lundi 18 février 2019

Mélancolie angloise


26 juillet. — « Il est assez commun de voir les mélancoliques se donner la mort, lorsque leur maladie est portée au plus haut degré ; mais la mélancolie angloise diffère des autres, en ce que ceux qui en sont affectés prennent la résolution de mettre fin à leur vie sans donner aucune marque de fureur, ou sans avoir aucun chagrin grave ; et souvent l'ennui de la vie ne paroît pas dépendre chez les Anglois d'une maladie. » (William Cullen, Éléments de médecine pratique, Paris, Méquignon, 1787)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Définition du « faire »


« Sous l'angle de la forme, on peut donc, en bref, définir la défécation comme une activité libre, située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d'absorber totalement le sujet déféquant ; une action qui s'accomplit en un temps et dans un espace expressément circonscrit — les "goguenots" —, se déroule avec ordre selon des règles données et suscite dans la vie des relations de groupe s'entourant volontiers de mystère ou accentuant par le déguisement leur étrangeté vis-à-vis du monde habituel. » (Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Sus à la chose sue !


S'il faut vivre, que ce soit du moins en pourfendant la « réalité empirique », un peu à la manière du Quichotte.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Trombidion


29 septembre. — « Les trombidions ont le corps mou, cancriforme, couvert d'un duvet soyeux très serré assez long, qui le fait paraître comme velouté. On remarque le trombidion des teinturiers d'une belle couleur rouge, le trombidion satiné, ovale, légèrement aplati, mollasse, d'un rouge de carmin, soyeux et comme satiné, dans les prés et les gazons un peu secs. Nous avons expliqué la couleur rouge des trombidions par la nature pierreuse ou argileuse de leur substrat ; peut-être serait-elle plus justement rapportée à leur parasitisme. » (J.-A. Agnès, Harmonies de la nature ou recherches philosophiques sur le principe de la vie, Saint-Servan, Aristide Le Bien, 1861)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

dimanche 17 février 2019

Constipation et révolution


Les révolutionnaires ont toujours soupçonné la constipation de porter les esprits à un désespoir stérile et à on ne sait quelle angoisse métaphysique qui détourne l'attention des injustices d'ici-bas, qu'ils désirent abolir, et de la condition des misérables, qu'ils sont pressés de transformer. Ils accusent ce désordre intestinal de provoquer d'obscures et vaines rêveries qui font apparaître à la fin tout effort — et pas seulement celui de « faire » — absurde et insensé. Va-t-on impunément laisser le « Suisse », par son mauvais vouloir, miner le moral des ouvriers de l'avenir?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Exostose


L'idée du Rien, exostose où s'agglutinent les récréments de l'âme.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Un mollusque roublard


27 juillet. — « Le plus rusé des mollusques, selon Aristote, est la seiche. Elle ne jette pas seulement son encre quand elle a peur, comme le polype et le calmar, mais elle se sert de cette liqueur qu'elle a en grande abondance et qui est fort noire, soit lorsqu'il faut échapper à la main du pêcheur, soit lorsqu'elle veut attraper les poissons en se rendant invisible. Elle saisit alors de gros poissons et même des muges. » (Armand Gaston Camus, Notes sur l'Histoire des animaux d'Aristote, Paris, Desaint, 1783)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Un pionnier de la nihilologie


En 1933, le recteur de l'université de Leyde, J. Huizinga, choisit pour thème de son discours solennel : L'Idée du Rien chez Raymond Doppelchor. Il en reprit et en développa les thèses dans un travail original et puissant publié en 1938, Homo nihilensis. Cet ouvrage, contestable en la plupart de ses affirmations, n'en est pas moins de nature à ouvrir des voies extrêmement fécondes à la recherche et à la réflexion. C'est en tout cas l'honneur durable de J. Huizinga d'avoir magistralement analysé plusieurs des caractères fondamentaux de l'idée du Rien et d'avoir démontré l'importance de son rôle dans le développement même de la civilisation.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Détachement cupressiné


Fastigié tel un cyprès, indifférent à la logique des cupulifères, je languis dans le hamac de l'haeccéité.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 16 février 2019

Algèbres de quaternions


28 septembre. — Arrivé hier, un petit volume d'André Blanchard que je ne possédais pas : Les corps non commutatifs (Presses Universitaires de France, 1972). Bonheur de retrouver cet algébriste désenchanté, si proche, par la manière et par l'esprit, de Calaferte ou de Perros, autres dyscoles au grand cœur et à la plume alerte. La couverture est hideuse, mais le livre — tel les « silènes » de Rabelais — est au-dedans plein d'une « celeste et impreciable drogue » — du moins pour qui s'intéresse à la chose mathématique.

Au hasard, ce portrait express des algèbres de quaternions, qui résume fort justement la duplicité — au sens premier du mot — de ces structures :
« Une algèbre de quaternions n'est pas toujours un corps, même si on ne considère que le cas non dégénéré. Le théorème I-5 précisera la structure des algèbres de quaternions non dégénérés. »


Bien vu. C'est dit en trois lignes. Les algèbres de quaternions sont des objets mathématiques qu'on admire — admirer « se dit aussi de la surprise que cause ce qui paraît extrême, excessif dans son genre » selon l'Académie —, mais qui ne suscitent guère de sympathie.

André Blanchard est, au contraire, de ceux qu'on aurait aimé connaître, pour ses « révoltes logiques », ses vacheries, ses faiblesses, sa pudeur ou sa mélancolie... Pour son humanité. Simplement.


(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

À la grâce de Dieu


Loyola professait qu'il fallait agir en ne comptant que sur soi, comme si Dieu n'existait pas, mais en se rappelant constamment que tout ne dépendait que de sa volonté. Et c'est bien ce que fait le constipé « crispé sur son soliloque » !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Sancta ignorantia


Je vis dans la futaille du non-savoir.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Lubricité du papion


31 décembre. — « Je sais qu'on a révoqué en doute ce que Bontius et Le Guat disent de la pudeur des orangs-outans femelles qu'ils avoient vues aux Indes, mais au moins les observateurs conviennent-ils que ces animaux, amenés en Europe, savent se contenir, et ne copient jamais la détestable lubricité du papion. » (Cornélius de Pauw, Recherches philosophiques sur les Américains, Londres, 1771)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 15 février 2019

Interlude

Jeune femme lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Bistouri pachynihilique


L'esthète du nihil se livre à de savantes permutations de viscères.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


30 décembre. — « Les Égyptiens, qui voyoient le bien et le mal régner également dans le monde, et qui ne pouvoient concevoir qu'un Être essentiellement bon eût pu permettre le mal, encore moins en être l'auteur, furent les premiers qui inventèrent deux principes, l'un bon, et l'autre mauvais, et qui introduisirent cette erreur, qui dans la suite a fait tant de progrès. Ils désignèrent le bon principe sous le nom d'Osiris, et le mauvais sous le nom de Typhon. » (Dictionnaire pour l'intelligence des auteurs classiques, grecs et latins, tant sacrés que profanes, Tome trente-unième, Paris, Delalain, 1785)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Un abri précaire


Dans l'opisthodome hypocoristique de l'obscur et de l'in petto.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson (en feuilleton)

Congre encore


28 octobre. — « La pêche du congre se fait avec des hameçons ; il faut se rappeler que ce poisson se défend vigoureusement, et que lorsqu'il trouve quelque rocher, il y prend un point d'appui avec sa queue, de telle sorte qu'il est extrêmement difficile de lui faire lâcher prise. » (E. Sauvage, Merveilles de la nature. Les poissons et les crustacés, Paris, J.-B. Baillière, 1893)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 14 février 2019

Le monde


Les figures de cauchemar qui grouillent dans cet habitacle de l'ignoble renforcent mon inclination à la pochardise et au suicide.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Poëme en ocle


29 décembre. — Agatocle, binocle, Empédocle, Locle, girofle (Thur. 251), gérofle, Parthénople, Patrocle, socle, sinople.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Dédain de la durée


Contrairement à l'artiste de l'âge classique, le sujet déféquant renonce expressément à la qualité, et par conséquent à la durée. Ce sacrifice lui coûte peu, car il désire justement que son œuvre soit actuelle et qu'elle réponde aux besoins — pressants ! — de l'heure. L'excrément n'a pas pour modèle le buste qui survit à la cité. Son créateur ne fait rien pour le sauver du désastre qui le guette. Il n'essaie même pas de lui assurer la longévité des palais et des temples. On dirait qu'il se contente de la plus fragile demeure : baraque de planches ou cabane de roseau.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Salop de cogito !


La pensée est infâme en tant qu'elle attise l'illusion d'exister.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Incisives


28 décembre. — « Les singes, les sapajous, les sagouins, la roussette, l'hippopotame, etc. ont comme l'homme quatre dents incisives à chaque mâchoire, mais la forme et la position de celles de l'hippopotame sont bien différentes de celles de l'homme ; les inférieures du quadrupède sont cylindriques, fort larges, surtout celles du milieu ; elles sont dirigées en avant et ne touchent aux supérieures que par les côtés ; le pécari et plusieurs espèces de chauve-souris, telles que l'oreillard, la pipistrelle, la noctule, etc. ont quatre dents incisives à la mâchoire de dessus, et dix à celle de dessous : les incisives dans ces animaux sont festonnées en deux, trois ou quatre lobes ; deux des incisives supérieures de l'oreillard sont fourchues ; les phoques ont, au contraire de ces animaux, six incisives à la mâchoire supérieure et quatre à l'inférieure ; les quatre du milieu de la mâchoire supérieure du phoque des Indes ont chacune deux branches comme celles de l'oreillard. » (Pierre Marie Auguste Broussonet, « Considérations sur les dents en général et sur les organes qui en tiennent lieu », in Mémoires de l'Académie royale des Sciences, Paris, Imprimerie royale, 1789)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)