vendredi 28 février 2020

Le silence du taupicide


Grand lecteur des poëtes maudits, l'homme du nihil se reconnaît frère de Crevel, Essénine, Nerval. Mais celui qu'il chérit entre tous, c'est le légendaire « Mômo », dont l'énergie agressive et blasphématoire, la créativité proliférante lui donnent « des frissons presque partout ». Son œuvre, par contraste, est d'une concision qui équivaut à un refus, à une fin de non-recevoir : « Se taire, se figer, s'emmurer, se momifier dans le silence du taupicide ». Son unique poëme, composé de cette seule phrase, est aussi sa lettre d'adieu.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 25 février 2020

Pensée


Lancé à la poursuite de son « être intellectuel » qui ne cesse de se dérober, l'homme du nihil fait une découverte majeure : il n'y a pas plus de « pensée » que de beurre au prose ! Toute cette histoire de « pensée » n'est qu'une vaste fumisterie ! L'existence mentale de l'homme n'est garantie par rien ! — « Ô bon sang de bonsoir, mon Pierrot, on s'est bien fait avoir dans notre jeune temps ! »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 23 février 2020

Cratyle


L'homme du nihil ressent douloureusement l'une des lois fondamentales du langage, celle de l'arbitraire du signe. Ainsi, la fascination qu'il éprouve pour le vocable reginglette se double d'une horreur plus grande encore, car il sait que derrière ces quelques syllabes se cache le redoutable pachynihil.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 20 février 2020

Désarroi


« Nous ne croyons pas, nous ne croyons plus qu'il y ait quelque chose qui se puisse appeler le réel, nous ne voyons pas à quelle chose une telle dénomination s'adresse. Une confusion terrible pèse sur nos vies. Nous sommes, nul ne songerait à le nier, au point de vue spirituel, dans une époque critique. Heureusement, il y a le taupicide ! » (Lettre de l'homme du nihil à Georges Ribemont-Dessaignes datée du 13 novembre 1926)

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

lundi 17 février 2020

Pour la cause


L'homme du nihil s'obstinant à répéter que « rien n'est », une flopée de médecins, dont le docteur Toulouse, pensant avoir affaire à une « neurasthénie aiguë », lui firent des piqûres d'hectine, de Gabyl, de cyanure de mercure, de novarsénobenzol et de Quinby. En vain. Le gaillard ne voulut jamais en démordre. Il exhibait comme un titre de gloire les cicatrices qu'il portait sur tout le corps et se prétendait un « martyr du pachynihil » !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 16 février 2020

Baroud d'honneur


Le cri de l'homme du nihil — comme celui d'Edvard Munch — part des « cavernes de l'être ». Le prophète du Rien hurle de désespoir, car le « Grand Tout » l'a vaincu, mais avant de s'effondrer, il accomplit un dernier coup d'éclat, et c'est dans le « cu » de la réalité empirique qu'il plante son oriflamme calcinée.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 13 février 2020

Polyglottisme levantin


Selon Gragerfis, si l'homme du nihil emploie quelquefois, pour dire le Rien, des mots grecs ou latins — mêdén, nihil —, c'est que sa petite enfance a été imprégnée du polyglottisme levantin durant les grandes vacances qu'il a passées à Smyrne.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 11 février 2020

Voie de conséquence


L'exécration qu'il voue à l'haeccéité condamne l'homme du nihil à demeurer sur place, dans un désespoir immobile assez semblable à celui de l'escarbot.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 9 février 2020

Soleils noirs


Les soleils noirs de l'homme du nihil sont ceux de « l'absolu ténébreux », de « l'infini infundibuliforme », d'une vérité tragique, d'une marche fatale vers le Rien, la hantise de la mort, le vide, la nuit, la séparation d'avec soi-même : « Taupicide ! Ton bec inexorable crève les yeux du grand jour ! Je lis ton nom : tu es MOI-MÊME. »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 6 février 2020

Mieux que rien


Quel soutien apporter à un homme — celui dit « du nihil » — dont le mal-être résulte d'une incompatibilité fondamentale entre son « conscient intérieur » et la réalité empirique telle qu'elle est — c'est-à-dire fétide, froide et visqueuse ? Après plusieurs démarches ayant abouti à des échecs, l'insistance de son ami Gragerfis finit par lui obtenir, comme « secours d'urgence », six cents francs de la Caisse des Suicidés Philosophiques.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 2 février 2020

Une idée tenace


Si la pensée de l'homicide de soi-même s'enracine dans une démarche surréaliste, il est frappant de constater qu'elle accompagne l'homme du nihil toute sa vie, même lorsqu'il ne se définit plus comme surréaliste.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 28 janvier 2020

The last straw


S'il est vrai que nous ne pouvons penser qu'à travers le langage et que, comme le soutenait Wittgenstein, toute interrogation philosophique peut être vue comme une interrogation sur la signification des mots, alors la situation de l'homme du nihil est véritablement désespérée et il ne lui reste plus qu'à se pendre (mais c'était son intention de toute façon).

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 24 janvier 2020

Dîner artistique


L'homme du nihil, un jour qu'il était en verve, compara la vie à un dîner artistique : en entrée, une soupe de pommes de terre (qu'il n'aime pas) ; ensuite, un véritable sandre du lac Balaton ; et pour finir, en guise de dessert, un nègre en chemise, comme cela s'appelle. Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

lundi 20 janvier 2020

Non au joug du désespoir


La pluie, le vent, l'obscurité, la folle poignance du pachynihil... Oui, tout cela est vrai, mais... « nous n'acceptons point le joug du désespoir ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 18 janvier 2020

Dévastation nihilique


« Repoussée de Marseille par les armes du comte Boniface, l'idée du Rien se vengea de cet échec par le ravage de mon conscient intérieur, et renouvela dans ma pachyméninge les scènes de dévastation des Vandales. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 12 janvier 2020

Exécration


Plus exhaustif qu'un Baudelaire, l'homme du nihil exècre non seulement la tyrannie de la face humaine, mais aussi les miroirs convexes, les « dispositifs », et les citateurs de Giorgio Agamben.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 9 janvier 2020

Armée belge


« Dans l'armée belge, on n'avance guère que par le suicide. » (Charles Baudelaire, La Belgique déshabillée) — « Comme dans l'intelligence métaphysique du monde ! », s'exclame l'homme du nihil.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

lundi 6 janvier 2020

Disqualification


Par sa bassesse et sa trivialité, le vocable gloméruleux disqualifie le monde et son créateur.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 3 janvier 2020

Les vrais durs ne respirent pas


Celui qui fuit le ridicule, s'il est un tant soit peu conséquent, c'est la vie même qu'il doit fuir (au moyen, par exemple, de l'homicide de soi-même). — Alright ?

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 1 janvier 2020

La femme (toujours elle)


« La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable », a dit Baudelaire. Et elle l'est, en effet !

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 29 décembre 2019

Un être pascalien


L'homme du nihil n'est pas de marbre : le silence éternel des espaces infinis fait naître en lui un « traczir à tout casser ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 27 décembre 2019

Bien


L'homme du nihil trouve que la pièce Macbeth de Shakespeare est « bien », certes, mais tout de même pas aussi bien que de se pendre.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)