mardi 11 mai 2021

Racines

 

Il faut surtout attribuer la force prodigieuse de l'idée du Rien au libre développement de ses racines pivotantes, qui semblent pénétrer jusque dans les profondeurs de la pachyméninge, à tel point qu'il n'a jamais été possible d'en atteindre les extrémités (tandis que l'idée du quelque chose n'a que des racines superficielles, dirigées horizontalement). De là, nul doute, la manière dont l'homme du nihil résiste à la tempête, lorsque l'homme de la Nature et de la Vérité, moins fort, moins élevé, s'incline souvent vers l'est, par l'effet du vent.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 4 mai 2021

Interlude

 

Le « Grandiloque des Carpates » lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor et tentant de comprendre la notion de « sinapisation du réel » qui s'y trouve développée.

mercredi 21 avril 2021

Antidote


Selon l'homme du nihil, « le vocable reginglette est, avec le taupicide, le seul antidote possible à l'angoisse métaphysique qui mine le sujet pensant, et à cette misère existentielle où les philosophes Kant et Hegel, avec leurs terribles "concepts", ont plongé l'humanité. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 14 avril 2021

Un réprouvé

 

Lorsqu'il se voit frappé d'un panaris, le nihilique, au lieu de trouver son soutien dans la soumission à la providence, blasphème contre le ciel, trouve tout odieux, se désespère et, dans son désespoir, goûte toute l'amertume de la douleur. Ne manque que la pénible Sonia Marmeladova pour faire de lui un complet « héros dostoïevskien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 12 avril 2021

Sourcils sévères du nihilique


 
« On appelle nihiliques les individus dont toute la philosophie se borne à affirmer que rien n'est. Leurs caractéristiques les plus marquantes sont : un regard féroce, une grande sévérité sur les sourcils, un grand silence, une profonde méditation, un désir de la solitude, un amour et une haine opiniâtres, des présages funestes et des songes tristes. » (Pierre-Joseph Buc'hoz, Mémoire sur la manière de guérir la mélancolie par l'homicide de soi-même, Paris, 1806)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 2 avril 2021

Cachot

 

Ferrière a défini le cachot « un sépulcre funeste où l'on enferme des hommes vivants, où l'on ne gît que sur la paille ». Mais cette définition ne convient-elle pas, plus généralement, pour caractériser le « fétide et rébarbatif réel », ce que les philosophes appellent la « réalité empirique » ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 31 mars 2021

Acédie

 

Sujet à des attaques d'acédie monastique, l'homme du nihil, pour y faire face, suit le conseil d'Évagre le Pontique et cultive la vertu de persévérance. Ce terme, que les stoïciens associaient à l'endurance et au courage, exprime en effet la résistance qu'oppose le nihilique à toutes les pensées qui tendent à le décourager (par exemple celle d'ingurgiter du taupicide), et surtout la persistance — dans l'idée que « rien n'est ». Évagre recommande également le travail manuel, mais l'homme du nihil estime (au dire de Gragerfis) qu'« il ne faut quand même pas pousser grand-mère dans les orties ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 29 mars 2021

Abstention

 

Selon le père Bourdaloue, « la pensée du purgatoire, en nous donnant une idée de la sévérité de la justice divine, porte notre cœur à la pratique de toutes les vertus chrétiennes ». Cela est vrai en général, sans doute, mais la crainte de la justice divine n'empêche pas le nihilique de mettre vices et vertus dans le même sac et de ne pratiquer ni les uns ni les autres, convaincu qu'il est que « tout pue ». Sa règle de conduite est « d'attendre que ça se passe » (l'univers, le soir, lui paraît lourd de non-promesses).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 22 mars 2021

Objet de propriété

 

L'homme du nihil ne pense pas sans frémir qu'il n'est qu'un objet de propriété : comme une chaise, un presse-purée ou — si l'on veut aller par là — le mot ours. Mais il doit se rendre à l'évidence : il ne s'appartient plus, il est l'esclave de cette « cré bon diousse d'idée du Rien » qui le bourrelle incessamment.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 19 mars 2021

Précipice

 

« Que penseriez-vous, mes chers enfants, d'un homme qui ne se plairait que sur le bord des précipices, qui y établirait sa demeure et y dormirait paisiblement ? Vous diriez que cet homme est un imprudent, un insensé ; qu'à force de tourner autour de l'abîme, il finira par y tomber, et qu'il sera victime de sa témérité. Voilà l'état de l'homme du nihil : il marche, il s'assoit, il s'endort sur le bord d'un précipice ; et ce précipice, c'est... l'idée du Rien. Mais oui ! » (Jean-Baptiste Martin, Recueil d'instructions pour la première communion, Bourg, Bottier, 1841)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 15 mars 2021

L'art de déplaire

 

Si quelqu'un mérite le nom de « porphyrogénète dévoyé », c'est bien l'homme du nihil. En effet, il est né dans la pourpre et... il est dévoyé. Mais oui !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 12 mars 2021

Carmen

 

À un autre endroit, l'homme du nihil dit que l'homicide de soi-même « n'est pas sans rappeler le carmen, ce chant fluide de la chanson éolienne qui peu à peu se ritualise dans le distique ». — Et c'est bien le cas, en effet !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 28 février 2021

Pouvoir de la mijole

 

Grâce à ses « biberons Robert », à son fondement — de l'historialité du Dasein ? — et à sa « mijole », la femme, malgré son incurable stupidité, est parvenue à établir son empire sur le monde. Ô vanité ! ô néant ! « ô aueuglement estrange des hommes, gloriatur in malitia sua ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 17 février 2021

Lectures inutiles

 

Quoique douloureusement conscient de « l'opulente inanité d'une érudition complètement étrangère à sa destinée » — destinée qu'il identifie au taupicide —, le nihilique lit sans discontinuer. Hélas ! de chaque livre, il ressort « gros-jean comme devant ». L'auteur, soit fait le malin, soit « met à côté de la plaque » ! Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 12 février 2021

Gelée blanche

 

Ce n'est pas « au séjour des frimas » que l'homme du nihil va chercher le calme — comme Macedonio Fernández, il tient à son confort thermique — mais dans la suprêmement onctueuse pensée de se détruire.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 8 février 2021

Réclame

 

« Vous êtes fatigué d'être ceci ou cela ? Retrouvez la sérénité primordiale du Rien grâce au taupicide foudroyant Moulin. Dix grammes, en une seule prise. Une solution jeune. » (Sur une brochure publicitaire vantant le « taupicide foudroyant Moulin »)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 1 février 2021

Un destin clownesque

 

Rien de ce qui est humain n'échappe au ridicule, sauf peut-être la souffrance — en particulier celle due à un panaris.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 29 janvier 2021

Radiations

 

Le rayonnement de l'idée du Rien, moins abondant que le rayonnement cosmique solaire, est toutefois suffisamment énergétique 1 pour pénétrer profondément dans la pachyméninge du sujet pensant et induire des réactions nucléaires — il peut notamment engendrer la pensée de se pendre avec ses bretelles.

1. Le psychologue américain John Tussord évalue son énergie à 10 gigaélectronvolts par nucléon.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 janvier 2021

Melancholia

 

Le philosophe Baruch Spinoza, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré que « la gaieté ne peut avoir d'excès, et elle est toujours bonne ; la mélancolie, au contraire, est toujours mauvaise. » Ce à quoi Leibniz, qui était toujours d'humeur sombre et voyait dans la vie un « margouillis exophtalmique » (eine exophthalmische Margouillis) aurait rétorqué : « Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 10 janvier 2021

Poétique de l'indicible

 

L'homme du nihil voit dans l'homicide de soi-même une poétique de l'indicible, comparable selon lui à celle de Catulle. « Comme le poëte romain, écrit-il, l'homicide de soi-même rassemble la violence et la grâce, cultive l'implicite et le détour, et sait user à l'occasion d'une oralité ludique et festive. » — Qui pourrait le nier ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 6 janvier 2021

Un taiseux

 

D'après Gragerfis, les investigations philosophiques de l'homme du nihil l'avaient conduit à penser que « ce qu'on ne peut dire, il faut le taire, et ce qu'on pourrait éventuellement dire, il faut le taire aussi car tout le monde s'en fout de toute façon. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 3 janvier 2021

Pensées coupables

 

Si la créature refuse de coopérer à sa grâce — comme c'est le cas de l'homme du nihil —, Dieu ne peut vouloir son salut parce qu'étant souverainement juste, il doit punir le péché. C'est donc la faute de l'homme du nihil — qui, au lieu de travailler à sa rédemption, se complaît dans des ruminations sur l'haeccéité, la temporalité du temps, le taupicide, l'intentionnalité husserlienne, etc —, si Dieu ne le sauve pas.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 décembre 2020

mardi 24 novembre 2020

Couleur

 

Selon Gragerfis, "le vert est une couleur possible du Rien".

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 16 novembre 2020

Schéol

 

Comme le schéol des Hébreux, la femme est un lieu — un être ? — creux, souterrain, insatiable.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 15 novembre 2020

Un terrible destin

 

L'état du nihilique ressemble à celui d'un ver qu'on écrase. Réduit à la condition des morts, il est enfermé dans la « réalité empirique » comme dans un tombeau. Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis dit qu'il est « semblable au vil lambeau d'une ceinture pourrie » (d'autres auteurs le comparent à un tas d'ossements desséchés). Son malheur est sans ressource et sa plaie incurable, car malgré ses efforts pour adhérer à quelque chose, il n'est pas fichu de sortir de l'idée que rien n'est.

(Fernand Delaunay, Glomérules)