samedi 1 décembre 2018

Pilchard


30 janvier. — En feuilletant de vieux numéros de la Revue britannique, je tombe par hasard sur un article intitulé La pêche du pilchard à Saint-Yves — il s'agit d'un village des Cornouailles. « Les pilchards, nous dit l'auteur, sont une des divisions du genre clupée, que M. Dumeril rangeait dans la famille des gymnopomes et M. Cuvier dans celle des malacoptérygiens abdominaux. Ils ont la tête déprimée, le corps couvert de grandes écailles minces qui se détachent aisément, l'angle supérieur des ouïes marqué d'une grande tache noire, l'iris gris-argent, la bouche petite et dénuée de dents, la mâchoire inférieure projetée au delà de la mâchoire supérieure, mais moins que le hareng, à qui ils ressemblent à plusieurs égards, bien que celui-ci soit moins rond et que ses écailles, plus petites, réfléchissent autrement la lumière. »

— La tête déprimée... La bouche petite et dénuée de dents... Le ventre et les côtes d'un blanc d'argent... J'ai la désagréable sensation de me reconnaître dans ce portrait au vitriol du clupanodon pilchardus.


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Canaux


Dans la pachyméninge de l'homme du nihil, des canaux de feu étendent un peuple de radicelles que ne guette aucun épuisement prochain. Qu'un geste, un mot, rappelle le caractère insensé de l'existence, et voici leur fontaine bruire et miroiter, déverser l'ardente coulée du Rien dans les rigoles ménagées pour leur incandescence par la finesse réfractaire où elle se faufile et s'étale, pour finalement déboucher dans la mer plate que les savants appellent pensée de l'homicide de soi-même.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Vanité de la lexicographie


L'infinie récursivité du langage fait du lexique un polyèdre scélérat.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Courge-torchon


29 janvier. — Dans le volume 15 du Bulletin agricole du Congo belge et du Ruanda-Urundi, on peut lire que les fruits de la courge-torchon fournissent l'éponge végétale, dont on peut se servir pour laver la vaisselle. Les feuilles de cette plante fibreuse, quant à elles, sont appliquées sur les fortes plaies ; pliées, elles sont utilisées en friction contre les points de côté. Le luffa — qui est le nom scientifique de la courge-torchon — sert aussi à confectionner de jolies vanneries artistiques.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 30 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Le nihilique parle


« Échanger la perpétuité minérale contre le privilège ambigu de frémir, de pourrir, de pulluler ? Ah ça, mais... vous m'avez regardé ? »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Rien n'est ça


Être homme, c'est faire l'expérience de l'inadéquat.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Khlisti


29 janvier. — Grande agitation dans ma pachyméninge, consécutive à la lecture que je viens de faire de l'ouvrage d'un sieur Jean-Marie Dupain, intitulé Étude clinique sur le délire religieux. Il y est question d'une secte russe appelée Khlisti, dont l'une des coutumes est de mutiler pendant la nuit une jeune fille de quinze à seize ans, qui est regardée dès lors comme sacrée : on lui enlève l'un des seins que les assistants mangent pieusement ; puis la jeune victime est mise sur l'autel ; les fidèles dansent en chantant frénétiquement tout autour ; les lumières sont alors éteintes et il se passe, selon l'auteur, « des choses indicibles ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Retour au fétide réel


S'éveiller, c'est un peu comme sortir des cabinets : on quitte avec déchirement un asile douillet où l'on fusionnait — métaphysiquement ! — avec le Rien, pour retomber dans une vie démente et mauve, proliférant sans loi ni limites, produisant à l'envi tumeurs et goitres ; un univers vorace et glissant, pourrissant, couleur de lichens ou de crachats, où l'on a vite fait de s'étaler et de se retrouver la tronche dans le caniveau. — Au demeurant, un opus d'un dessin charmant, rempli de surprises et d'inventions, pour l'amateur désinvolte qui s'en tient aux couleurs, à la composition.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)


Tableau de peinture


Le Christ par trop membru d'un Bramante a les yeux rouges et les cheveux ébouriffés.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


28 janvier. — L'idéalisme allemand, au dire de Gragerfis, prétend démasquer le « véritable concret » en « dissolvant les concepts abstraits ». Voilà qui est tout de même un peu fort de café !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 29 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Recette


Choisissez une météorite de belle taille, de préférence sans poche pierreuse (elles sont d'ailleurs les plus rares et fort recherchées des savants), et carrez-vous-la dans le fondement. Vous verrez apparaître des entrelacs de triangles, des polygones imbriqués, tout un système complexe d'obliques et de parallèles, qui se répètent comme semis de papier peint : les figures dites de Widmanstätten. La vie n'est-elle pas surprenante ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Vice honteux


Derrière les murs involucrés du Moi, l'homme du nihil se livre à une bacchanale d'inexistence.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Géologie du Cantal


27 janvier. — Ai décidé de me lancer dans une tâche longtemps repoussée : l'étude de la géologie du Cantal. Jusqu'à présent, les observateurs qui ont un peu étudié les vallées de ce département ont tous marché à l'aventure, sans s'occuper de coordonner, de comparer et de généraliser leurs observations, et tous ont ignoré la grande simplicité de structure et l'uniformité qui règnent en tous lieux sur les versants du grand volcan de la France centrale. J'entends quant à moi montrer dans sa vraie lumière l'antique paysage cantalien. Première étape : étudier avec soin les mollusques fossiles du terrain miocène inférieur du bassin d'Aurillac.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Intransigeance nihilique


Laisser passer en soi le Rien, cela signifie, pour l'homme du nihil, céder à cet appel venu des tréfonds de sa pachyméninge qui l'exhorte à retourner au silence et à l'inerte.
Investigateur inlassable, il a conjecturé jusque dans le morne intérieur des pierres l'analogue de cette effusion néantique. Il a suivi le fantasque Mi Fou, ses respects et ses ferveurs. Comme l'esthète chinois, il lui a même semblé saisir, dans la contemplation hallucinée du minéral, une des naissances possibles de la poësie. Mais la concordance s'arrête là. Car de Mi Fou, il ne partagera jamais les abdications 1.


1. Selon Gragerfis, Mi Fou aurait renoncé à cultiver la pensée de l'homicide de soi-même pour se consacrer plutôt à la calligraphie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

L'homme s'enfuit comme une ombre


La mort ? Une suite bergamasque. Mieux : une passacaille.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Corroboration du Moi


26 janvier. — Dans son Manuel du jeune chirurgien ou Pharmacopée chirurgicale théorique et pratique (Hérissant le Fils, Paris, 1771), Jean Nicolas décrit ainsi la recette du « bol corroborant » (bolus roborans) : « Prenez un scrupule de résine jaune, cinq grains de rhubarbe, dix grains de conserve de roses rouges, et de syrop simple, autant qu'il en faut. Mêlez, et formez-en un bol. » — Fort bien, mais quant à moi, je préfère m'en tenir au muscadet, goûtant peu la « résine jaune » et le « syrop simple ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mercredi 28 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Glou... glou...


La pensée : un naufrage dans l'inétendu.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

Pierres milliaires


Contemplant les « cigares japonais » qu'il vient à grand peine d'extraire de son fondement, le constipé admire que des stèles aussi difformes, des monuments aussi taciturnes, jalonnent l'histoire entière de sa vie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un remède à l'angoisse d'exister ?


« Un topique des plus efficaces dans la curation d'un grand nombre de plaies et d'escarres est l'emplâtre appelée de Nuremberg. » (L'agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, Rouen, 1787)

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Persévérance coupable


La vie, ce jusqu'au-boutisme de l'infamie...

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

Un maître de la non-réussite


25 janvier. — Je découvre, en lisant un ouvrage intitulé Curiosités des Sciences occultes, d'un certain Paul Lacroix, l'utilisation que faisaient les spagyristes de la matière fécale. L'auteur cite un sieur de La Martinière, médecin du roi Louis XIV, qui dans son livre Le Chymique inconnu, ou l'Imposture de la Pierre philosophale, raconte plusieurs essais infructueux qu'il avait tentés pour réaliser le Grand Œuvre : « Je fis amasser morve, crachats, urine, matière fécale, de chacun une livre, que je fis mélanger ensemble, et mettre dans un alambic, pour en tirer l'essence, laquelle étant toute tirée, j'en fis un sel, que j'essayay en la transmutation des métaux, mais en vain, ne réussissant pas. Je retiray les fèces de toutes ces vilenies, qui étoient au fond de l'alambic, je les fis calciner, j'en fis une poudre grisâtre, tirant sur un rouge noir, j'en fis l'essay en la transmutation des métaux : je ne réussis pas. Je fis moucher pendant plusieurs jours quantité de personnes à jeun, dans des vaisseaux ; en ayant ramassé toute la morve, je la mis encore dans l'athanor, sous lequel ayant fait un feu de proportion, j'en tiray une pierre d'une vilaine couleur jaunâtre, que je mis en poudre, et l'essayay en la transmutation des métaux, à quoy je ne réussis pas. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Un orignal fieffé


L'orignal n'est pas un caractère bizarre, singulier. C'est un élan du Canada.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)