samedi 17 février 2024

Salops de goguenards

 

S'il y a un truc difficile à encaisser, c'est la goguenardise ; les individus goguenards.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Respect pour Magritte !

 

« Je ne peux pas sentir les gens qui biffent ou abaissent Magritte », disait Salvador Dali. Et on le comprend. Car Magritte... Magritte biffé... ou Magritte abaissé... on saigne rien que d'y penser.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Flipper

 

Il est possible d'établir un parallèle, et le psychologue américain John Tussord l'a fait, entre les trois âges de la vie et les trois balles (ou boules) du jeu de flipper. La première balle correspond à l'enfance et à la jeunesse : on entre dans la danse et on est submergé par la violence des chocs. La deuxième balle (ou boule) correspond à la maturité. Il faut se débrouiller, on apprend à ruser, et quand on croit avoir trouvé un abri, on est éjecté subito presto par le bumper d'en face qui nous attendait sournoisement dans l'impasse. Enfin, la dernière balle correspond à la vieillesse. On est fatigué, on veut se reposer, mais en fait de repos, le dernier bumper nous envoie dans certain trou d'où l'on ne ressort jamais. Oui, en vérité, la vie ressemble au jeu de flipper : on gagne, on perd, et toujours on espère pouvoir s'en refaire une petite — je dis petite, oh non, non, petite, hein — gratuite, gratuite, gratuite, gratuite. Mais ça n'arrive jamais.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

L'impasse de la sainteté

 

On croit que la sainteté est le fin du fin ; que si l'on devient saint, on tiendra le bon bout. Alors on fait une chiée de bonnes actions et l'on récite une tétrachiée de Pater noster. Et puis patatras, on tombe sur une phrase de William Blake qui dit qu'un idiot, aussi saint soit-il, n'entrera pas dans le royaume des cieux. On est découragé.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

vendredi 16 février 2024

Vanité de l'ascétisme

 

Une personne qui craint la souffrance sera attentive à ne rien faire qui puisse provoquer en elle, plus tard, un sentiment de nostalgie. Elle fuira les « bons moments ». Elle n'aura pas d'animal domestique. Elle sera ascétique en diable. Mais ça ne marchera pas. On peut être ascétique autant qu'on veut, des bons moments, il y en a toujours — même s'ils sont plus ou moins « guez ». Alors...
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Les barbares

 

« Plus on pense, moins on existe. Or nous, ce que nous voulons, c'est exister. La pensée, c'est pour les caves. De l'être ! De l'être !
— Parfaitement ! Nous sommes des barbares et nous voulons être des barbares ! Le monde actuel est près de sa fin, notre tâche est de le saccager !
— Bou hou hou !
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as cassé ta biscotte ? Oh mon pauvre cher vieux ! »
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Négation du Moi

 

Il ne faut pas dire « David hume le parfum d'une soupe au lard » mais « le parfum d'une soupe au lard est humé » (sans préciser par qui). C'est ce qu'on appelle la « négation du Moi ».
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Revenir à Gargilesse

 

Nostalgie de Gargilesse, de ses pics enneigés et de sa maison de George Sand.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

jeudi 15 février 2024

Vrais noms des choses

 

Il était écrit que ce serait Camillo Golgi et nul autre qui découvrirait l'appareil et lui donnerait son nom. Appareil de Golgi : cela sonne vrai. Beaucoup plus vrai qu'appareil de quelqu'un d'autre.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Auteurs facultatifs

 

À quoi bon lire du Pessoa ou du Luc Pulflop, puisque tout ce qu'ils disent, on l'a déjà constaté par soi-même ? Ils le disent de façon amusante, c'est vrai, mais enfin... c'est seulement si on a du temps à perdre.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Bataille, Blanchot et l'existentialisme

 

Maurice Blanchot : Georges ! T'as vu ? On dirait la gapette au père Bugeaud !
Georges Bataille : Bon Dieu mais t'as raison ! Regarde-moi ça, elle est faite avec du poil de chameau ! Pour être originale, elle l'est, ça je te le jure.
Maurice Blanchot : Pas la peine de jurer, je te crois. D'ailleurs, je la vois aussi bien que toi.
Georges Bataille : Ah.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Pauvreté en monde

 

Le philosophe Heidegger accusait l'animal d'être « pauvre en monde », et c'était peut-être vrai, mais l'animal ne trompait pas sa bonne femme avec la fille Arendt, lui.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

mercredi 14 février 2024

Exception

 

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, à moins qu'il ne s'agisse d'un fleuve de révérence parler merde. Parce que là...
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Simagrée platonicienne

 

C'est le dernier après-midi de Socrate. Il reçoit ses amis dans sa cellule, sachant qu'il va bientôt être exécuté. Il les reçoit tous sauf un. Dans le Phédon où il décrit la scène, Platon note : « Platon, je crois, était malade. » Et nous qui lisons ça, nous lui demandons : « Comment ça, tu crois ? Tu ignores si tu y étais ou non ? Tu te fiches de nous ou quoi ? Merde ! »
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Adieux à la philosophie

 

En septembre 1923, Frank Ramsey rend visite à Wittgenstein à Puchberg, le village d'Autriche où l'auteur du Tractatus exerce le métier d'instituteur. Wittgenstein dit à Ramsey qu'il ne veut plus aller à la pêche aux concepts — c'est ainsi qu'il appelle la philosophie — car les gens de la ville lui ont pris son panier (die Leute der Stadt haben seinen Korb genommen). Ramsey est effondré.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Colère d'Achille

 

Émile Cioran : Chante, muse, la colère d'Achille !
Simone Boué : Qu'est-ce t'as dit, Émile ?
Émile Cioran : Rien, je t'ai demandé de chanter la colère d'Achille.
Simone Boué : J'ai pas le temps, là. Je fais la tambouille. Tout à l'heure, si tu veux.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

mardi 13 février 2024

Idée reçue

 

Il est faux de dire que le prophète Malachie ne profite jamais. Il est comme tout le monde. Quand il mange, il profite.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

Superfluité de Maurice l'obscur

 

Maurice Blanchot a vécu sa vie en vain. Il a produit une couple de livres effrayamment fastidieux, il a promené son Moi à droite et à gauche, il a un peu fait le « golmon » avec Georges Bataille, et puis il est mort. Que reste-t-il de lui aujourd'hui ? Rien. Absolument rien. C'est comme s'il n'avait jamais existé. Sa vie a été fausse de bout en bout. Il aurait mieux fait de ne pas naître.
 
(Henri-Marcel Chissant, Hippocastanacées)

L'exploit de vivre

 

Manquer put sa patrie au grand Osuna, mais non à sa défense ses exploits (nous dit Quevedo). Le nihilique, c'est différent. Sa patrie, c'est le Rien, et elle ne lui a jamais fait défaut. Quant aux exploits... il n'en a pas réalisé des masses, si ce n'est celui de vivre, jour après jour, une minute après l'autre. Et il n'en est pas fier, oh non — bien le contraire, plutôt.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Théorie gnostique du fantôme

 

Les gnostiques alexandrins niaient l'humanité corporelle du Christ. Ils ne pouvaient admettre qu'il fût soumis aux misères de la physiologie — production de matière fécale, largage de « caisses » consécutif à l'ingestion de flageolets ou de choux de Bruxelles, etc. Et comme ils rangeaient la crucifixion parmi ces « misères de la physiologie », ils allèrent jusqu'à déclarer qu'un fantôme avait été crucifié à sa place.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

lundi 12 février 2024

Matière des rêves

 

D'après Shakespeare, nous sommes faits de la même matière (ou des mêmes deux matières) que les rêves, à savoir — c'est un peu embarrassant à répéter — le pipi (« wee-wee ») et le caca (« doo-doo »).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Peur irraisonnée

 

Quand on a passé la moitié de sa vie à dormir et l'autre moitié à attendre que ça se passe, mourir ne devrait pas poser de problème. Et pourtant si. C'est plus fort que soi, on a les jetons.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Ya no puede caminar

 

Chez les bouddhistes, les deux véhicules de pompier (le grand et le petit) ont en commun les trois caractéristiques de l'être (impermanence ou fugacité, souffrance et irréalité du Moi), les quatre nobles vérités, la transmigration, le karma et la voie moyenne. Le plus grand des deux véhicules se distingue par son idéalisme absolu (derrière les apparences, il n'y a rien ; l'univers est une illusion ; vivre est la même chose que rêver) et par son klaxon à cinq trompes qui joue La Cucaracha.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

C'est donc ça

 

Les gnostiques et les kabbalistes croient que l'univers est l'œuvre d'un dieu déficient, dont la fraction de divinité est proche de zéro. C'est ainsi qu'ils justifient l'existence du mal, et celle d'énergumènes aussi odieux que les garagistes de La Bourboule.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 11 février 2024

Libération par la tarte aux poireaux

 

Pour se libérer du monde des apparences et — tant qu'à faire — du samsara, le « négateur universel » Émile Cioran engloutissait d'énormes quantités de tarte aux poireaux. Il voyait bien que ça ne marchait pas, mais il continuait quand même, poussé, disait-il, par son « démon de la perversité ». Il en offrait parfois à Ionesco et à Beckett, mais eux non plus ne parvinrent jamais à se libérer du monde des apparences (ni, pour autant que l'on sache, du samsara).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Housse amovible du nirvana

 

Hermann Oldenberg observe que les bouddhistes conçoivent le nirvana comme un lieu où les êtres libérés se reposent, un genre de « canapé-lit métaphysique » comportant une « housse amovible ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Pas peu dire

 

Le réel est louche, très louche. S'il fallait trouver une comparaison, on pourrait dire qu'il est aussi louche que le suicide de de Grossouvre.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Des gars pompeux

 

Dans sa pièce Roméo et Juliette, le dramaturge William Shakespeare fait déclamer à son héros que sa chair est lasse du monde, qu'elle subit le joug des néfastes étoiles, et cætera. C'est terrible à dire, mais Shakespeare ne pouvait pas parler normalement. Même pour demander qu'on lui passe la rhubarbe ou le séné, il fallait qu'il soit pompeux. C'était aussi le cas de son contemporain Christopher Marlowe, qui ne s'exprimait qu'en pentamètres iambiques.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 10 février 2024

Un vocable au poil

 

Hospitalier et fidèle en son reflet, où à n'être qu'apparence s'accoutume la matérielle existence, tel est le vocable zingibéracé. Il projette une douce lumière, il éclaire sans aveugler. Il est comme un clair de lune dans la pénombre.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)