dimanche 21 octobre 2018

Assez


À quoi bon tenter d'appliquer des critères de pathologie à l'attitude de l'homme qui refuse de sortir de son lit le matin et se cache sous sa couverture ? À quoi bon le traiter de fléau dangereux, de fâcheux choléra, de vieux rat mort, de gâteux sans remède, de vil insecte, de potiron ? Il n'en a cure et nulle puissance au monde ne le fera bouger. Il en a tout simplement assez.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

L'archétype du raté


Personne ne veut être Soupault.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Macération


Dans un essai de son recueil Fragmentarium, Mircea Eliade rappelle que « la saleté du corps, le grouillement des parasites, les haillons, les maladies dégoûtantes (lèpre, lupus, gale, etc.) sont recommandés par de très nombreuses techniques ascétiques, au moins comme exercices préliminaires. » Cela est vrai, sans doute, mais quant à l'homme du nihil, il fait fi de tels stratagèmes. La temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité suffisent à sa macération.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Règle numéro 9


Comme Ribemont-Dessaignes, conserver le sens du sarcasme et s'interroger incessamment sur le mystère indéchiffrable de l'univers.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 20 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

À vous rendre maboul


Comme le panoptique des frères Bentham, l'haeccéité crée un angoissant « sentiment d'omniscience invisible » chez celui qui en est affecté, car il ne peut jamais savoir s'il est observé ou non.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Fait religieux


Les moines camaldules portent l'habit blanc et la barbe pleine, au dire de Gragerfis. 

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Une affreuse maladie


« C'est avec un juste sentiment de défiance dans mes forces que je viens vous entretenir de l'idée du Rien, maladie dangereuse et dégoûtante à la fois, qui condamne ceux qu'elle atteint à vivre loin du monde, à charge de la société ainsi qu'à eux-mêmes ; qui les fait languir dans des infirmités repoussantes, et les fait souvent mourir dans un marasme affreux. » (Guillaume Dupuytren, Leçons orales de clinique chirurgicale, Vol. 4, Germer Baillière, Paris, 1839)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Dernières paroles du logicien


Il est le cas que je meurs.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

La grande évasion


Encellulé depuis sa prime enfance dans le cachot fétide de la raison pure, l'homme n'a de cesse de s'en échapper, mais quand il y parvient enfin, c'est pour déboucher dans le marécage du néantisme, c'est-à-dire une des formes innombrables de ce scepticisme radical et final qui ne reconnaît pas de support, de plancher ni même de tasseau à l'univers !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Médiumnité nihilique


Contrairement au pénible Hugo, le suicidé philosophique ne sacrifie pas au goût de son siècle en versifiant, entre deux grand élans de son génie, des sensibleries prudhommesques. Sa place est parmi les grands inspirés de tous les âges. Il les rejoint par sa perméabilité à la voix mystérieuse qui court et germine au fond des forêts obscures de l'esprit humain : celle du Rien.

(Marcel Banquine, Exerices de lypémanie)

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

De l'existant marcellien


Qu'est-ce donc qui peut être considéré comme existant ? À cette question, la philosophie marcellienne répond sans ambiguïté : « Rien ne peut être dit exister que ce qui peut entrer en relations de contact, en relations spatiales avec, révérence parler, mon corps. Il est illusoire que je m'oppose en tant que moi pensant, à la réalité spatiale dans laquelle je plonge et à ce moi étendu que je suis. »

— « Oui, eh bien, c'est ce qu'on va voir », rétorque le suicidé philosophique en empoignant son colt Frontier au canon de dix centimètres, à la merveilleuse précision.


(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Paranoïa ?


L'être est une cabale où trempent le réel et mon intérieur frit.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Lecture de Fichte


13 juillet. — Commencé la lecture des Méditations personnelles sur la philosophie élémentaire de Johann Gottlieb Fichte. Quel voyage assommant dans les couloirs méandreux de l'idéalisme allemand ! Il me rappelle celui qui me mena jadis de Montréal à Toronto, durant lequel, à part la vue d'une campagne d'apparence fertile, on ne voit sur tout le parcours que des villes peu importantes telles que Prescott, Brockville, Cornwall.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 19 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Crabe estropié


Selon Gragerfis, l'homme du nihil acharné à dilacérer son Moi « présente quelque similitude avec ces crabes dont on a brisé les pattes dans le milieu de quelques-unes de leurs parties, soit cuisse, jambe ou tarse, et qui se hâtent, par un mouvement brusque d'extension, de détacher le tronçon de la partie brisée et se mettent ainsi à l'abri de l'hémorragie qui les ferait périr. »

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Un amateur de racines


L'existence farouchement radicivore du solipsiste.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Sidération du Dasein


« Quand la douleur corporelle se trouve écrasée par les réalités bétonnées de l'objet, la douleur psychique se perd, elle, dans l'inconsistance du vide, courant d'un objet à l'autre, qu'elle s'obstine à solliciter comme vital et à rejeter comme détestable, et sachant, rappelons-le, que l'être peut aussi bien se tenir, pour les mêmes raisons, dans l'apparente sidération. » — Les « réalités bétonnées de l'objet » ! Comme cela est beau et nous émeut au suprême !

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Esprit de contradiction


Le suicidé philosophique est comme ce prisonnier qui, voyant que l'on dresse un gibet dans la cour, croit que c'est à lui qu'on le destine, s'évade la nuit de son cachot, pénètre dans la cour et se fracasse la tête contre la muraille après s'être gargarisé, en guise de poison mortel, du vocable « reginglette ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Prodiges nihiliques


Au dire de Pline l'Ancien, l'idée du Rien, parmi une foule d'autres choses, « arrête l'action de la justice », « éteint les feux de l'amour » et « protège les femmes enceintes ». — Voilà qui est à peine croyable, et il faut toute l'autorité du célèbre naturaliste pour nous convaincre de la réalité de ces prodiges!

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Un parangon


Excellence ontologique du mollusque.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Beauté un peu vulgaire lisant le Monocle du colonel Sponsz

Vice de conformation


« Chez de nombreux suicidés philosophiques, le Moi est rétréci obliquement, c'est-à-dire dans la direction du diamètre qui croise celui qui, du point de vue de l'ankylose, s'étend à la cavité cotyloïde du côté opposé, tandis que ce dernier diamètre, au contraire, n'est point diminué et offre même, quand le vice de conformation est considérable, plus d'étendue que dans l'état normal. » (Franz Karl Naegele, Des vices de conformation du Moi, et spécialement du rétrécissement oblique, J.-B. Baillière, Paris, 1840)

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Un vrai pastis


Le réel mérite un grave reproche : quoique excellent dans le fond, il manque absolument d'ordre, et la distribution des matières y est on ne peut plus mauvaise, ce qui le rend très difficile à comprendre 1.

1. Heureusement, M. Choron en a donné une nouvelle édition mieux ordonnée et distribuée, à laquelle il a ajouté un traité du contrepoint simple.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Violon tzigane


Otto Weininger affirme que la musique tzigane « touche particulièrement les êtres sensibles et parfois déséquilibrés ». Il cite à l'appui de sa thèse l'un des héros du roman Anna Karénine, Nikolaï, frère de Konstantin Lévine, un ivrogne qui « adorait les Tziganes et les chansons russes ». Est-ce un abus de musique tzigane qui poussera le penseur viennois, le 4 octobre 1903, à mettre fin à ses jours, à l'âge de vingt-trois ans, dans la maison même où Beethoven rendit son dernier souffle ? Nous ne pouvons ici que poser la question.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)