mardi 20 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Préparation à la mort


Déféquer — sauf peut-être quand il s'agit de jus de betterave 1 —, c'est se préparer à mourir, c'est mourir.

1. Déféquer le jus de betterave, c'est en ôter les impuretés, le clarifier. Chaudière à déféquer. En 1799-1800, Deyeux défèque les jus [de betterave] avec de la chaux (Saillard, Betterave et sucr. de bett., 1923, p. 286).

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Un dur à cuire


L'homme du nihil, il va de soi, n'a ni désir — si ce n'est celui qu'on l'oublie — ni sensibilité. C'est pourquoi il faut beaucoup pour l'émouvoir : des températures de chalumeau et d'arc électrique, des violences de séismes, des spasmes de volcans. Sans compter le temps vertigineux.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Parole de constipé


Le néo-platonicien Plotin définissait la philosophie « ce qui importe le plus ». Mais cette formule ne s'applique-t-elle pas plutôt à l'acte défécatoire ?

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Assez de mots. Un acte !


Se lever un beau matin, tout à fait calme et sûr de soi, et enfoncer quelque chose d'acéré et de définitif dans l'entrelacs de viscères où s'abrite le Moi... Ah, quel délice ! (Les trente-trois délices de Théasar du Jin, Traduction de Simon Leys)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

De l'hyène


Autant l'humain me répugne, autant l'hyène m'émeut. Sa crinière rude et épaisse, son pelage gris ou fauve, sale, taché de brun, lui confèrent l'allure farouche d'un prophète du Rien. Elle est nocturne et timide, comme le nihilique. Mais contrairement à ce dernier, elle attaque rarement l'homme, préférant se nourrir de charognes, de cadavres qu'elle déterre. Hyène sophistiquée, j'ajoute à la nécrophagie un profond romantisme de l'éphémère — que j'emprunte au Japonais, ce guetteur de chaque instant — et une sombre fascination pour ce qui disparaît.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

18 janvier


Selon le général Urtubie de Rogicourt, « le canon est une espèce de cône tronqué, parce que, pour résister à l'effort de la poudre, on est obligé de le renforcer vers la culasse, qui est la partie où se place la charge. La cavité intérieure de ce cône est un cylindre que l'on appelle l'âme, dans laquelle on met une certaine quantité de poudre pour chasser un globe de fer, ou autres espèces meurtrières et destructives. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

lundi 19 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Cimetière marin


Cruel Parménide ! Parménide d'Élée ! M'as-tu assez désopilé avec ton être indivisible, inengendré, et ton non-être qui n'est pas ! Debout ! Dans l'ère successive ! Au pas de gymnastique ! — Ô puissance salée ! Courons au Rien en rejaillir vivant !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Insectes caustiques


18 janvier. — « Il y a des années où il pousse beaucoup de coquelicots sur les jachères. On accuse ces plantes de causer des maladies aux vaches, et surtout aux moutons, qui paissent sur ces terres. C'est dans la Beauce, au mois d'août, que ces accidents ont lieu. Il me semble en avoir découvert la raison. Il survient alors quelquefois de petits brouillards, qui précipitent vers la terre une foule d'insectes. Les araignées des champs, qui sans doute s'en aperçoivent, tendent leurs toiles sur les coquelicots. Les moutons, en broutant les plantes, avalent en même temps les insectes dont la plupart sont caustiques, comme les cantharides. Les gardiens attentifs des bestiaux doivent les écarter à cette époque des champs où il y a beaucoup de toiles d'araignées, et par conséquent d'insectes caustiques. Il est vraisemblable que le mal vient plutôt des insectes que des coquelicots. » (A.-H. Tessier et A. Thouin, Encyclopédie méthodique. Agriculture, t. 3, Panckoucke, Paris, 1793, p. 489)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Dans le diverticule des félins


Le temps écrase l'étant existant sous d'énormes brodequins en cuir de vache, éculés comme pour faire ressortir plus crûment encore l'absence de pieds.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

17 janvier


Bourrelante question : l'estampe connue sous le nom du Saint Christophe de 1423 est-elle toujours le plus ancien monument de l'art de la xylographie et de l'impression en relief ; ou bien l'estampe de 1418, conservée à la bibliothèque royale de Bruxelles, lui enlève-t-elle cette prééminence et lui est-elle réellement antérieure ?

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Crise de vers


Je dis « la matière fécale » et, hors l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les tourtes sues, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

dimanche 18 novembre 2018

Consolation de la philosophie


Arétaze, dans son Histoire de Phrygie parle de l'idée du Rien, que l'on trouve sur le mont Tmolus — et aussi dans la pachyméninge de l'homme du nihil. Si un eunuque la rencontre, il n'a plus de répugnance pour sa castration et la supporte désormais avec intrépidité. Mais cette trouvaille est fort rare.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Hargneux


15 janvier. — Je consulte les Recherches historiques et médicales sur l'hypocondrie de Louyer-Villermay, et voici ce que j'y trouve : « Des auteurs, en étudiant l'influence des passions sur l'organisation de l'homme, ont observé que les affections gaies sembloient agir plus spécialement sur les viscères contenus dans la poitrine, tandis que l'impression des passions tristes, comme le chagrin, l'ennui, la crainte, étoit presque toujours déterminée sur les organes abdominaux. » — Cela est vrai, sans contredit. Quant aux individus qui souffrent de hernies, ajouterai-je, ils montrent une morosité et une irascibilité hors du commun, qui leur a d'ailleurs fait donner le nom de hargneux.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

L'ardent pays


La stridulation du pachynihil zèbre la porcelaine du soir. Ô Rilke ! Je déambule dans l'Ouvert, sourd aux imprécations des êtres et des choses. Sombre antichambre de la folie, salle d'attente du suicide, l'existence, perpétuel plagiat !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

L'écho inquiétant du nihil


Ceux qui passent devant l'homme du nihil évitent de parler. Ils entendent des bruits lointains de tonnerre et d'ouragan. Ils s'arrêtent, en proie à la terreur. Tout le monde n'entend pas ces bruits.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

samedi 17 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Rien nu


Comme qui, parlant des fleurs, laisserait de côté aussi bien la botanique que l'art des jardins et celui des bouquets — et il lui resterait encore beaucoup à dire —, ainsi, négligeant la nihilologie, écartant les arts qui du Rien font usage, le suicidé philosophique parle du Rien nu, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d'une espèce passagère.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Fiente de vache (page de journal)


14 janvier. — « Chez les idôlatres du Malabar, la fiente de vache est sainte : l'on doit s'en frotter le front pour approcher des Dieux. Les femmes doivent porter à leur cou l'image du Dieu Pilear. Tous ont horreur du souffle et de la salive. Les Jésuites, qui voulaient christianiser ces peuples, ont supprimé l'usage du souffle et de la salive dans les cérémonies sacrées du baptême. Ils leur ont permis de se frotter de la fiente de vache pour approcher des saints mystères. Ils ont même osé la bénir. » (Confession d'un Jésuite ou Anecdotes historiques de la Compagnie de Jésus depuis sa naissance 1521 jusqu'à sa destruction 1773, Rome, 1773, p. 83)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Aérolithe


L'homme du nihil vient — c'est du moins ce qu'il sent quand il se confronte au « monstre bipède » — d'une autre planète. Ne porte-t-il pas sur lui la torsion de l'espace comme le stigmate de sa terrible chute ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Destruction des parties molles


12 novembre. — Je tombe, dans le Traité pratique de médecine légale de Johann Ludwig Casper, sur le passage suivant qui me bouleverse : « Sans eau ou vapeur d'eau il n'y aurait pas de putréfaction. Mais les liquides propres du cadavre suffisent complètement à produire cette humidité. Ils s'évaporent peu à peu, rompent avec le temps les téguments, d'abord ceux de l'abdomen, puis ceux de la poitrine, enfin ceux du crâne, de sorte que le cadavre macère dans ses propres fluides. À ce moment, des vers et des larves se montrent à la surface, d'abord aux plis du corps, paupières, oreilles, région inguinale, puis ils se multiplient par myriades, et complètent la destruction des parties molles. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Ébriété temporelle


Chaque seconde est une tournée générale payée par le Grand Tout. Et les années sont de puissantes bitures qui assomment la séquelle de pochards désaxés tournant et buvant autour de l'énorme panse du Gambrinus de terre cuite qui se dresse sur un comptoir, dans l'universelle brasserie, victorieux et gorgé, à cheval sur un foudre et le verre en l'air !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

19 janvier


Théophraste rapporte que les geckos, comme les serpents, dépouillent leur vieille peau, et l'avalent aussitôt pour dérober ce qui serait un remède contre l'épilepsie. Il dit encore que ces animaux, dont la morsure est mortelle en Grèce, sont innocents en Sicile.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)