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vendredi 10 septembre 2021

Synthèse

 

Pour qui sait lire entre les lignes, tout ouvrage de littérature peut se résumer en une phrase : « Untel est un salop et je le crèverai. » Shakespeare, Cervantes, Dostoïevski, Flaubert, et avec eux tous les écrivains depuis l'Antiquité, n'ont finalement écrit que cela : « Untel est un salop et je le crèverai. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 12 août 2021

Ou bien... ou bien

 

« La foi commence précisément où finit la raison », affirme Kierkegaard. Mais que faire si l'une vous est inaccessible et l'autre vous répugne ? Il ne reste qu'à « douiller » à fond — et, comme l'a bien vu Dostoïevski, on « douille » d'autant plus que l'on ne comprend pas. Heureusement, il y a le taupicide — et, peut-être plus précieuse encore, l'idée du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 14 avril 2021

Un réprouvé

 

Lorsqu'il se voit frappé d'un panaris, le nihilique, au lieu de trouver son soutien dans la soumission à la providence, blasphème contre le ciel, trouve tout odieux, se désespère et, dans son désespoir, goûte toute l'amertume de la douleur. Ne manque que la pénible Sonia Marmeladova pour faire de lui un complet « héros dostoïevskien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 8 mai 2020

Mousserons


« J'ai passé ma vie à faire le mort, déclara l'homme du nihil. Allongé sur mon matelas-tombeau, un torchon sur les yeux, les mains croisées sur la poitrine...
— Et les mousserons ? » demanda le père Théraponte.


(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 9 avril 2019

Les révélations de la constipation


Il faut, pour vivre, préférer le mensonge à la vérité. Garder les yeux fermés. Comment, en effet, continuer à vivre quand on a vu le pachynihil ? Mais qu'un manque de fibres, solubles ou insolubles, déclenche en l'homme une constipation opiniâtre, et aussitôt tout se défait autour de lui, le voilà dans une nuit de solitude et de misère — celle des fameux « goguenots » —, dévoré par la pensée du néant avec une incroyable soudaineté. On pense, devant cet « exilé du cas » (Gragerfis), à l'Ilitch de Tolstoï, à l'homme du souterrain de Dostoïevski, au Salavin de Duhamel, au Clamence de Camus, etc. : une expérience de nature religieuse, mais d'où Dieu — et non seulement le « Suisse » — est absent.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 17 mars 2019

Faut s'y faire


De longues années de cohabitation avec une « mégère difforme au faciès d'hippopotame » avaient convaincu l'homme du nihil de la véracité de cet axiome dostoïevskien : l'homme est un être qui s'habitue à tout.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 18 décembre 2018

Une tâche surhumaine


Au début de sa carrière, l'homme du nihil ressemble à un héros dostoïevskien écartelé entre l'évidence de n'être rien et le sentiment d'être tout. Enfin... peut-être pas exactement tout, mais du moins un certain nombre de choses : parmi les corps lumineux, le soleil rayonnant ; entre les montagnes, l'Himalaya ; parmi les poëtes dadaïstes, Georges Ribemont-Dessaignes ; entre les mots prononcés, le mot indivisible « reginglette »; entre les lacs, l'océan ; entre les bêtes sauvages, le tigre ; entre les objets purifiants, le vent. Et encore : le temps sans limites, la pénitence des ascètes, le silence des secrets et la science des sages. — Mais il réalise vite que tout cela n'est pas une sinécure. Alors il se recouche — et gémit.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 25 septembre 2018

Délestage


Pas plus que Shakespeare, ou Dostoïevski, ou Rubens, ou Titien, ou Wagner, le sujet déféquant ne travaille pour faire de l'art. S'il « fait », c'est pour se débarrasser de son faix, pour mettre dehors ce grand paquet de choses vivantes — ou perçues comme telles —, opus non factum...

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

dimanche 19 août 2018

Théorème de Hölder


Le théorème de Hölder est un résultat d'analyse qui nous dit que la fonction gamma — qui prolonge la fonction factorielle à l'ensemble des nombres complexes, sauf pour les entiers négatifs — ne satisfait à aucune équation différentielle algébrique dont les coefficients sont des fonctions rationnelles.

Dostoïevski, dans ses Carnets du sous-sol, affirmait déjà que l'homme du nihil n'obéit pas toujours aux injonctions de la raison, qu'il préfère souvent n'en faire qu'à sa tête, quitte à en payer cher les conséquences. À l'évidence, son comportement chaotique ne saurait être représenté par une équation dont les coefficients sont des fonctions rationnelles. Le lien entre l'homme du nihil et la fonction gamma des mathématiciens est donc établi grâce au théorème de Hölder. 


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

mardi 31 juillet 2018

Épilepsie


En 1914, alors que toute la jeunesse allemande est sous les drapeaux, Heidegger est réformé pour raison de santé. Il a envisagé divers moyens pour échapper à ses obligations militaires — il refuse d'aller « faire le zouave » (Ich will die Zuave nicht machen), écrit-il dans une lettre à Husserl — et pensait d'abord s'en tirer grâce à un panaris providentiel, mais il a préféré « assurer le coup » en se faisant délivrer par son médecin de famille un certificat le déclarant « fragile du Dasein » et même épileptique.

C'est en lisant une biographie de Dostoïevski qu'il a eu l'idée de ce stratagème. Il a découvert peu de temps auparavant les romans du « penseur souterrain », qui l'ont fortement impressionné. « L'œuvre de ce Russe est d'un pathétique saisissant », note-t-il dans son journal.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

lundi 23 juillet 2018

Les révélations de la mort


Haddock, dans sa cellule du Temple du Soleil, un jour avant la date prévue de son exécution sur le bûcher, se tient la tête entre les mains, effondré : « C'est fini !... Plus rien à espérer !... Jamais je n'ai touché à ce point le fond du désespoir ! »

Que peut-on dire à un homme qui touche le fond du désespoir ? « Ce n'est rien, il suffit de prendre de l'aspirine, de se frictionner avec du vinaigre, d'appliquer un sinapisme, et ça passera » ? C'est ainsi que parle la sagesse populaire, mais Haddock n'a cure de ce genre de consolation. Et à l'instar de l'« homme du souterrain » cher à Dostoïevski, il refuse de s'incliner devant le « mur de brique » de la nécessité.

Voici ce que dit de l'expérience haddockienne le philosophe Léon Chestov dans une lettre à sa fille datée du 13 avril 1921 : « Auparavant le whisky, la pipe, les cartes et les jurons semblaient être à Haddock le summum de ce que l'on pouvait atteindre. Il n'apercevait ni le soleil, ni le ciel, il ne voyait rien dans la vie, bien qu'il eût tout devant les yeux. Et lorsque arriva la mort, il comprit subitement qu'il n'avait rien vu, comme si dans la vie rien n'existait en dehors du whisky, de la pipe, des cartes et des jurons. Tout ce qu'il avait pu voir de vrai, il l'avait vu durant son enfance, sa jeunesse, puis l'avait oublié, employant toutes ses forces uniquement à ne pas être lui-même, mais à être comme "tout le monde". Aussi la révélation de la mort n'est pas une négation de la vie, mais, au contraire, plutôt une affirmation — mais une affirmation d'autre chose que de cet habituel remue-ménage de souris par lequel se laissent prendre les hommes. »


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

vendredi 20 juillet 2018

Dualité du Dasein


Dans le Secret de la Licorne, Hergé aborde discrètement le thème du Doppelgänger déjà traité, entre autres, par Edgar Poe, Stevenson et Dostoïevski. Le brocanteur auquel Tintin veut acheter la maquette de la Licorne — « Combien? — Cinquante francs. C'est une pièce unique. C'est une... chose... euh... une espèce de caramelle de l'ancien temps. » — est en effet le double d'Isidore Boullu, l'infernal marbrier des Bijoux de la Castafiore !

Il semble bien qu'ici, le thème du double serve à mettre en lumière l'angoisse du sujet — le marbrier Boullu — devant sa non-réalité et sa non-existence, plutôt que sa crainte de la mort comme le soutenait incongrûment le psychanalyste Otto Rank (qui n'avait d'ailleurs pas pu lire le Secret de la Licorne, ayant « cassé sa pipe » trois ans avant sa parution).


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

mercredi 4 juillet 2018

Quand le doute est exclu


Lorsque, cherchant à se rassurer, l'homme du nihil énonce : « je sais que mon revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe est dans un tiroir de ma commode, caché sous des chaussettes », son énonciation signifie à peu près la même chose que « il n'y a pour moi nul doute à affirmer cela » ; mais autrui est en droit de répondre par la question « en es-tu sûr ? » ou « le sais-tu vraiment ? ». 

Si en revanche c'est de ses douleurs dues à l'haeccéité qu'il s'agit, la question d'autrui « es-tu sûr que tu as mal ? » ou « sais-tu vraiment que tu as mal ? » n'aura pas de sens. Quand l'homme du nihil sait qu'il a mal, c'est lui-même qui est la dernière instance. Il ne lui est pas possible de vérifier ni de mettre en doute le fait qu'il a mal. — Et comme dirait Dostoïevski, « il souffre d'autant plus qu'il ne comprend pas ».

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

mercredi 6 juin 2018

Bouc émissaire


« Et Aaron, mettant ses deux mains sur la tête du bouc vivant, confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël, et tous leurs forfaits, selon tous leurs péchés, et les mettra sur la tête du bouc, et l'enverra au désert. »

Étrange personnage que ce bouc, qui n'est pas sans évoquer les « humiliés et offensés » de Dostoïevski mais dont le sort rappelle surtout celui du suicidé philosophique dans ce qu'il a de plus poignant.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

lundi 28 mai 2018

Gluance molle


Dans Crime et châtiment, Sonia Marmeladova, dont le nom évoque irrésistiblement la crème de marron, est si collante qu'elle s'attache à Raskolnikov « comme le suicidé philosophique à son revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe ».

Se trouve ainsi confirmée l'intuition décisive de l'homme du nihil, à savoir que « la crème de marron, c'est plus commun [que le vouloir-vivre schopenhauerien], mais ça tient bon ».

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

mercredi 9 mai 2018

Une terrible méprise


Pourquoi, dans Crime et châtiment, Raskolnikov décide-t-il d'assassiner la « vieille bique », si ce n'est pour se prouver à soi-même que « rien n'est » ? Il échoue lamentablement, mais cela n'entame aucunement sa détermination à « mettre à bas les structures empaillées de la raison pure ». Les années passent, et en 1898, alors qu'il termine sa période de relégation en Sibérie, il se sent défaillir. L'issue fatale est proche, mais le « transgresseur arrogant de l'ordre moral » fait des manières et demande à mourir « face à la mer ». On le transporte à Deauville où il décède le 8 août au matin dans la villa Breloque, au numéro 8, rue Oliffe. 

Ce n'est qu'après avoir livré la dernière partie de son roman à Katkov que Dostoïewski s'aperçut de sa terrible méprise : il avait pris pour Raskolnikov le peintre Eugène Boudin ! Il supprima donc subito presto cette fin par trop rocambolesque.

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)