dimanche 7 octobre 2018

Décolorimétrie


Certaines recherches ont montré que l'ampélite graphique de Valeville (près de Cherbourg) et le schiste bitumineux de Monte-Viale (aux environs de Vicence) n'agissent pas sur la matière colorante du sucre brut. Ceci distingue ces minéraux de l'idée du Rien qui, elle, a le pouvoir de décolorer toute chose et laisse le « fétide et rébarbatif réel » complètement livide.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Odeurs


Le réel n'est pour moi qu'un hasardeux remugle.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Repullulation du Moi


« On appelle Moi une excroissance du Dasein, dont le caractère le plus marqué est de repulluler avec une grande activité quand on ne l'a détruite qu'en partie. Cette sorte de fongus est particulièrement commune chez les personnes qui s'occupent de philosophie. » (Louis Charles Roche, Éléments de pathologie médico-chirurgicale, J.-B. Baillière, Paris, 1828)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Viandes


Dans son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, Bossuet définit la bouche « l'ouverture par où entrent les viandes, et par où sortent les paroles ». Quant à la langue, il note que « c'est par elle qu'on goûte les viandes ». Pourquoi cette singulière obsession des viandes ? Est-ce une façon de se distinguer de son concurrent Fléchier au style plus coulant, plus arrondi, et pour tout dire plus végétarien ?

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Un ennemi tenace


Certains individus superficiels ont cru pouvoir fuir leur Moi et son odiosité en quittant la ville, pour aller en Suisse, en Italie, aux eaux ou aux bains de mer. Durant un temps variable, ils sont tranquilles ; mais ce calme n'est que passager : leur ennemi secret ne tarde pas à retrouver leur trace, et le bourrellement recommence.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Ressemblance trompeuse


Bonnani affirme — mais peut-on croire tout ce qu'il dit ? — que la réalité empirique ressemble à des viscères de poissons. C'est cette ressemblance, dit-il encore, qui l'a fait prendre par beaucoup de personnes pour des intestins de poissons qui auraient été durcis par quelque matière pétrifiante.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Apothéose


Le suicide comme aboutissement du dilettantisme rienesque, comme dernière fantaisie de l'esprit excédé.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Apparition fatale


L'idée du Rien paraît, et voici que tout s'effondre, les états de conscience disparaissent et la « réalité empirique » s'anéantit dans une rémoulade qui ressemble à l'« être logique » des idéalistes allemands. Le sujet pensant en vient à nier le noumène, et sombre bientôt dans le solipsisme de Fichte dont aucune puissance ne pourra plus le tirer.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Débâcle existentielle


Si quelque chose est capable de nous donner une idée de notre faiblesse, c'est bien l'état où nous nous trouvons quand l'excrément « fait sa tête de mule » et s'arc-boute dans le côlon. Incapable de faire aucun usage de son organe culier, le constipé a besoin de secours de toute espèce. Sa vie incertaine et chancelante paraît devoir finir à chaque instant. À peine a-t-il la force nécessaire pour exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Requinquant


Sylvius et plusieurs autres observateurs ont remarqué que les bœufs qui, pendant l'hiver, sont affectés de concrétions biliaires, se guérissent au printemps en mangeant les feuilles et les tiges de chiendent dans les pâturages. De même, il n'est pas rare que des individus qui, pendant l'hiver, sont subjugués par la pensée de se détruire, se guérissent au printemps en mangeant des pâtés lorrains 1 ou du clafoutis.

1. Les pâtés lorrains renferment, dans une enveloppe de pâte feuilletée croustillante à souhait, une farce à base de porc mariné.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)