samedi 6 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Atlantide mentale


En certaine île verte de mon cerveau où pousse à présent le sombre corail de la lycanthropie, pleins d'orgueil, de faste et de majesté, s'élevaient autrefois les palais de l'odieux « vouloir-vivre ».

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Frénésie philosophique


« Les philosophes ne sont pas plutôt nés qu'ils cherchent à produire des concepts. Ils se traînent d'abord sur le morceau de réalité empirique qui les entoure, et ensuite ils s'enfoncent dedans, au moins en partie. À mesure qu'ils en ont détaché une petite portion, ils l'avalent ; ils travaillent sur les "phénomènes" comme la chenille de l'hépiale du houblon fait sur la substance charnue des feuilles des plantes. Si on suit pendant quelques jours ceux qu'on aura mis sur un morceau de réalité empirique, on verra ce dernier devenir criblé de toutes parts, les philosophes n'en auront épargné que les fibres les plus tendineuses, ils en auront fait une espèce d'éponge. » (Charles François Bailly de Merlieux, De la philosophie et des philosophes, Imprimerie Royale, Paris, 1738)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Autoblocage


Dans la constipation, le sujet déféquant est, comme le dirait le philosophe Jankélévitch, tout à la fois l'organe et l'obstacle.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Venin


« Il n'est pas rare, en Amérique, de voir le lait des bêtes à cornes devenir un véritable poison, quand les bestiaux ont mangé des plantes dangereuses. De ce nombre sont deux végétaux, connus chez les Indiens sous les noms de hachy et maleraria. Le premier rend le lait tellement vénéneux que la moindre quantité, prise avec le thé, a souvent des suites mortelles, à l'instar de l'idée du Rien chez le suicidé philosophique. » (Alexander Neuman, Sur les propriétés nuisibles que les fourrages peuvent acquérir pour différents animaux domestiques par des productions cryptogamiques, R.J. Schierbeek, Groningue, 1830)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

lundi 1 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Sol phénoménologique de la mondanité


« Le flux ininterrompu de la temporalisation, en tant qu'il assure les toutes premières congruences synthétiques de l'activité intentionnelle, représente en effet le sol phénoménologique le plus profond de la mondanité. »  (Raphaël Célis, La mondanité du jeu et de l'image selon Eugen Fink, Revue Philosophique de Louvain, 1978).

— Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami !


(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Déception


On ne le sait que trop, vivre suppose d'être soumis à l'usure du temps, au tangage et au roulis de l'existence, à l'haeccéité, bref à tout ce qui fait la condition humaine. Mais on a beau le savoir, il n'empêche que l'on peut éprouver parfois le sentiment d'avoir été bafoué par l'existence, c'est-à-dire de n'être pas ce que l'on aurait souhaité être : une pierre dure rotacée.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Intégration vs. assimilation de l'idée du Rien


Dès son plus jeune âge, l'homme doit se préparer au broiement, assimiler déjà dans son cytoplasme ranci la suave idée du Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Tribulations météorologiques


Lorsque, dans les rigueurs de l'hiver, les vents ont enlevé du haut des billons la neige qui les recouvrait, ou lorsque dans les moments les plus critiques du printemps, le soleil fond cette neige pendant le jour, et que l'eau contenue dans les rigoles régorge sur les billons et s'y gèle pendant la nuit, l'inanité de l'existence jaillit soudain, éclatante, et la pensée de l'homicide de soi-même envahit la pachyméninge d'une façon presque insoutenable.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Acte manqué


« Je possédais un fusil de chasse, dont la détente usée partait souvent au repos. Je chargeai ce fusil de trois balles, et je me rendis dans un endroit écarté du Grand-Mail. J'armai ce fusil, j'introduisis le bout du canon dans ma bouche, je frappai la crosse contre terre ; je réitérai plusieurs fois l'épreuve, le coup ne partit pas : l'apparition d'un garde suspendit ma résolution. Fataliste sans le vouloir et sans le savoir, je supposai que mon heure n'était pas arrivée, et je remis à un autre jour l'exécution de mon projet. » — Qui n'a frémi en lisant cette page des Mémoires d'Outre-Tombe ? Et qui ne s'est demandé, éberlué, pourquoi l'auteur avait eu l'incroyable folie de ne s'être pas muni d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe ?

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Règle numéro 7


Étouffer l'haeccéité sous l'édredon pellucide de l'inaction.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Théorie de l'argumentation


Dans leurs controverses philosophiques, les Anciens, au dire de Vitruve, se servaient de deux sortes de béliers, le bélier suspendu et le bélier à rouleaux. L'un et l'autre étaient composés d'une très forte poutre, armée, à son extrémité, d'une masse de fer qui avait ordinairement la forme d'une tête de bélier : on donnait à cette poutre un mouvement oscillatoire dans un plan horizontal, et on produisait par son moyen des chocs violents qui ébranlaient les concepts de l'adversaire.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Proprement stupéfiant


Comment, au nom d'une abstraction appelée pompeusement le progrès, et après tant d'efforts et de lutte des suicidés philosophiques dans les siècles passés, l'homme a-t-il pu sérieusement consentir à échanger contre la chimère froide de l'avenir l'idée consolante et poétique du Rien ?

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Le refus


« Il n'a rien fait. » Quelle épitaphe ! 

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

dimanche 30 septembre 2018

Catalepsie conceptuelle


Mystagogue dévoyé, le philosophe tente de masquer la plus rugueuse vérité, le Rien, en se servant de l'outil le plus vil, le concept. Mais vainement : car il ne produit que de la « catalepsie conceptuelle ».

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Vent


Théophraste rapporte, au Livre III de son Histoire des plantes, que selon Anaxagore, la semence de toute chose est contenue dans le vent qui, par l'intermédiaire de l'eau des pluies, apporte les graines qui donnent naissance aux plantes, et notamment à la bourrache.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Pas mieux


« Je suis un état de fait. » Comme cela est bien dit, vraiment !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Cubofuturisme et homicide de soi-même


Ivre de cézannisme géométrique, le cubofuturiste se donne pour programme de pulvériser, à travers son travail du mouvement et du dynamisme plastique, les « structures empaillées de l'étant subsistant ». Parfois, exténué et cédant à la facilité, il se précipite tout simplement dans un puits (cas de Vladimir Bourliouk).

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Interlude

Jeune fille s'apprêtant à lire Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Maussaderie philosophique


On dit — mais cela est-il vrai ? — que le philosophe Anaxagore de Clazomènes ne riait ni ne souriait jamais, pas plus que son élève Euripide. Étaient-ils « excédés par tous », comme le satiriste roumain Émile Cioran ? Craignaient-ils d'être anéantis par le Noûs, cette énergie qui ordonne le monde en organisant et différenciant la matière et l'être ? Nous ne pouvons ici que poser la question.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Règle numéro 6


Sortir de la parallaxe fétide du Moi.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Une créature vomitive


Suivant Dupasquier, l'exposition à un autre Moi que le sien propre peut amener des désordres dans les fonctions digestives du sujet pensant. Sans admettre qu'autrui exerce directement une action fâcheuse sur le tube digestif, il est certain que sa vue provoque le dégoût, et que partout on a reconnu la nécessité de s'y dérober.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Traitement de la fluxion conceptuelle


Les purgatifs sont toujours dangereux dans les attaques d'hégélianisme : Hoffman recommande (lorsque l'accès est imminent) une prise de poudre cornachine, propre selon lui à atténuer la douleur pulsatile qui accompagne ordinairement le « moment spéculatif » d'identification du réel avec le rationnel. Duhamel, quant à lui, a beaucoup conseillé, pour apaiser l'échauffement dialectique, l'application du bulbe de la renoncule des prés ou éclairette. On a toutefois observé qu'il produisait un ulcère qui donnait beaucoup de matière purulente, et séchait difficilement.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Recherche expérimentale


« Quand de longues méditations dans le silence de mon cabinet m'eurent fait naître l'idée d'un rapport intime entre la perte plus ou moins absolue de la parole et l'altération plus ou moins profonde des lobules antérieurs du cerveau, je résolus de mettre cette idée à l'épreuve des faits en m'enfonçant le crâne à la région frontale par une pierre lancée avec violence. » (Théasar du Jin, Recherches cliniques sur moi-même, Paris, J.-B. Baillière, 1825)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Vocation subie


Être un Quasimodo de la pensée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)