lundi 6 avril 2020

Muraille


Chez l'homme du nihil, la muraille n'est jamais assez close ni assez épaisse. Mais il ne fortifie que par acquit de conscience — car il ne le sait que trop : l'affreux finit toujours par s'infiltrer.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 5 avril 2020

Revigoration nihilique


« Rien de tel que de se retremper dans le flot torrentueux du pachynihil, pour en retirer des vestiges mouvants et pour humer directement sa force. » (Lettre de l'homme du nihil à Balthus datée du 19 juillet 1934)

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 4 avril 2020

Secousse


La vision du Rien, par sa puissance, par sa vastitude, ne peut que bouleverser la normalité d'une existence soumise à la médiocrité et au sordide de la « réalité empirique ». À l'équilibre banal du quotidien succèdent les tensions de la condition charismatique. Tous les récits de l'homme du nihil insistent sur le radical contraste entre la détresse qui précède la révélation du pachynihil et la sublimité de l'illumination elle-même. Dans une lettre à Georges Ribemont-Dessaignes, il déclare vivre dans une angoisse permanente : « Je suis continuellement empli d'une crainte qui me fait trembler ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 2 avril 2020

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Connaissance par le Rien


Chez l'homme du nihil, l'idée du Rien n'est pas seulement un guide spirituel mais aussi une source de connaissance. Il l'écrit clairement dans son journal (à la date du 17 octobre 1948) : « Au reste, pourquoi lire Spinoza, Fichte ou Gabriel Marcel, là où préexiste un enseignement intérieur, là où l'onction du pachynihil instruit de tout ? »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 1 avril 2020

Un point de vue imprenable


Celui qui s'est choisi le Rien pour demeure — comme c'est le cas de l'homme du nihil — circonscrit d'un seul regard la cylindrique inanité de l'être.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 31 mars 2020

Ascèse intellectuelle


En choisissant de signifier le Rien par le grumeleux vocable reginglette, l'homme du nihil s'oppose à toute tentative d'inclure le pachynihil dans une notion qui se tiendrait pour suffisante à le définir ; il attend donc de nous la modestie qu'il pratique si naturellement lui-même et le consentement à une ignorance finale qui est, selon lui, le vrai savoir ; bref, il attend de nous plus de renoncements qu'il ne nous promet de satisfactions dogmatiques.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

lundi 30 mars 2020

Immanence du Rien


L'homme du nihil trouve dans l'étude du Rien un enseignement supérieur à celui de la Bible : « Le Rien est la force qui dans chaque objet et depuis sa création agit sur l'intrinsèque. Le Rien est partout dans le cosmos. Sa présence et son immanence assurent la structure harmonieuse du créé. »

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 29 mars 2020

In extremis


Dans sa Philosophie morale, Jankélévitch prétend que « si la mort est bien ce qu'elle doit être, à savoir un indéchiffrable et profond mystère méontique, elle est tout le contraire d'une solution ». Et il ajoute que « la guérison de la migraine par le revolver est une solution qui n'en est pas une, puisqu'il nous enlève la vie en même temps que la douleur ». — « Ça alors ! » s'exclame l'homme du nihil qui, n'ayant jamais considéré cet aspect de la question, s'apprêtait justement à traiter son « asthénie existentielle » à l'aide d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe. 

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 28 mars 2020

Ludus


À la suite de Paracelse, l'homme du nihil nomme ludus le sédiment qui s'attache au fond des pots de chambre. Par analogie, il emploie aussi ce terme pour désigner le fonds de lieux communs qui constitue la « pensée » du monstre bipède.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

vendredi 27 mars 2020

Experienta et experimentum


Le Rien a ceci de remarquable que non seulement il rend compte de l'homme en sa totalité, mais qu'il explique aussi les cas particuliers. En ce sens, il est à la fois experienta et experimentum.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

jeudi 26 mars 2020

Concepts impensables


Selon Gragerfis, « ce qu'il est permis d'espérer de la métaphysique du pachynihil, c'est qu'elle expose les paradoxes de l'être et du néant au point de semer le doute sur la possibilité de les penser ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 25 mars 2020

Mensonge universel


Pour l'homme du nihil, le monde entier « avec les étoiles et les éléments » n'est qu'un « immense fleuve excrémentitiel ». Pour lui, la terre, les pierres et les métaux, la mer, le ciel, les astres et le soleil, tout est néant, « balmuche », « peau de balle », et en outre « tout pue ». Tout dans l'univers n'est que « mensonge et escroquerie », et les prétendus « êtres vivants », dans leur pseudo-vie, n'expriment en fait que la mort et la toute-puissance de l'« absolu ténébreux ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

mardi 24 mars 2020

Critère


Si un discours est clair, sans équivoque, prédicatif ou cataphatique d'une manière ou d'une autre, il est patent qu'il ne porte pas sur le Rien.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

lundi 23 mars 2020

Une expérience banale


Dans les Actes des Apôtres, on peut lire que « Paul se releva de terre et, les yeux ouverts, il vit le néant ». — Voir le néant, c'est aussi l'expérience que fait quotidiennement l'homme du nihil, par exemple en allant aux commissions — Ô ces pousseurs de chariot ! Ces gueules ! — mais il y a longtemps qu'il n'en fait plus une affaire. Et surtout, il n'en tire pas la conclusion que « Dieu est un être qui a en lui la totalité de l'être ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 22 mars 2020

Heimlich


D'après Edmond Jaloux qui l'a beaucoup fréquenté, l'homme du nihil aimait à citer l'existentialiste puydômois Edmond Chassagnol qui, dans sa Théorie du trop-plein, compare l'existence à un « glaçon mal avalé ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

samedi 21 mars 2020

Interlude

Jeune fille lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Cagastrum


Dans le langage de Paracelse, cagastrum signifie l'image de quelque chose du ciel ou une chose qui n'est telle qu'en apparence. C'est le contraire d'yliastrum. Paracelse dit que cagastrum est ce que le sel de nitre est à la materia prima. Après la chute, la chair d'Adam devint cagastrique. Il y a deux sortes de vie, l'une est yliastrique, ou celle de l'esprit, et l'autre cagastrique, de la partie animale. L'homme du nihil juge la sienne simplement caguante.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

vendredi 20 mars 2020

Tout est possible


L'homme du nihil n'est nullement un visionnaire ni un déséquilibré ; bien au contraire, il est remarquablement sobre et sain d'esprit. Certes, il est superstitieux ; il croit aux apparitions ; il croit qu'il est possible de faire un voyage en enfer ; il croit que l'âme réside un certain temps après la mort auprès des choses qu'elle a aimées pendant la vie (encore faut-il qu'il y en ait !) ; il croit que le vocable reginglette éloigne les mauvais esprits. Mais, ne l'oublions pas : si pour l'homme du nihil tout est possible, c'est parce qu'en réalité rien n'est.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Illumination


Il arrive, mais cela est fort rare, que la lumière du Rien, invisible en elle-même, se révèle dans sa splendeur et son éclat en se heurtant à la surface polie, opaque et joviale d'un vase d'étain.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

jeudi 19 mars 2020

Remède non-conceptuel


À la philosophie, ce « stérile pays hérissé de frimas », l'homme du nihil a toujours préféré le muscadet, moyen selon lui sans égal pour « couver doucement la mort » et « faire tomber en flaque le Moi ».

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mercredi 18 mars 2020

Antagonisme résolu


De même que l'éclair physique résulte du choc de deux courants électriques — positif et négatif —, l'« éclair ontogénique » que produit l'homicide de soi-même marque la solution brutale d'un conflit métaphysique. Dans ce conflit, l'élément qui aspire à se libérer épuise l'élément qui lui fait obstacle et le résorbe, tout en se résorbant lui-même dans le Rien. Tout suicide réussi peut donc être vu comme la résolution d'un antagonisme.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

mardi 17 mars 2020

Torture par le vocable


Ressentant violemment l'agression du « monstre bipède » et de la « réalité empirique », persuadé, alors que sa vie est parfaitement pure, qu'il commet sans cesse le péché de « création de concept » et qu'il se souille, l'homme du nihil perd du terrain, recule, assailli en une mêlée insoutenable par les vocables (reginglette, gloméruleux, etc.) qu'il rumine maladivement. Il le confie dans son journal : « Ce sont eux [ces vocables] qui, en un dernier effort, se retournent contre toi, épuisant leurs poisons, multipliant, par artifice satanique, les illusions de tes sens déréglés, s'acharnant à extirper de toi ce prodigieux espoir d'une vie paisible dans le Rien. Qu'espérais-tu, Samuel ? Il ne te sera pas laissé de répit dans l'humiliation, la détresse et l'outrage que tu ne sois mort, parfaitement mort... » — Dès lors, la nécessité de l'homicide de soi-même ne se discute plus, seul moyen de se délivrer de cette exaspérante prison.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)

dimanche 15 mars 2020

Équilibre instable


Selon Gragerfis — qui l'a sans doute lu dans Jamblique —, « toute vie garde en elle la potentialité de la mort, comme la lumière conserve en puissance l'ombre ». Cela est vrai, sans contredit. Et de même que l'éclair est la limite fugitive entre l'ombre et la lumière, de même la vie reste-t-elle un état intermédiaire, instable, périlleux, une zone sans cesse disputée entre l'être et le non-être. Qu'une carence en fibres, solubles ou insolubles, plonge l'homme dans le cauchemar de la constipation, que l'idée du Rien s'insinue dans sa pachyméninge, l'équilibre est rompu, et c'est le drame.

(Lucien Pellepan, Énantioses profectives)