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lundi 24 septembre 2018

Bimotorisé


Deux forces souveraines commandent à l'homme du nihil et règlent sa destinée : le dégoût de l'haeccéité et la profonde aversion qu'il ressent pour le « monstre bipède ».

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

samedi 22 septembre 2018

L'individuation douloureuse


Encasematé dans le boyau culier, le « Suisse », encore à l'état de « magma analogique brut », aspire à une individuation qui mettrait fin à cet apeiron, à ce chaos au sein duquel il cherche en vain le moyen de « se concentrer en lui-même », de trouver sa limite et sa forme — d'affirmer son haeccéité.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

jeudi 20 septembre 2018

Un velléitaire


« Le lendemain soir, il était sur son perchoir et dormait. Alors, une main s'empara de lui et fit le noir, fit le noir immense. »

Exaspéré par l'haeccéité, cette camisole qui l'étouffe et l'écorche jusqu'au sang, l'homme du nihil envie parfois le sort du coq évoqué par Knut Hamsun. Faute de main secourable, une fiole de taupicide fera très bien l'affaire, pense-t-il. Mais ce « noir immense » a tout de même quelque chose d'effrayant... Comme il est un peu lâche, il se recouche, gémit... et le matin suivant, il reste assis en robe de chambre, à la terrasse de la taverne, sur la place du Marché, à boire des verres de « casse-patte », à ruminer la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel... Et puis : « le soir tombe, on n'est plus très jeune ».


(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

mardi 18 septembre 2018

Vermineuse haeccéité


« Seigneur, hélas ! quel genre cruel de mort j'endure ! Si j'étais livré au bourreau, les tourments enfin m'auraient ôté bientôt la vie ; et si les bêtes féroces me rencontraient dans le désert, elles auraient en peu de temps fait curée de mon corps, mais hélas ! je suis rongé tout vif par cette vermine, et je ne saurais mourir. »

Ainsi parle le désespéré que vrille incessamment la carnassière haeccéité.


(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

vendredi 14 septembre 2018

Révélation


« Et assis là, sur mon thomas, je compris combien l'acte défécatoire était important, combien il m'était nécessaire de pouvoir accomplir quotidiennement le cathartique "Grand Œuvre". Dans l'apothéose excrémentitielle, l'univers explosait, chacune de ses particules s'écartait des autres, nous lançant, le "Suisse" et moi, dans un espace obscur et désert, nous arrachant éternellement l'un à l'autre, chacun suivant son chemin vers la cage ultime de la mort solitaire. »

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

lundi 10 septembre 2018

Une figure d'épouvante


Comme le cruel martichoras, cette bête anthropophage à la triple rangée de dents décrite par Pline, l'haeccéité ne justifie que trop la haine et la terreur qu'elle inspire à tous. Des cachots, des oubliettes, des cages de fer, des échafauds et des chaînes, voilà les monuments de son règne sur l'étant existant.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

dimanche 9 septembre 2018

Haeccéité à la deuxième puissance


L'excrément constitue en lui-même une individuation, qui est une « dilatation de l'individuation vitale », au dire de Froude.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

vendredi 7 septembre 2018

Enfance et jeunesse du suicidé philosophique


« Dès l'âge de dix à onze ans, il s'adonna avec passion à la lecture des romans de Georges Perec, qui ne tardèrent pas à accroître cette susceptibilité nerveuse qui s'était annoncée dès sa première enfance. À douze ans, il avait déjà conçu une forte haine de l'haeccéité, et une inclination non moins forte pour le Rien. À treize ans, cette inclination, que le temps n'avait fait que fortifier, fut enfin contrariée par ses parents. Dès lors, taciturnité, morosité, fuite de la société, recherche de la solitude, goût plus passionné encore pour les romans de Georges Perec, et pour finir, recherche fébrile d'un puits busé, d'une corde de violoncelle, d'un flacon de taupicide, d'une falaise du haut de laquelle se jeter, ou d'un petit pan de mur jaune sur quoi se fracasser. »

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

mercredi 5 septembre 2018

Sursaut


Au contact du « rébarbatif et fétide réel », le suicidé philosophique, hypersensible à l'idée du Rien,  devient de plus en plus intransigeant. S'enfermant dans la solitude, il ne trouve bientôt plus de consolation que dans la lecture de Schopenhauer, la musique de Schumann, et les promenades solitaires dans la nature. Et puis, brutalement, il renaît à lui-même. Le sentiment de déréliction, l'angoisse du vide et le dégoût de l'haeccéité cèdent la place à l'exaltation. Son inépuisable énergie lui donne alors la puissance de créer un monument immortel, socle granitique de toute métaphysique future : l'homicide de soi-même. Son destin est accompli.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

mardi 4 septembre 2018

Projet de roman


Le suicidé philosophique, orphelin de mère, élevé par un père athée dans « l'orgueil d'appartenir à l'élite humaine », a tenté d'empoisonner son Moi au taupicide. Pour éviter le scandale, ce dernier a déposé en sa faveur au tribunal ; le suicidé philosophique a obtenu un non-lieu. Le roman débute au moment où il quitte le palais de justice. Sur le chemin qui le ramène à la propriété d'Argelouse, où il doit retrouver le Moi qu'il a voulu exterminer, le suicidé philosophique fait défiler sa vie, les blessures qui l'ont poussé à commettre ce crime démoniaque : une jeunesse solitaire, un caractère instable, rebelle, mélancolique et tourmenté, et par-dessus tout, une haine incommensurable de l'haeccéité dont le Moi a toujours été, dans son esprit, la sinistre et bourrelante incarnation.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Impossible sérénité


Comme il serait merveilleux de mourir en consentant à l'inéluctable finitude de la matière vivante, se dit parfois l'homme du nihil. Mais il s'en sait incapable. L'haeccéité lui en a trop fait voir. Il préfère se « faire sauter le caisson », et terminer sa fastidieuse existence par un geste qui exprime une dernière fois — et de façon ô combien détonante — son refus d'être un vulgaire « Dasein ».

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Fatalisme nihilique


« Plus terrible était le fatalisme avec lequel le suicidé philosophique parlait maintenant de son anéantissement comme d'un événement quasi ordinaire. Il lui était impossible, dit-il, de faire comprendre à des personnes ignorant la notion d'haeccéité la calme résignation avec laquelle il envisageait l'homicide de soi-même comme une échappatoire normale à sa terrible situation. » (M. l'abbé Bouché, Souvenirs d'une rencontre avec le suicidé philosophique à Cherbourg en 1860, Reims, P. Dubois, 1862)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

lundi 3 septembre 2018

Cloporte


Dans son roman Alectone, Edmond-Henri Crisinel — le « Nerval vaudois » — se livre à une analyse impitoyable du « mode d'être » de l'humain et montre qu'il peut prendre la forme la plus paradoxale, sinon la plus irrationnelle de la tragédie : celle où l'haeccéité paraît à la fois inévitablement subie et librement voulue, comme dans le théâtre antique et dans le chant du harpiste de Wilhelm Meister (au dire de Maurice Nédoncelle).

Dégoûté du brouillamini de l'existence et de la méchanceté des hommes, son héros, qui a inspiré des générations de suicidés philosophiques, finit par « faire le mort, comme un cloporte ».


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

dimanche 2 septembre 2018

Un original


« L'Inde a une multitude de santons ou fakirs, c'est-à-dire de gens qui se sont retirés du monde, et elle en a de toutes les couleurs. Le nombre des fakirs mahométans qu'on y trouve s'élève à huit cent mille, et celui des païens à douze cent mille », nous dit le médecin, botaniste et philosophe suisse Johann Georg Zimmermann dans son livre De la solitude paru en 1756.

Le fakir Cipaçalouvishni est l'un de ces excentriques « santons ». Il semble défier la douleur. Rien ne lui fait peur : ni le verre brisé sur lequel il saute avec entrain, ni les lames aiguisées qui lui percent le corps, ni même la terrifiante haeccéité dont, comme tant d'autres, il doit porter le joug.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

samedi 1 septembre 2018

Paléontologie nihilique


« Mon goût pour l'étude du Rien m'avoit fait recueillir dès mon enfance, dans des couches anciennes des environs de Caen, des ammonites, des cypricardes, des pintadines et d'autres coquilles aussi vides de sens que je l'étois moi-même dans ma pâteuse redingote d'haeccéité. » (Jacques Louis Marin Defrance, Tableau des corps organisés fossiles, Levrault, Paris, 1824)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

vendredi 31 août 2018

Vidé


Il arrive un moment où les voraces ectoplasmes — haeccéité, temporalité du temps, Moi, etc — qui grignotent sans trève la pachyméninge de l'homme du nihil ont entièrement épuisé sa substance mentale et ils ressemblent alors à ces « corbeaux allongés, apparemment repus, sur un lit cartilagineux de chevaux sacrifiés » qu'a chantés le poëte. Mais quant au malheureux, il est « bon pour le cabanon ».

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

jeudi 30 août 2018

Ordalie du taupicide


Il arrive un moment où l'homme du nihil s'interroge : ai-je assez expié ? C'est pour répondre à cette question qu'il se lance dans la talpicidium cohabitatio, se couchant avec son flacon de taupicide qu'il voit comme le symbole de la mort accueillante. Il se situe dans la même sensibilité que des saints comme Firmat ou Giraud de Salles qui, pour défier le tourment de l'haeccéité, livrèrent leur corps au feu. Chez l'homme du nihil, la cohabitation avec le taupicide a valeur d'ordalie, de preuve après l'épreuve ; mais aussi, d'expiation de la faute passée : celle de « s'être trémoussé, comme tout un chacun, dans un univers aberrant » (avec une vigueur tout de même très relative).

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Apogée de la dégoûtation


Lorsque l'étant existant prend conscience de l'haeccéité où il est irrémédiablement embouqué, il atteint ce « point de l'ennui le plus profond et de cet horrible dégoût de soi-même » dont parle Buffon 1, « qui ne nous laisse d'autre désir que celui de cesser d'être, et ne nous permet qu'autant d'action qu'il en faut pour nous détruire, en tournant froidement contre nous des armes de fureur (couteau à désosser, taupicide, revolver Smith & Wesson, etc.) »

1. Discours sur la nature des animaux, 1753.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Regrets tardifs


Le 26 janvier 1855, Gérard de Nerval qui, d'après ses amis Théophile Gautier et Arsène Houssaye, « en avait soupé de l'haeccéité » se pend aux barreaux d'une grille qui fermait un égout de la rue de la Vieille-Lanterne (voie aujourd'hui disparue, qui était parallèle au quai de Gesvres et aboutissait place du Châtelet).

Au moment du trépas, le poëte fait l'expérience du phénomène appelé dédoublement astral ou sortie du corps, et peut contempler pendant quelques instants son Moi défunt, expérience qu'il décrit ainsi dans son journal demeuré inédit : « Son visage immobile et qui semblait devenu tout petit, ses yeux fermés, ses mains maigres évoquant des serres de gerfaut moderato, toute cette chose si insupportablement funèbre, si inexplicablement douloureuse qu'est un cadavre, même un cadavre de chien ou de rat, oui, tout cela qui allait bientôt se diluer, tout cela fit que j'eus le cœur serré, comme si je venais de perdre, au lieu de mon odieux Moi, quelqu'un de très cher et de très beau... Sans savoir pourquoi, sans chercher à raisonner cette impression soudaine, rien que parce qu'il n'était plus, parce qu'il ne se livrait plus à ses horripilantes singeries, je découvris en lui d'émouvantes vertus et des beautés prodigieuses... Et je pleurai sur lui, je pleurai abondamment... ».


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Chien enragé


Quiconque n'a pas le secret désir de se détruire n'est pas un homme, c'est une chose, affirmait le dramaturge autrichien Ferdinand Jakob Raimann, dit Ferdinand Raimund. Et pour passer à l'acte, tous les prétextes sont bons. Ainsi, Raimund se suicida-t-il en se tirant une balle dans la tête, convaincu — dit-il à ses proches avant de trépasser — d'avoir été mordu par un chien enragé. Gragerfis, dans son Journal d'un cénobite mondain, identifie ce « chien enragé » avec l'haeccéité, mais sans avancer le moindre argument pour étayer sa thèse.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)