mercredi 21 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Sclérose conceptuelle


Le fragment irrégulier, presque informe, qui chez le philosophe occupe la place de la tête, contribue, par ses abrupts, ses échancrures, ses excroissances à donner à l'« ami de la sagesse » on ne sait quoi de hagard et de calciné. Quant à ses syllogismes et concepts, ils offrent à l'imagination le paradoxe d'une sclérose hyperbolique. Ils renchérissent inexplicablement sur l'inerte, ils ajoutent la rigueur de la mort à ce qui jamais ne fut vivant.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Phthirophagie


20 janvier. — « Quoique le pou soit une si vilaine vermine, il y a pourtant parmi les hommes les Hottentots, et parmi les brutes les singes, qu'on nomme pour cela phthirophages, qui en mangent. C'est ainsi que du côté de la mer rouge il y a un peuple de petite structure et noir, qui ne se nourrit, dit-on, que de sauterelles qu'il sale pour toute préparation. Avec un tel aliment ces hommes vivent jusqu'à quarante ans ; enfin ils meurent de la maladie pédiculaire. Des poux ailés les déchirent ; leur corps tombe en pourriture, et ils meurent dans de grandes douleurs. On sait encore qu'un des plaisirs des Nègres de la côte occidentale de cette partie du monde, est de se faire chercher leurs poux par leurs femmes, qui ont grand soin de les croquer et de les avaler à mesure qu'elles en trouvent. » (Jacques Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonnée universel d'histoire naturelle, t. 5, Brunet, Paris, 1775, p. 270-271)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Esquive fromagère


La vitrification du Dasein ! Ou non... plutôt : le gruère.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Immarcescible


Rescapée des ébullitions philosophiques et des incandescences conceptuelles, intouchée par la tourbe grisâtre du quotidien, resplendit la beauté pathétique du Rien. De même, aujourd'hui encore, la foudre vitrifie le sable du désert en baguettes barbelées (s'il faut en croire Gragerfis).

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

En radeau sur le pachynihil


De vingt ans à ma mort, je menai une vie d'aventurier, descendant le fleuve impassible du pachynihil.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

De l'yak


19 janvier. — « La chair de l'yak est très bonne, assurent les voyageurs. Son lait, d'une composition fort analogue à celle des laits de vache et surtout de chèvre, est excellent : c'est tout à fait à tort que Malte-Brun l'accuse de sentir le suif ; un grand nombre de personnes l'ont goûté au Jardin des Plantes, et il n'y en a pas une qui ne l'ait trouvé aussi bon, aussi agréable au goût que celui de nos vaches. Le père Huc avait déjà, sur ce point, relevé l'erreur de Malte-Brun. » (Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Acclimatation et domestication des animaux utiles, Librairie agricole de la maison rustique, Paris, 1861, p. 292)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mardi 20 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Préparation à la mort


Déféquer — sauf peut-être quand il s'agit de jus de betterave 1 —, c'est se préparer à mourir, c'est mourir.

1. Déféquer le jus de betterave, c'est en ôter les impuretés, le clarifier. Chaudière à déféquer. En 1799-1800, Deyeux défèque les jus [de betterave] avec de la chaux (Saillard, Betterave et sucr. de bett., 1923, p. 286).

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Un dur à cuire


L'homme du nihil, il va de soi, n'a ni désir — si ce n'est celui qu'on l'oublie — ni sensibilité. C'est pourquoi il faut beaucoup pour l'émouvoir : des températures de chalumeau et d'arc électrique, des violences de séismes, des spasmes de volcans. Sans compter le temps vertigineux.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Parole de constipé


Le néo-platonicien Plotin définissait la philosophie « ce qui importe le plus ». Mais cette formule ne s'applique-t-elle pas plutôt à l'acte défécatoire ?

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Assez de mots. Un acte !


Se lever un beau matin, tout à fait calme et sûr de soi, et enfoncer quelque chose d'acéré et de définitif dans l'entrelacs de viscères où s'abrite le Moi... Ah, quel délice ! (Les trente-trois délices de Théasar du Jin, Traduction de Simon Leys)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

De l'hyène


Autant l'humain me répugne, autant l'hyène m'émeut. Sa crinière rude et épaisse, son pelage gris ou fauve, sale, taché de brun, lui confèrent l'allure farouche d'un prophète du Rien. Elle est nocturne et timide, comme le nihilique. Mais contrairement à ce dernier, elle attaque rarement l'homme, préférant se nourrir de charognes, de cadavres qu'elle déterre. Hyène sophistiquée, j'ajoute à la nécrophagie un profond romantisme de l'éphémère — que j'emprunte au Japonais, ce guetteur de chaque instant — et une sombre fascination pour ce qui disparaît.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

18 janvier


Selon le général Urtubie de Rogicourt, « le canon est une espèce de cône tronqué, parce que, pour résister à l'effort de la poudre, on est obligé de le renforcer vers la culasse, qui est la partie où se place la charge. La cavité intérieure de ce cône est un cylindre que l'on appelle l'âme, dans laquelle on met une certaine quantité de poudre pour chasser un globe de fer, ou autres espèces meurtrières et destructives. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

lundi 19 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Cimetière marin


Cruel Parménide ! Parménide d'Élée ! M'as-tu assez désopilé avec ton être indivisible, inengendré, et ton non-être qui n'est pas ! Debout ! Dans l'ère successive ! Au pas de gymnastique ! — Ô puissance salée ! Courons au Rien en rejaillir vivant !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Insectes caustiques


18 janvier. — « Il y a des années où il pousse beaucoup de coquelicots sur les jachères. On accuse ces plantes de causer des maladies aux vaches, et surtout aux moutons, qui paissent sur ces terres. C'est dans la Beauce, au mois d'août, que ces accidents ont lieu. Il me semble en avoir découvert la raison. Il survient alors quelquefois de petits brouillards, qui précipitent vers la terre une foule d'insectes. Les araignées des champs, qui sans doute s'en aperçoivent, tendent leurs toiles sur les coquelicots. Les moutons, en broutant les plantes, avalent en même temps les insectes dont la plupart sont caustiques, comme les cantharides. Les gardiens attentifs des bestiaux doivent les écarter à cette époque des champs où il y a beaucoup de toiles d'araignées, et par conséquent d'insectes caustiques. Il est vraisemblable que le mal vient plutôt des insectes que des coquelicots. » (A.-H. Tessier et A. Thouin, Encyclopédie méthodique. Agriculture, t. 3, Panckoucke, Paris, 1793, p. 489)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Dans le diverticule des félins


Le temps écrase l'étant existant sous d'énormes brodequins en cuir de vache, éculés comme pour faire ressortir plus crûment encore l'absence de pieds.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

17 janvier


Bourrelante question : l'estampe connue sous le nom du Saint Christophe de 1423 est-elle toujours le plus ancien monument de l'art de la xylographie et de l'impression en relief ; ou bien l'estampe de 1418, conservée à la bibliothèque royale de Bruxelles, lui enlève-t-elle cette prééminence et lui est-elle réellement antérieure ?

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Crise de vers


Je dis « la matière fécale » et, hors l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les tourtes sues, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

dimanche 18 novembre 2018

Consolation de la philosophie


Arétaze, dans son Histoire de Phrygie parle de l'idée du Rien, que l'on trouve sur le mont Tmolus — et aussi dans la pachyméninge de l'homme du nihil. Si un eunuque la rencontre, il n'a plus de répugnance pour sa castration et la supporte désormais avec intrépidité. Mais cette trouvaille est fort rare.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Hargneux


15 janvier. — Je consulte les Recherches historiques et médicales sur l'hypocondrie de Louyer-Villermay, et voici ce que j'y trouve : « Des auteurs, en étudiant l'influence des passions sur l'organisation de l'homme, ont observé que les affections gaies sembloient agir plus spécialement sur les viscères contenus dans la poitrine, tandis que l'impression des passions tristes, comme le chagrin, l'ennui, la crainte, étoit presque toujours déterminée sur les organes abdominaux. » — Cela est vrai, sans contredit. Quant aux individus qui souffrent de hernies, ajouterai-je, ils montrent une morosité et une irascibilité hors du commun, qui leur a d'ailleurs fait donner le nom de hargneux.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

L'ardent pays


La stridulation du pachynihil zèbre la porcelaine du soir. Ô Rilke ! Je déambule dans l'Ouvert, sourd aux imprécations des êtres et des choses. Sombre antichambre de la folie, salle d'attente du suicide, l'existence, perpétuel plagiat !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

L'écho inquiétant du nihil


Ceux qui passent devant l'homme du nihil évitent de parler. Ils entendent des bruits lointains de tonnerre et d'ouragan. Ils s'arrêtent, en proie à la terreur. Tout le monde n'entend pas ces bruits.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)