mardi 3 juillet 2018

Sein und Zeit


Le 12 mars 1926, Heidegger présente à Husserl, à l'occasion d'une réception pour les soixante-sept ans de celui-ci, le manuscrit de Sein und Zeit, son premier ouvrage « grand public ». Husserl trouve ça « pas mal, quoique un peu pauvre en phénomènes ».

Le livre est publié l'année suivante, à la demande du doyen de l'Université de Marbourg. C'est un énorme succès et de nombreux « bals du Dasein » sont organisés dans toute l'Allemagne. Le poète dadaïste Hugo Ball réenfile à cette occasion le costume de phallus en carton rigide et argenté qu'il avait porté le 5 février 1916 au Cabaret Voltaire. Le terme de Dasein fait florès, et l'on trouve bientôt des crèmes à raser du Dasein, des caleçons longs du Dasein, des stylos-plumes du Dasein, jusqu'à un restaurateur fribourgeois qui propose des knödel à la viande façon Dasein.

Heidegger est d'abord ravi de cet engouement, mais bientôt une question le taraude : « mon message ontologique est-il bien passé ? », se demande-t-il.
Elfriede le rassure comme elle peut et l'incite à prendre de l'huile de foie de morue pour fortifier son Moi. Quand elle est prise de boisson, il lui arrive cependant de traiter l'ontologue de « vil insecte » et de « potiron ».


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Un puits solidaire au Sénégal


« Coordonnée par Éric Popu et Miguel Torres, professeurs au lycée Mariette de Boulogne, l'opération vise à récupérer des fonds pour installer un puits dans un village de la région de M'Bour au Sénégal.

Sans un accès direct à l'eau, la population doit couvrir un nombre effarant de kilomètres sous un soleil de plomb pour se procurer le précieux liquide — et les suicidés philosophiques désirant se jeter dans un puits busé doivent se rabattre sur le taupicide ou la traditionnelle "cravate de chanvre".

Pour réaliser ce projet, les responsables ont contacté Michel Gagniac, président de l'association "Un puits pour la vie" qui a déjà réalisé neuf puits dans les endroits les plus improbables. Pour récolter les fonds nécessaires, les lycéens recyclent des papiers et fabriquent des blocs qu'ils mettent en vente.

Après les puits, une deuxième étape devrait consister à apporter morale et esthétique aux Sénégalais, afin de faire mentir le poëte Jules Lemaître qui déclamait un peu pompeusement :

         "Chers primitifs, ô Bamboulas,
         Benjamins de la terre antique,
         Grands innocents qui n'avez pas
         De morale ni d'esthétique".

Une affaire à suivre, donc. » (La Voix du Nord, 18 octobre 2016)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

La vie en beau


Le monde moderne est tellement repoussant, le « monstre bipède » tellement hideux, l'existence tellement affreuse, que l'homme du nihil paierait cher pour disposer de « vitres de paradis » lui permettant de voir « la vie en beau ». Mais comme dans le récit de Baudelaire, de telles vitres, il ne s'en trouve pas...

Ajoutant au lugubre de ce musée des horreurs, l'œuvre de Georg Trakl (1887-1914) est composée de poèmes où prédominent « l'ambiance et les couleurs de l'automne, les images sombres du soir et de la nuit, du trépas et de la faute ».


Trakl, qui n'en pouvait plus d'être le « poète des lacs sombres, des décadences et des transgressions », se suicide par overdose de cocaïne dans la nuit du 2 au 3 novembre 1914. Selon Gragerfis, le poète autrichien souffrait de problèmes relationnels. Ainsi, il voyageait debout lorsqu'il prenait le train, ne supportant pas d'avoir quelqu'un en vis-à-vis, et prétendait être incapable de téléphoner ! Ses proches le prenaient pour un « drôle d'oiseau », mais lui se voyait plutôt comme la réincarnation du pauvre Kaspar Hauser, l'homme sans identité, l'étranger total. Deux théories qui, il est vrai, ne sont pas incompatibles...

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

      Juvénile beauté lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Méprise fatale


Un concept dormait sur l'écume norvégienne de la raison pure. Survient un philosophe, dans sa petite barque dialectique égarée au milieu des ténèbres, qui le prend pour une île : il fixe son ancre dans son écorce d'écaille, s'amarre sous le vent à son côté, et est entraîné dans l'abîme lorsque le concept regagne les étendues benthiques où il se meut ordinairement.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Vocation précoce


Je suis un suicidé de la première heure.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Tête de cheval


Le philosophe Otto Weininger prétendait avoir constaté, chez plusieurs individus redoutant la folie, « une parenté morphologique avec la tête de cheval ».

Cette intuition magistrale est confirmée par la scène du Lotus bleu où Tintin, après que Mitsuhirato lui a injecté du radjaïdjah, gémit : « Fou !... Je vais devenir fou !... » et prend subito presto une expression nettement équine.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

lundi 2 juillet 2018

Théorème de Brianchon


Le théorème de Brianchon stipule que les diagonales joignant les sommets opposés d'un hexagone sont concourantes si et seulement si cet hexagone est circonscrit à une conique.

Ce théorème dû au mathématicien français Charles Brianchon est, quoique formulé d'une façon moins élégante, l'exact dual du fameux théorème de Pascal qui dit que « le Moi est haïssable ».


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Interlude

     Jeune femme lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Infécondité intellectuelle du merleau-pontisme


« Ce mardi matin, un homme de soixante-quinze ans a été retrouvé mort dans le village de Dommartin-lès-Remiremont.

Ce résident de la commune avait quitté le domicile conjugal lundi soir, seul et à pied. Philosophe professionnel se présentant comme un "continuateur de Merleau-Ponty", il souffrait semble-t-il de dépression depuis qu'il était frappé de "constipation conceptuelle opiniâtre". La gendarmerie, prévenue de sa disparition vers 18 heures avait initié des recherches jusqu'à minuit, mobilisant une dizaine de personnes.


Les recherches ont repris mardi dans la matinée. Ce sont finalement des promeneurs qui ont découvert le corps dans la Moselle, vers 10 heures. Le périmètre a été bouclé pour procéder aux constatations médicales. La piste du suicide est privilégiée.

Selon les enquêteurs, l'homme "aurait senti au plus profond de lui que la réalité n'est pas verbale, qu'elle peut être incommunicable et atroce, et il s'en serait allé, taciturne et seul, chercher la mort dans le crépuscule liquide du fond de la Moselle''. » (Vosges Matin, 6 février 2018)

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Épaves mobiliaires


Est dite mobiliaire une épave qui consiste en quelque effet mobiliaire, comme un animal, un poisson, un alcoolique invétéré, un individu « sans domicile fixe », etc. Ces sortes d'épaves sont appelées mobiliaires pour les distinguer des épaves foncières, qui consistent en immeubles.

L'homme du nihil en rencontre souvent lors de ses sorties dans le réel, de ces épaves mobiliaires  : des tas de loques vermineuses et de chairs exténuées, qui empestent le « rouquin » et qui laissent exploser à tout propos une violence bestiale.


L'absurde instinct vital qui rive encore ces déchets à l'existence l'écœure, mais malgré le dégoût qui l'étreint, il est tenté de s'écrier : « Ô épaves humaines ! Je suis des vôtres ! »

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Tout doit disparaître


Les sapeurs-pompiers sont intervenus ce jeudi matin au 11, rue des Peupliers dans le quartier de l'Orme pour secourir un homme qui s'est défenestré depuis le troisième étage du bâtiment. Il est tombé sur une voiture.

Selon les premières investigations, le désespéré s'était persuadé que le Moi individuel constitue toute la réalité, et que les autres Moi n'ont pas plus d'existence que les personnages des rêves. Cette attitude mentale, souvent présentée comme une conséquence logique du caractère idéel de la connaissance, est appelée solipsisme par les philosophes, selon une source policière. Elle pourrait être la cause de son geste fatal. En se tuant, supposent les enquêteurs, il ambitionnait sans doute de « détruire le monde ».

Blessé grièvement, le suicidé a été pris en charge et transporté au centre hospitalier Saint-Charles de Saint-Dié-des-Vosges, mais le pronostic des médecins est très réservé quant à la capacité de son Moi à persévérer dans l'être. (L'Est Républicain, 23 novembre 2017)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

Touriste de bananes (Georges Simenon)


Il y avait trente-sept jours que le bateau, qui s'appelait l'Île-de-Ré, avait quitté Marseille ; on était parti qu'il gelait et tous les passagers, sauf deux, avaient été malades en sortant de Gibraltar ; après la monotonie des houles de l'Atlantique, on s'était ébroué dans les bals Doudou de la Guadeloupe et le missionnaire des secondes classes lui-même avait revêtu un costume civil pour accompagner la famille Nicou ; à Panama, les dames avaient acheté des parfums qui y sont meilleur marché que partout, et on avait déjeuné sur le pont en traversant le canal, car c'est la tradition ; on approchait des antipodes ; on avait aperçu de loin les Galápagos, photographié des pélicans et des poissons volants ; Muselli, l'administrateur de première classe qui jouait de la guitare hawaïenne, avait acheté une tête d'Indien réduite à la grosseur d'un poing d'enfant ; on était à l'autre bout du monde, à cisailler patiemment, avec un ronron de machine-outil, l'eau trop lisse et trop brillante du Pacifique qui forçait à porter des verres fumés ; le trait qui, sur la carte, dans le salon des premières, s'allongeait chaque jour, toucherait bientôt aux points minuscules des Marquises ; il y avait trente-sept jours qu'on n'était plus en France, ni nulle part. Et pourtant c'était dimanche !

Un vrai dimanche, un dimanche comme tous les dimanches, alors qu'on aurait pu croire que, dans cette sorte d'infini où voguait l'Île-de-Ré, tous les jours se ressemblaient. Certes, à dix heures du matin, un steward annamite avait parcouru le bateau en agitant une petite cloche qui rappelait celle des enfants de chœur ; certes, le missionnaire roux, qui avait passé trente ans aux Nouvelles-Hébrides, avait célébré une messe dans la salle à manger des premières où, à cette occasion seulement, les passagers de seconde avaient accès.


Mais pourquoi, à trois heures de l'après-midi, c'est-à-dire à l'heure de la sieste, cela sentait-il encore le dimanche ? Et d'abord, pourquoi y avait-il en général de l'étant, et non pas plutôt rien ? Cette question, que l'on pourrait qualifier de leibnizienne, Heidegger l'avait commentée de façon singulière dans sa leçon inaugurale de 1929 intitulée Qu'est-ce que la métaphysique. Mais à bord de l'Île-de-Ré, personne ne le savait. Les passagers étaient trop occupés à jouer au bridge, à la belote, aux échecs, au palet, pour se soucier d'ontologie. Les fous !... Les pauvres fous !...


(Maurice Cucq, Georges Sim et le Dasein)

Interlude

         Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Philosophisme convulsif


Maladie convulsive épidémique des Allemands; raphania, Linné. — « Dans la troisième période, lorsque la maladie se termine par la guérison, les convulsions cessent ; mais il reste souvent un tremblement des mains, de l'affaiblissement dans la vue, des phénomènes épileptiformes qui reparaissent par intervalle, et un désir irrépressible de "créer des concepts" » (E. Monneret et L. Fleury, Compendium de médecine pratique, Béchet jeune, Paris, 1839)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Un fatidique bourrineau


Le 3 janvier 1889, alors qu'il prend les eaux à La Bourboule pour soigner une « constipation conceptuelle opiniâtre », le philosophe Frédéric Nietzsche se jette en pleurant au cou d'un cheval de fiacre brutalisé par son cocher. Son logeur le reconduit à son domicile où le « penseur paradoxal » demeure prostré durant deux jours avant de sombrer définitivement dans la démence.

Dans sa biographie de Nietzsche, le très inventif Daniel Halévy identifie ce cheval au Dasein et le cocher à l'haeccéité : en utilisant son corps comme un bouclier, le philosophe voulait en réalité protéger l'étant existant du fouet de son éternel tourmenteur !


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

À brûle-pourpoint


Il arrive que la pensée de se détruire s'empare du suicidé philosophique alors qu'il regarde son reflet dans la vitrine d'un magasin, tandis qu'autour de lui la tourmente souffle et siffle, s'abat sur les parapluies en gouttes drues et serrées, et ruisselle sur les dos courbés, les têtes et les mains bleuies par le froid. Comme il aimerait alors, le suicidé philosophique, que la tempête chasse au loin l'idée du Rien, qu'elle la pousse loin de sa pachyméninge, vers les déserts gréseux, les ravines, les champs d'absinthe et de chardon, découronnant les hautes meules et dispersant sur les aires sa pourriture gluante !

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

dimanche 1 juillet 2018

Infaillibilité du suicidé philosophique


Tendu vers une fin unique — son anéantissement —, le suicidé philosophique, malgré sa torpeur apparente, poursuit un chemin en lequel il n'est point d'illusions. Un suicidé philosophique, comme un arbre, un poudingue de Vallorcine, ou tout objet amorphe, inanimé et cristallin, ne se trompe jamais.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Interlude

      Le chanteur Lucien Ginsburg lisant le Monocle du colonel Sponsz

Hébéphrénie


L'inconcevabilité d'autrui fait tenir tout dialogue du désastre.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Theorema egregium


En géométrie, le theorema egregium (« théorème remarquable » en latin) est un important résultat établi par Carl Friedrich Gauss et portant sur la courbure des surfaces.

Il énonce que celle-ci peut être entièrement déterminée à partir de la métrique locale de la surface, c'est-à-dire qu'elle ne dépend pas de la manière dont la surface est plongée dans l'espace tridimensionnel. On peut même, au dire de Gauss, la plonger dans le Bosphore enfermée dans un sac de cuir plein de vipères, comme on faisait jadis aux parricides !


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Conversion manquée


Au début de L'Affaire Tournesol, le capitaine Haddock, tout juste remis d'une grave dépression nerveuse 1, conseille à Tintin « d'écouter le silence ». Il est fatigué du brouillamini de l'existence, il est devenu frileux et sédentaire, et comme les chats de Baudelaire, il cherche « le silence et l'horreur des ténèbres ».

Il n'est pas loin d'être devenu un homme du nihil, mais le « fétide et rébarbatif réel » le reprendra bientôt dans son maelström dérisoire, aidé par le frénétique Tintin décidément incapable de concevoir que le bonheur puisse naître de l'inaction.


1. Consécutive à la lecture des Principes de la doctrine de la science de Fichte, d'après Gragerfis.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Crocodile de Meudon


Louis-Ferdinand Céline, alors qu'il habitait avec son épouse Lucette la villa Maïtou sise au 25 ter, route des Gardes, a-t-il connu le fameux crocodile de Meudon, auquel certains prétendent même qu'il était apparenté ? 

Ce dernier, s'il est véritablement un crocodile, aurait vécu dans l'époque secondaire, car il a été trouvé dans la craie. Mais cet animal n'est connu que par une seule dent 1, et l'on ne peut pas, sur un si faible indice, décider de ses véritables affinités génériques, fût-ce avec un auteur si proche de lui par la force et la voracité.

1. cf. Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes, 4° édit., t. IX, p. 320.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Interlude

      Jeune femme lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Une vie de clochard (Charles Bukowski)


Harry se réveilla avec la gueule de bois. Une sévère gueule de bois.
— Merde, fit-il doucement.
Il y avait un petit lavabo dans la chambre.
Harry se leva, pissa dans le lavabo, le rinça, puis mit sa tête sous le robinet et but un peu d'eau. Après quoi, il s'aspergea la figure et s'essuya avec un pan de son maillot de corps.
On était en 1943.
Harry ramassa ses vêtements éparpillés par terre et commença à s'habiller. Les stores étaient baissés et des rayons de soleil filtraient au travers des déchirures.

Il sortit dans le couloir pour aller aux toilettes. Il ferma la porte au verrou et s'installa, étonné de pouvoir encore chier. Ça faisait des jours qu'il n'avait rien mangé.
Bon dieu, se dit-il, les gens ont des intestins, des bouches, des poumons, des oreilles, des nombrils, des organes génitaux, et... des cheveux, des pores, des langues, des dents parfois, et tout le reste... des ongles, des cils, des orteils, des genoux, des estomacs...
Il y avait quelque chose de tellement ennuyeux dans tout ça. Pourquoi est-ce que personne ne se plaignait ? Pourquoi les gens n'envoyaient-ils pas balader toutes ces conneries et n'adoptaient-ils pas le nihilisme phénoménologique de Fichte, selon lequel le monde n'est que « la manière dont le néant prend figure et apparence pour lui-même en se comprenant comme tel et en s'opposant à l'être en lui-même invisible » ?

Comme l'idéaliste allemand, Harry était persuadé que « le monde conserve la trace ineffaçable de son néant », ce qui ne l'empêcha pas de donner bientôt naissance à un odoriférant « cigare japonais ».

(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

Le plus important


Maintenant que nous connaissons par le papyrus Rhind les problèmes relatifs à la pyramide, et par le papyrus Golenichtchev la formule du tronc de pyramide et les recherches sur la surface de la sphère, que sont traduites nombre de tablettes géométriques de la première dynastie babylonienne, en particulier sur les sections du triangle et le trapèze, nous pouvons nous occuper du plus important (to timiotaton) : la réunion du Moi au Rien par le moyen de l'homicide de soi-même.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Pauvreté en monde


« Geoffray Baloche n'en a pas cru ses yeux quand il a découvert que trois de ses vaches avaient été tuées par balle ce dimanche. Cet éleveur de bovins de la race Bleu blanc belge, domicilié à Entraigues dans le Vaucluse, allait visiter son troupeau lorsqu'il a fait cette macabre découverte. Il a porté plainte auprès des gendarmes. 

 "Je suis retourné voir mes bêtes. Il était environ 10 h 30. Trois vaches étaient mortes. Tuées d'une balle voire deux dans la tête. Une autre a été blessée. j'ai enlevé des plombs de son cou. Je pense qu'elle s'est fait tirer dessus avec de la chevrotine. Un veau a également été blessé. Il a reçu des petits plombs à l'intérieur de la gueule", explique-t-il, désespéré. 

 Selon lui, elles ont été abattues de nuit, "alors qu'elles dormaient". C'est un coup dur pour le jeune homme qui s'est lancé dans l'élevage en 2016. Deux petits veaux se retrouvent aujourd'hui sans mère et la vache fétiche du troupeau, prénommée Marguerite, a été abattue aussi. 

"C'était comme un animal de compagnie. C'est grâce à elle que ma femme Manon et moi avions décidé de nous lancer dans l'aventure", se souvient Geoffray Baloche.

"Je tiens à souligner, continue-t-il, que contrairement à ce que soutient Heidegger, les bovins possèdent comme nombre d'animaux supérieurs l'intuition vitale, élémentaire bien qu'authentique, de la mort. La thèse heideggérienne selon laquelle « l'animal est pauvre en monde » est donc d'une indigence phénoménologique abyssale."

Il espère, primo, pouvoir acheter une nouvelle vache au plus vite, deuzio, que les progrès des "neurosciences" donneront bientôt un démenti définitif au diagnostic du lugubre ontologue wurtembourgeois. » (France Soir, 9 janvier 2018)

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

L'endurante passion de la vérité


Le suicidé philosophique, encalminé qu'il est sur la mer plate du Rien, dédaigne l'historicité de la pensée qu'il ne voit que sous la forme du déclin et de l'errance. Quant à son œuvre maîtresse, l'homicide de soi-même, elle représente la tentative de surmonter la différence nominaliste entre concept et réalité par la logicisation, et finalement la révolvérisation du concept d'être.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

samedi 30 juin 2018