mardi 27 novembre 2018

Le refus de nommer


Celui que révulse la facticité de l'étant (existant ou subsistant, n'importe) ignorera sciemment le signe 1, et jusqu'à l'unité phonématique qui compose le mot.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

1. Pulflop a probablement en vue le fameux « morphème » des linguistes. (Note de l'éditeur.)

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Pour enfin être tranquille


Incarcérer le réel dans la cavité palléale du mollusque.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Cercle vicieux


Il arrive parfois que, par une condensation intense de sa volonté, par une exaltation prodigieuse de son dynamisme fluidique, le constipé parvienne à produire en son boyau culier une terrible incandescence, portant brutalement à la fusion la substance réfractaire qu'il renferme. L'étincelle intime, par qui tant d'énergie est subitement dégagée, non seulement fond les « cas » les plus rebelles, mais encore les réduit à l'état de dociles et fugitives vapeurs. L'ardente secousse provoque alors des vides puissants dans le côlon. Il se produit vers ces foyers d'insupportable nullité un appel irrésistible. Une hâte absolue y précipite pour y remplir l'absence une matière fascinée, liquéfiée, évaporée. Mais la transe ne dure que le temps d'un éclair, puis c'est le lent refroidissement, le retour au spongieux, au poreux, bientôt au compact, puis à l'inflexible, à l'inaltérable. Il faut alors faire appel au médiateur du Rien par excellence : le jus de pruneau.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Adresse au Grand Tout


Je ne suis qu'un bloc de matière, c'est vrai mais... un pistolet plaqué sur la tempe. Ha, ha, ha!

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

lundi 26 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Autrui


L'homme du nihil voit en autrui un sarcasme du Grand Tout à son adresse.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Lichen


25 janvier. — Abandonné Fichte, décidément trop indigeste. Relu plutôt la thèse du Dr Lebail, Des lichens considérés sous le point de vue économique, médical, et physiologique. On y trouve un passage captivant sur la nourriture du renne, animal qui sert de base, comme l'on sait, à l'économie du Lapon. Linné consacre d'ailleurs au cladonia rangiferina un chapitre poignant de sa Flore de Laponie. Quant à Lebail, il rappelle que d'autres peuples que les Lapons ont employé le lichen en guise de fourrage pour divers animaux, et même pour leur propre alimentation. Ainsi, à l'île Maurice, on emploie le rocella tinctoria pour fabriquer des bouillons nutritifs. En temps de disette, les Norvégiens forment de leurs lichens une pâte qu'ils mêlent soit avec des pommes de terre, soit avec d'autres aliments. Et cetera, et cetera...

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Mélèze


Imitant le mélèze, le suicidé philosophique recherche un sol meuble pour y asseoir le fondement tératogène de son haeccéité.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Giboulées


Projeté, par l'existence même, de l'autre côté de l'abstraite paroi qui sépare l'être du néant, le suicidé philosophique parle peu, mais quand il parle, ses mots — et notamment celui reginglette — sont comme des giboulées de lumière tombant dans l'espace sans pesanteur d'un cristal temporel de Wilczek.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Règle numéro 10


Falsifier les données immédiates de la conscience. Se déshabituer de ce puissant toxique qu'est la pensée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Funérailles


24 janvier. — Sous l'empereur Claude, raconte Pline, un citoyen s'avisa d'estourbir un corbeau célèbre par son adresse ; ce citoyen fut mis à mort et son corps jeté dans le Tibre ; on fit à l'oiseau des funérailles magnifiques ; un joueur de flûtiau précédait le catafalque sur lequel deux esclaves portaient le corbeau, et le convoi était suivi par une infinité de gens de tout sexe et de tout âge. C'est à ce sujet que Pline s'écrie : « Que diraient nos ancêtres, si, dans cette même Rome, où l'on enterrait nos premiers rois sans pompe, où l'on n'a point vengé la mort du destructeur de Carthage et de Numance, ils assistaient aux obsèques d'un corbeau ! »

— Hélas, que n'a-t-on vu depuis dans ce registre ! À notre époque de décadence souplement encastrée, on panthéonise jusqu'aux babiroussas, aux moustiques encéphalitiques, aux gloméruleux pélicans...


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

dimanche 25 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Vert dans le sens des départs


Pour atteindre la pureté du vide, il faut suivre un chemin « sinueux comme les intestins d'un mouton » — et cela en rebute plus d'un. Au grand soulagement de l'homme du nihil, la voie du Grand Rien n'est pas encombrée.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Symbolisme du « Suisse »


La Bérézina de l'être ; la grande débâcle du vouloir-vivre... Tout cela dans un peu de matière fécale moulée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Orgue à chats


23 janvier. — « Mais en fait de cacophonie, tout a été tenté, et nous voyons jusqu'à des concerts de chats pour ajouter à la pompe des fêtes religieuses qui eurent lieu à Bruxelles, en 1549, le jour de l'octave de l'Ascension, en l'honneur d'une image miraculeuse de la Vierge. Ce jour-là, pendant la procession et après le passage de l'archange Michel, on vit paraître un chariot sur lequel était assis un ours touchant de l'orgue. Le jeu de cet orgue était formé d'une vingtaine de chats enfermés séparément dans des caisses étroites. Au-dessus de ces caisses passaient les queues des animaux liées à des cordes attachées au registre de l'orgue et correspondant aux touches. [...] L'ours, en pressant les touches de l'instrument vivant, tirait les queues des chats, ce qui leur faisait miauler des tailles, des dessus, des basses, d'une harmonie qui, sans aucun doute, devait être fort agréable à Dieu. » (Jean-Baptiste Weckerlin, Nouveau Musiciana : extraits d'ouvrages rares ou bizarres, anecdotes, lettres, etc. concernant la musique et les musiciens, 1890)

— Ô inventivité satanique du monstre bipède !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Grand projet


Entassons les suicidés sur le plateau d'une balance et comparons leur poids à celui du sable de la mer. Ou mieux encore : assommons les suicidés !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Retraite anticipée


Se retirer dans une île, au sommet d'une montagne, dans une caverne en forme de gourde ; quitter le monde des variations fugaces et vaines pour regagner la source universelle, pour participer à la permanence incorruptible du Rien ; devenir immortel, silencieux, insensible à la façon des pierres... Ah, quel délice ! (Les trente-trois délices de Théasar du Jin, Traduction de Simon Leys)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Situation inconfortable


Allongé sur le pergélisol, j'attends l'inhumation.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 24 novembre 2018

Interlude

Jeune femme ramassant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Chante, Déesse, l’ire d’Achille Péléiade !


La mort n'est que le juste châtiment d'une scansion fautive.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Résistance phénoménale de l'homme du nihil


L'homme du nihil est, de tous les corps connus, l'un des plus proches du diamant dans l'échelle de la dureté. Pour transpercer sa carapace nihilique, il faudrait une force plus puissante encore que celles que mettent en jeu les bombardements de particules et que, dans les laboratoires, des savants téméraires et hirsutes descendent puiser au barycentre même de la récalcitrante matière.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Trémolite


Silicate naturel du genre amphibole, la trémolite illustre avec éclat la prééminence de l'inerte.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Ô miracle ! ô merveille ! ô spectacle effrayant !


À Rio Marina, dans l'Île d'Elbe, il arrive qu'un constipé, alors qu'il avait presque atteint le seuil du désespoir, mette au jour un « cigare japonais » à forte proportion de fer. Il y court parfois un reflet vert intense, tout chargé de ténèbres, mais sans les irisations viles des oligistes de même provenance, lesquels sont fissurés et crevassés comme par une monstrueuse dessication.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Au fou !


L'ambition de vivre est déjà démesurée. Que dire alors de celle de « créer des concepts » !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Un drôle de pastis


23 janvier. — Je parcours l'ouvrage d'Ambroise Tardieu intitulé Étude médico-légale sur la pendaison, la strangulation et la suffocation (J.-B. Baillière et Fils, Paris, 1870), et voici ce que je découvre page 64 : « Un homme de forte stature monte sur une des charpentes les plus élevées de son grenier ; et, après avoir fixé la corde, se laisse tomber brusquement de tout son poids et reste suspendu dans l'espace. L'autopsie du cadavre a montré qu'il s'était produit une luxation de la deuxième vertèbre sur la première. L'apophyse odontoïde était presque entièrement sortie de l'anneau et son extrémité était au niveau du bord inférieur du ligament transverse. Les ligaments odontoïdiens, le ligament antérieur et le ligament postérieur de l'articulation de l'atlas avec l'axis étaient rompus. Le ligament transverse était intact ; et du sang était épanché dans le canal. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)