — la pensée de la mort est centrale. Cette centralité se révèle par la place stratégique qu'occupe le problème de l'être-pour-la-mort dans l'économie d'ensemble d'Être et Temps. La totalité du premier chapitre de la section II du traité est consacrée à ce problème. Et par la pensée de la mort, on tire toutes les conséquences de l'analytique du Dasein menée dans la section I et on peut ainsi penser le Dasein à l'aune de la temporalité.
— Vas-y, Ronald, dis-lui ses quatre vérités, lança sa femme.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

jeudi 7 juin 2018

I got rhythm


Au début des années trente, Heidegger se sent en panne d'inspiration — il se dit dans son journal frappé de « constipation conceptuelle opiniâtre ».

Plutôt que de sécher sur une page blanche, il décide de se remettre au bugle et fonde un jazz band, le Swinging Dasein, où Günther Anders tient le banjo. En plus d'être le premier époux de Hannah Arendt, Anders est connu pour être un critique de la technologie qui donna comme principal sujet à ses écrits la destruction de l'humanité. Heidegger, que sa condition d'être-vers-la-mort angoissait suffisamment, l'accusa d'être un « semeur de panique » et se débrouilla pour le faire remplacer par Karl Löwith.

Malgré des débuts prometteurs marqués par deux hits mineurs, Ontology Makes the World Go 'Round et Dasein A-Go-Go, la notoriété du groupe ne dépassera jamais les frontières du Bade-Wurtemberg.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

dimanche 3 juin 2018

Projet avorté


En 1928, la compagnie UFA fait un pont d'or à Heidegger pour qu'il autorise une adaptation cinématographique de son grand succès Sein und Zeit. La réalisation serait confiée à Fritz Lang, le rôle du Dasein serait tenu par Emil Jannings, celui de l'être-vers-la-mort par Bela Lugosi et celui de l'être-en-faute par Peter Lorre. Quant à l'être-jeté, ce pourrait être Boris Karloff, qui n'a pas encore connu la célébrité dans le rôle de la créature de Frankenstein — le film ne sortira qu'en 1931 — mais dont le potentiel horrifique est déjà évident, et qui, plus que tout autre, paraît capable de faire sentir au spectateur que « tout possible existentiel est aussi manque et renoncement ».

Heidegger refuse car il veut absolument que le Dasein soit joué par Humphrey Bogart, mais celui-ci est déjà sous contrat avec la Fox. Le projet tombe à l'eau et ne sera pas repêché.


(Jean-René Vif, Scènes  de la vie de Heidegger)

mardi 29 mai 2018

Destin


En 1923, c'est une explosion de joie chez les Heidegger : Martin est nommé professeur non titulaire à l'Université de Marbourg. Les Dasein de toute la famille sont pavoisés, on mange du pain d'épice, et l'on oublie pour un instant que l'étant existant est un « être-pour-la mort ».

Heidegger a maintenant deux fils, Jörg et Hermann, le premier né en janvier 1919 et le second en août 1920. Hermann est en fait un fils adultérin, dont le père biologique est le médecin Friedel Caesar, ami d'enfance d'Elfriede. Dans une lettre à son amant, celle-ci écrit que « le cocu a pris la chose avec philosophie et a proposé spontanément de reconnaître l'enfant. En faisant preuve de "grandeur d'âme", ajoute-t-elle, il cherche à prouver que les phénomènes fondamentaux de la vie facticielle peuvent être hissés au niveau d'une détermination catégoriale ».

En réalité, si Heidegger s'est montré débonnaire, c'est qu'à la suite de Hölderlin, il ne pense pas le destin au sens du fatum, de la fatalité qui s'acharne sur un être, un fatum asiatique, écrit-il, mais au sens de la moïra, la « part » dispensée à chaque homme, le lot qui lui est échu. Le destin (Schicksal) se saisit de l'être-jeté sous la forme d'une véritable « destinée » (Schickung), et une telle destinée est bien ce qui nous est destiné (geschikt) en tant qu'il nous est envoyé pour déterminer « ce qui nous convient » (das Schickliche).


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)


samedi 26 mai 2018

Grands moyens


Un homme de 51 ans s'est donné la mort de manière particulièrement atroce, hier lundi.

Le drame s'est produit dans le Loir-et-Cher, à Lamotte-Beuvron, sur le chemin de Maisonfort situé au bord de l'ancien canal de la Sauldre. Il était environ 9 h 30 du matin.
 

Francis D., selon la lettre qu'il a laissée, ne supportait plus sa condition d'« être-vers-la-mort », ce mode d'être mis en évidence par l'illustre ontologue Heidegger dans l'analytique existentiale d'Être et Temps, qui implique un « pouvoir-mourir » vécu par le Dasein comme une attente craintive de son anéantissement.

Francis D. semble avoir préparé froidement et méticuleusement son suicide, ne laissant rien au hasard pour en assurer la réussite.

Selon l'enquête des policiers, il s'est passé autour du cou une chaîne dont il avait préalablement attaché une extrémité à un poteau situé sur le trottoir. Le désespéré est ensuite monté dans sa voiture, une Honda, avant de démarrer brutalement. Sous le choc, son cou n'a pas résisté et la décollation a été immédiate.

Les policiers, prévenus par des riverains qui trouvaient suspect le manège de l'homme, sont arrivés sur les lieux trop tard et n'ont pas pu l'empêcher de commettre son geste fatal. (La Nouvelle République, 2 septembre 2014)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

jeudi 24 mai 2018

Finitude existentielle


« En février 2004, Christophe Sediri, 25 ans, achète une poêle à frire — en fonte — pour se débarrasser de sa belle-mère. Le jeune homme n'a pas digéré le mariage récent de son père avec Samira, une Tunisienne de 38 ans à qui il reproche de ne pas assimiler la notion de "finitude" chez Heidegger.  Il a beau lui répéter que ce concept naît du constat de la "nihilité" du vivant humain, et se déploie dans toute l'analytique du Dasein à travers les thèmes fondamentaux de l'angoisse, de la déchéance et de la mort avec "l'être-vers-la-mort", ça "n'imprime pas".

Il a donc décidé de l'occire à l'aide de l'ustensile de cuisine, dont le principal avantage, selon lui, est de "faire gicler moins de sang qu'un marteau". Le 17 février, il se rend au domicile de Samira à Garons, près de Nîmes, se rue sur elle et lui assène dix coups de poêle. Puis il emballe le corps dans des sacs en plastique et l'entortille avec du fil de fer avant de le jeter, lesté d'un parpaing, dans le canal du Rhône à Sète.

Seulement voilà : le parpaing n'est pas assez lourd, le cadavre ne coule pas et il est découvert le lendemain matin par un passant. Il ne faut que quelques heures aux enquêteurs pour identifier le criminel.

Durant son procès devant les assises du Gard en 2006, l'accusé refuse de répondre aux questions. Son avocat, Me Philippe Expert, argue du fait que la finitude est, selon Heidegger, absolument radicale et interdit à jamais au Dasein d'être transparent à lui-même. Sans grand succès. Christophe Sediri a été condamné à quinze ans de réclusion. » (L'Express, 5 juillet 2007)


(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 20 mai 2018

Discrimination


« Le service de covoiturage a pour objet de mettre en relation des passagers et des conducteurs souhaitant faire bénéficier d'autres personnes de leurs trajets, dans un souci d'économie, de préservation de l'environnement, de solidarité et de convivialité. Il est géré par la Ville de La Bourboule avec l'aide bénévole de Bruno Cordier. L'inscription et la diffusion des annonces sont gratuites. La Ville de la Bourboule et Bruno Cordier se réservent le droit de ne pas diffuser des annonces jugées douteuses, en particulier celles provenant de personnes nihiliques. »

« Oh, eh bien ça alors ! », s'exclame l'homme du nihil, qui pensait justement faire covoiturer son « être-vers-la-mort » (Sein zum Tode) du côté de Clermont-Ferrand, Ussel, etc, dans l'espoir de dépister l'exécrable Moi qui le bourrelle sans relâche.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

jeudi 10 mai 2018

Dis oui (Tobias Wolff)


Ils faisaient la vaisselle. Sa femme lavait, lui essuyait. C'était lui qui avait lavé la veille. Contrairement à la plupart des hommes de sa connaissance, il participait réellement aux travaux domestiques. Quelques mois plus tôt, il avait entendu une amie de sa femme la féliciter d'avoir un mari si attentionné, et il s'était dit : je fais mon possible. Aider à la vaisselle était une manière de lui témoigner son attention.
Ils parlèrent de divers sujets et en vinrent à débattre de la notion de finitude chez Heidegger. Il lui dit que ce concept naît du constat de la « nihilité » du vivant humain, et se déploie dans toute l'analytique du Dasein à travers les thèmes fondamentaux de l'angoisse, de la déchéance et de la mort avec « l'être-vers-la-mort ».
— « Pourquoi ? » demanda-t-elle.
Sa femme prenait parfois cet air : elle fronçait les sourcils, se mordait la lèvre inférieure et baissait le regard pour fixer le sol. Quand il la voyait ainsi, il savait qu'il ferait mieux de ne rien dire, mais il était incapable de se retenir. Elle avait cet air à présent.
« Pourquoi ? » répéta-t-elle, et elle resta immobile, la main dans un saladier qu'elle avait cessé de laver, mais maintenait simplement au-dessus de l'eau.
« Écoute, dit-il. Ce n'est tout de même pas ma faute si le courant humaniste — et notamment son plus illustre représentant Kant, qui met au premier plan de ses préoccupations le développement des qualités essentielles de l'être humain et sa capacité d'autodétermination — est confronté à l'aporie que lui impose la prise en compte de la finitude concrète des capacités humaines ! Je dis ça histoire de discuter, ce n'est pas la peine d'insinuer que je serais devenu existentialiste.
— Je n'ai rien insinué du tout » dit-elle, et elle recommença à laver le saladier en le tournant entre ses mains comme si elle le façonnait. « Il y a simplement que je ne vois pas où est le problème à ce que l'homme soit un être fini.
— Oh, va te faire foutre », dit-il.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

mardi 8 mai 2018

Créer des interactions et du lien social entre les habitants


« Prêter un livre à son voisin. Une action anodine mais très peu de monde se lance, par timidité ou par peur de passer pour bizarre — surtout s'il s'agit d'un ouvrage de philosophie "nihilique" comme l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor. Utiliser une application peut faciliter la démarche.

L'application Citylity, lancée actuellement à Clermont, propose de mettre en contact les voisins. "Il s'agit d'aider les personnes qui habitent dans un même immeuble à trouver, sinon un sens à leur existence, du moins une perceuse, une baby-sitter, un puits busé dans lequel se jeter, etc.", explique André May le créateur de l'application.

Mais ce n'est pas la seule utilité de cette application. "Elle permet de communiquer facilement avec ce que l'ontologue allemand Martin Heidegger appelle son être-vers-la-mort (Sein zum Tode), et de restituer ainsi au Dasein la possibilité d'exister authentiquement." »
(La Montagne, 23 mars 2016)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

lundi 7 mai 2018

Solitude bourboulienne


La solitude est-elle une détermination ontologique, absolument propre, insurmontable et indépassable, ou seulement une détermination existentielle ? Chez Heidegger, elle semble n'être à première vue qu'une détermination existentielle, mais en fait, comme elle repose sur un « pouvoir-être » ontologiquement défini 1, c'est bien une détermination ontologique.

À La Bourboule, en revanche, la solitude est perçue comme une simple détermination existentielle, ce dont témoigne un article du journal La Montagne daté du 25 novembre 2017 : « Ensemble, ils se motivent à découvrir ou à redécouvrir les bienfaits de la marche dans les environs de la station de La Bourboule. Un petit groupe de marcheurs s'est constitué et se retrouve régulièrement. Les participants ont intégré l'atelier D-marche proposé par le Centre communal d'action sociale. Ils sont tous équipés d'un podomètre qui leur permet d'enregistrer leurs résultats et d'apprécier leurs progrès respectifs. Une belle initiative qui, au-delà d'encourager cette activité physique, permet de rompre la solitude2 et de créer du lien social. »

1. Le fameux être-pour-la mort est un « existential », c'est-à-dire un élément constitutif de la structure ontologique de l'existence.
2. C'est nous, Glapusz, qui soulignons.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)