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mardi 31 juillet 2018

Différence de moyens


Comme Rascar Capac dans le cauchemar de Tintin, l'homme du nihil est un « mort vivant ».

Mais quand le prince inca lance de relativement inoffensives boules de cristal sur le vulgum pecus, l'homme du nihil, lui, se sert d'aphorismes hyperacides et contondants qu'il projette sur l'omnitude pour la concasser et en faire « la forme apologétique du suicide compulsif ».


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

lundi 30 juillet 2018

Un Népalais « ficelle »


Le jeu de ficelle est un jeu qui se joue avec une ficelle en boucle et dont le but est de créer toutes sortes de figures : des animaux, des maisons, etc.

Dans Tintin au Tibet, le chef de l'aérodrome de Katmandou, auquel Tintin et Haddock sont venus demander des informations avant de partir à la recherche de Tchang, joue au jeu de ficelle mais avec un élastique ! Comme on pouvait s'y attendre, l'élastique casse et lui cingle douloureusement le nez — qu'il a très proéminent —, ce qui déclenche l'hilarité du capitaine Haddock.

Avec le gitan Matéo des Bijoux de la Castafiore, ce personnage est l'un des plus odieux des Aventures de Tintin. Il incarne à la fois la bêtise satisfaite d'elle-même et l'enivrement administratif.


Courroucé par l'attitude de ce prétentieux imbécile, le capitaine Haddock envisage un moment de le faire conduire en place publique dans un tombereau, nus pieds, nue tête et en chemise, pour y être rompu vif et jeté subito presto dans un bûcher ardent. Mais il y renonce sur les instances de Tintin, pressé d'aller secourir son ami Tchang : « Nous n'avons pas de temps à perdre, Capitaine ! »

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

dimanche 29 juillet 2018

Un malotru


Les coolies népalais sont une véritable plaie pour le promeneur solitaire. Il y a d'abord celui, coiffé d'un genre de fez, à l'air passablement ahuri, qui met son balancier dans l'œil du capitaine Haddock. Mais surtout, il y a cet odieux personnage laid comme un ouaouaron, vêtu d'un slip kangourou beaucoup trop grand pour lui, et qui porte sur son dos un énorme ballot retenu par une courroie qui lui scie le front. Il percute de plein fouet le pauvre capitaine et l'« engueule comme du poisson pourri » tout en grimaçant comme un diantre.

Comme le « monstre bipède » est pénible, et comme Schopenhauer avait raison de nous mettre en garde comme l'imbuvable « autrui » !

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

samedi 28 juillet 2018

Météore conceptuel


Au début de l'Étoile mystérieuse, Tintin, qui vient d'observer la météorite à l'aide du télescope de l'Observatoire, dit au professeur Calys : « On dirait... On dirait une grosse boule de feu..... ». Calys le lui confirme : « C'est une boule de feu !... Une énorrrme boule de feu ! »

Et l'on pense ici à la mésaventure arrivée à l'ontologue wurtembourgeois Martin Heidegger. Grâce à ce dernier, l'orage qui éclata le 12 octobre 1925, entre midi et une heure, sur la ville de Marbourg, en Allemagne, est resté dans les annales de la philosophie.

L'« ami de la sagesse » se trouvait dans une chambre, assis, le dos tourné au foyer et tout près d'un cordon de sonnette, lorsque sa méditation fut interrompue par un violent coup de tonnerre : au même moment, il vit un concept apparaître devant lui ; il était du diamètre d'un œuf de caille (25 millimètres), et entouré de fumée noire ; il éclata comme un canon, et la chambre fut remplie de fumée et d'une odeur suffocante de soufre et de minéraux en fusion. Heidegger ne fut pas atteint par la décharge, mais légèrement égratigné par un fragment de carreau de vitre. Le météore conceptuel, auquel le philosophe donnera plus tard le nom d'être-jeté (die Geworfenheit), ne fut très probablement qu'une des divisions de la décharge totale qui atteignit le bâtiment.


Le 12 mars 1926, Heidegger présentera son nouveau concept à Husserl, à l'occasion d'une réception pour les soixante-sept ans de celui-ci, et le phénoménologue en restera « comme deux ronds de frite », d'après Karl Jaspers qui assistait à la scène.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

vendredi 27 juillet 2018

Un poissard


Le professeur Paul Cantonneau, de l'Université de Fribourg, aisément reconnaissable à sa moustache en accent circonflexe et à son binocle, est un être « poursuivi par le guignon ».

Dans l'Étoile mystérieuse, alors qu'il vient de monter à bord de l'Aurore, il est assommé par la valise de Tintin que Philippulus le Prophète a malignement laissé choir du haut du mât. C'est à cette occasion qu'il déclare — et l'on croirait entendre un « homme de la Nature et de la Vérité » venant d'être frappé par l'idée du Rien — « Je... j'ai reçu un coup terrible... comme un poids énorme qui m'est tombé sur la tête... ».

Dans les Sept Boules de cristal, il tombe dans un sommeil léthargique après qu'une boule de cristal lancée par l'indien Chiquito a atterri dans son bureau. — C'est ce qu'on appelle ne pas avoir de veine !

Dans sa Theologia Platonica, Marsile Ficin, ce représentant majeur du néoplatonisme médicéen, recommande expressément d'éviter la compagnie de tels « dévergeots ».


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Gomukhasana


Dans les Sept Boules de cristal, le capitaine Haddock reçoit sur le « cassis » une tête de vache en carton-pâte alors qu'avec Tintin il cherche la loge de Ramon Zarate alias le général Alcazar dans le dédale des coulisses du Music-Hall Palace.

Pourquoi cette tête de vache ? Très certainement parce que Hergé a toujours été très sensible à la place centrale qu'occupe la vache dans les croyances des Hindous — on le constatera d'ailleurs à nouveau dans Tintin au Tibet.

En Inde comme dans de nombreuses civilisations, la vache est le symbole vivant de la Terre nourricière : elle représente la fertilité et l'abondance. Au plan matériel, la vache est un animal paisible, source de grands bienfaits (lait, beurre, yaourt, faisselle, et cetera) ; au plan symbolique, elle est associée à la lumière ; au plan spirituel, à l'illumination intérieure. Le texte fondamental relatif à la pratique physique du yoga, le Hatha Yoga Pradipika, contient quinze asanas, dont Gomukhasana — littéralement, la tête de vache. Le Samhita Gheranda, un texte du XVII e siècle contenant trente-deux asanas, mentionne également Gomukhasana. La position de la « tête de vache » demande souplesse, force et patience. De par la position des bras et des jambes, en fermeture croisée, elle a un grand impact d'étirement sur les muscles latéraux externes des cuisses et des bras. B.K.S. Iyengar dit fort justement que la posture « rend les muscles des jambes élastiques ».

Comme le capitaine Haddock, nous devrions donc pratiquer Gomukhasana le plus souvent possible, et c'est bien là, semble-t-il, le message qu'a voulu nous transmettre Hergé.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

jeudi 26 juillet 2018

Un parallèle osé


Le chien de garde du docteur J.W. Müller dans l'Île Noire est un féroce dogue allemand arlequin. Quand Milou se fait voler son os par ce molosse, il pleure à chaudes larmes : « wouhou ! houhou ! hou ! » Son affliction nous rappelle celle du constipé dont la vie incertaine et chancelante paraît devoir finir à chaque instant et qui, incapable d'extraire de lui-même la « matière vivante du réveil » possède à peine la force nécessaire pour exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

mercredi 25 juillet 2018

Un « fada »


Ostéologue de la base secrète de Sbrodj, dans Objectif Lune, le docteur Rotule fait une première apparition au moment où les détectives Dupond et Dupont embarquent menottes aux poignets un squelette qui ornait son cabinet, en accusant cet osseux « gaillard » de « faire le mort ». Le docteur Rotule, pourtant d'un naturel débonnaire, semble alors profondément courroucé.

On le retrouve quand il opère Tintin après que ce dernier a reçu une balle dans l'épaule. Plus tard, il étudie en compagnie d'un collègue l'état mental du professeur Tournesol devenu amnésique à force de « faire le zouave », et s'il refuse de se prononcer, il juge son cas « intéressant, de toute façon ».

Enfin, il est chargé de réanimer les membres de l'expédition à leur retour sur terre, notamment le capitaine Haddock dont il décrit le pouls comme « très irrégulier et très faible, hélas !... » — là encore, le docteur Rotule apparaît complètement dépassé par les événements.

Dans les Bijoux de la Castafiore, il envoie un télégramme de félicitations au capitaine Haddock à la suite de l'annonce fallacieuse — et bien peu crédible ! — de son mariage avec le « rossignol milanais », parue dans Paris-Flash.

Dans les Aventures de Tintin, le docteur Rotule tient donc, on le voit, le rôle de « ravi de la crèche ». Il lève les bras au ciel en signe d'émerveillement devant tout ce qu'il ne comprend pas (amnésie de Tournesol, coma des astronautes, mariage factice de Haddock) comme fait le véritable ravi devant le mystère de la nativité. Sa joie est démonstrative et communicative, il prête à rire avec ses bras en l'air, sa barbe rousse et sa tête d'étonné.


Autrefois, on disait que chaque village avait son « idiot », son « fada » — qui signifie littéralement « possédé par les fées ». Assurément, le docteur Rotule est le « fada » du Centre de Recherches Atomiques de Sbrodj. Il n'apporte rien sauf sa joie, il ouvre son cœur, et nous montre le chemin du bonheur dans la simplicité. 

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

mardi 24 juillet 2018

Boursouflure


Le calystène, ce nouvel élément découvert par le professeur Calys dans l'Étoile mystérieuse, possède une propriété étrange : tout être vivant — sauf Tintin et Milou — grandit démesurément à son contact. Ainsi, l'araignée échappée de la boîte où Tintin conservait son en-cas devient-elle rapidement un monstre terrifiant de la taille d'un varan de Komodo.

Ce phénomène peut être rapproché de celui que les savants nomment hypertrophie du Moi, qui touche surtout les philosophes de profession. Philippe Hecquet, dans son ouvrage La médecine, la chirurgie, et la pharmacie des pauvres publié à Paris en 1749, indique un moyen simple de guérir les « amis de la sagesse » frappés de ce mal :

« S'il arrive que le Moi grandisse dans des proportions extravagantes, c'est une occasion à bien des philosophes de le couper, jusqu'à se faire de grandes douleurs. Mais un moyen plus facile, et qui réussit, c'est de ratisser doucement le Moi, et de faire dégoutter incontinent dessus du suif d'une chandelle allumée ; ensuite on l'enveloppe seulement d'un linge, qu'on assujettit avec un peu de fil. Il faut avoir un peu de patience ; et, après qu'on aura renouvelé ces applications de temps en temps, le Moi retrouvera sa taille normale. »


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

lundi 23 juillet 2018

Les révélations de la mort


Haddock, dans sa cellule du Temple du Soleil, un jour avant la date prévue de son exécution sur le bûcher, se tient la tête entre les mains, effondré : « C'est fini !... Plus rien à espérer !... Jamais je n'ai touché à ce point le fond du désespoir ! »

Que peut-on dire à un homme qui touche le fond du désespoir ? « Ce n'est rien, il suffit de prendre de l'aspirine, de se frictionner avec du vinaigre, d'appliquer un sinapisme, et ça passera » ? C'est ainsi que parle la sagesse populaire, mais Haddock n'a cure de ce genre de consolation. Et à l'instar de l'« homme du souterrain » cher à Dostoïevski, il refuse de s'incliner devant le « mur de brique » de la nécessité.

Voici ce que dit de l'expérience haddockienne le philosophe Léon Chestov dans une lettre à sa fille datée du 13 avril 1921 : « Auparavant le whisky, la pipe, les cartes et les jurons semblaient être à Haddock le summum de ce que l'on pouvait atteindre. Il n'apercevait ni le soleil, ni le ciel, il ne voyait rien dans la vie, bien qu'il eût tout devant les yeux. Et lorsque arriva la mort, il comprit subitement qu'il n'avait rien vu, comme si dans la vie rien n'existait en dehors du whisky, de la pipe, des cartes et des jurons. Tout ce qu'il avait pu voir de vrai, il l'avait vu durant son enfance, sa jeunesse, puis l'avait oublié, employant toutes ses forces uniquement à ne pas être lui-même, mais à être comme "tout le monde". Aussi la révélation de la mort n'est pas une négation de la vie, mais, au contraire, plutôt une affirmation — mais une affirmation d'autre chose que de cet habituel remue-ménage de souris par lequel se laissent prendre les hommes. »


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

dimanche 22 juillet 2018

« Je cherche un homme »


Dans l'album Tintin au Tibet, le sherpa Tharkey vitupère avec acerbité « l'esprit de troupeau » et « l'abrutissement volontaire de l'homme ». Il s'insurge en outre contre cette « société de morts vivants » dans laquelle un destin sarcastique l'a jeté, et tente de convertir Tintin à sa vision tragique de l'existence : « — Toi voir quelqu'un vivant ici, Sahib ? — Ici, non... ».

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

vendredi 20 juillet 2018

Dualité du Dasein


Dans le Secret de la Licorne, Hergé aborde discrètement le thème du Doppelgänger déjà traité, entre autres, par Edgar Poe, Stevenson et Dostoïevski. Le brocanteur auquel Tintin veut acheter la maquette de la Licorne — « Combien? — Cinquante francs. C'est une pièce unique. C'est une... chose... euh... une espèce de caramelle de l'ancien temps. » — est en effet le double d'Isidore Boullu, l'infernal marbrier des Bijoux de la Castafiore !

Il semble bien qu'ici, le thème du double serve à mettre en lumière l'angoisse du sujet — le marbrier Boullu — devant sa non-réalité et sa non-existence, plutôt que sa crainte de la mort comme le soutenait incongrûment le psychanalyste Otto Rank (qui n'avait d'ailleurs pas pu lire le Secret de la Licorne, ayant « cassé sa pipe » trois ans avant sa parution).


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

jeudi 19 juillet 2018

Un maître de l'ironie


Fatigué des agressions sonores dont le monstre bipède — le fameux « autrui » —, se rend continuellement coupable à son endroit, le professeur Tournesol a trouvé la parade : il « fait le sourd ». Son rêve, qu'il partage avec l'homme du nihil, est qu'on le laisse tranquille une bonne fois pour toutes. Authentique pince-sans-rire, il multiplie les sorties incongrues sans montrer le moindre signe d'exhilaration. Mais le faux malentendant est aussi un vrai maître de l'ironie : il emprunte « en loucedé » nombre de ses répliques à d'autres sourds illustres, comme le théoricien du nationalisme intégral Charles Maurras : « Non, merci... Jamais entre les repas... » — ou encore le compositeur Ludwig van Beethoven : « Oh ! moi, vous savez, la politique... »

Le comble du grinçant est atteint quand Haddock, le voyant porter une valise, lui demande : « Eh bien, Tryphon, vous partez en voyage ? », et que Tournesol lui répond : « Non, non, car je pars en voyage ».

Après un tel chef-d'œuvre, on aimerait dire au professeur, comme le prince Potemkine fit à Denis Fonvizine après la première de sa pièce Le Mineur : « Maintenant tu peux crever, Denis, tu ne feras jamais rien de mieux ! »


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

mercredi 18 juillet 2018

Un destin tragique


Igor Wagner, le pianiste de la Castafiore, accompagne la cantatrice dans tous ses déplacements. Les pénibles gammes qu'il inflige aux habitants de Moulinsart dans Les Bijoux de la Castafiore en font l'archétype du gêneur — le fameux « autrui » du philosophe Levinas — et donnent au capitaine Haddock une puissante envie de l'assommer.

Comble de dépravation, il joue aux courses et use d'un subterfuge — un magnétophone sur lequel il a enregistré ses obsédantes gammes — pour aller téléphoner ses pronostics durant ses heures de travail : « Je répète : Sarah... Oriane... Sémiramis... ».

Sa passion pour les « bourrineaux » lui sera fatale : il finira complètement ruiné, sans domicile, et sera obligé de fréquenter des bouillons à prix fixe pour sustenter sa misérable carcasse jusqu'à ce que la mort, qui le guettait depuis longtemps au centre des marais Pontins, vienne fermer cette carrière de souffrances.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Sur la scène du Music-Hall Palace


La relation qui unit le mage Ragdalam et la femme qui lui sert de comparse, Madame Yamilah, n'est pas sans évoquer le rapport équivoque qu'entretient l'étant existant — le fameux « Dasein », des existentialistes — avec son Moi.

Le Moi a d'ailleurs plusieurs traits en commun avec la voyante des Sept boules de cristal : il dégage une aura inquiétante et l'exotisme oriental qui entoure chacune de ses apparitions ne fait que souligner sa foncière étrangeté.

Mais le Moi est aussi une créature terrifiante car il révèle au Dasein une terrible malédiction : non celle du dieu Soleil comme fait Madame Yamilah, mais celle de
l'haeccéité qui le condamne à n'être qu'une chose particulière.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

mardi 17 juillet 2018

Référence énigmatique


Paris, 18 juin 1935. L'écrivain ex-dadaïste René Crevel ouvre le robinet du gaz après avoir griffonné sur un papier « Nous sommes perdus, mon vieux Milou ! ».

Se voyait-il, comme Tintin dans les Cigares du pharaon, sur le point d'être englouti par une énorme vague alors qu'il dérivait sur l'« océan déchaîné de la vie » ? Se suicida-t-il, comme le prétendit ensuite son ami Klaus Mann, « parce qu'il avait peur de la démence » ou encore « parce qu'il tenait le monde pour dément » ? Son geste fatal est-il lié à la violente altercation qu'il avait eue quelques heures auparavant avec l'exécrable Ilya Ehrenbourg à propos de l'organisation du Congrès international des écrivains pour la défense de la culture ?

Le mystère reste entier et toutes les hypothèses sont permises, y compris celle qui voit dans ce suicide un assassinat déguisé, commis par un lecteur ulcéré du « jeu de massacre surréaliste » auquel se livrait l'excentrique prosateur.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

lundi 16 juillet 2018

Verve dialectique de Filoselle


Lorsque, dans le Secret de la Licorne, les détectives Dupond et Dupont l'accusent dogmatiquement de vol de portefeuille, le pyrrhonien Filoselle leur réplique avec véhémence : « Un voleur !!! Aristide Filoselle, fonctionnaire retraité : un voleur !!! C'est une méprise, messieurs ! Une épouvantable méprise ! »

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

dimanche 15 juillet 2018

Mystérieux symbolisme du Migou


D'innombrables chercheurs ont tenté de percer l'énigme du yéti qui illumine de son hirsute présence l'histoire de Tintin au Tibet.

De quoi cet animal étrange peut-il bien être le symbole ? Certains (comme Roger Caillois) y ont vu le diable ; d'autres (par exemple Julien Gracq) la réincarnation de la créature que l'on entraperçoit à la fin des Aventures d'Arthur Gordon Pym — mais il faudrait alors admettre qu'elle a changé de couleur puisque Poe nous dit que « the hue of the skin of the figure was of the perfect whiteness of the snow ».


Selon Gragerfis, le yéti serait tout simplement « le symbole de l'individu différent, solitaire, mal compris, auquel une trop abondante pilosité est source de problèmes de communication ».

Quoi qu'il en soit, les multiples interprétations auxquelles se prête le Migou confirment l'intuition décisive de l'homme du nihil, à savoir que « tout est une question de point de vue » et que « la connaissance est un terrain mou, marécageux, et plein de roseaux ».

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

samedi 14 juillet 2018

Le ouiskiki


Dans le Crabe aux pinces d'or, Tintin, pour s'échapper de la cabine où il a été enfermé par le lieutenant félon du Karaboudjan, fabrique un instrument formé de deux planches liées par une corde. Il projette son engin à travers le hublot de la cabine située juste au-dessus. C'est celle du capitaine Haddock qui reçoit les planchettes sur le « cassis », alors qu'il était occupé à faire une réussite en buvant comme un trou pour noyer son désespoir existentiel.

Le capitaine, effaré, se tourne en tous sens pour voir qui l'a frappé, mais il n'y a personne et il est trop saoul pour remarquer les planches qui pendent du hublot. Il bredouille alors : « ... c'est peut-être le whisky qui... »

Le « whisky qui » ! Merveilleuse trouvaille, sublime invention langagière qui, pour un bref instant, permet au lecteur, cet « être des confins » (Gragerfis), d'oublier qu'il est toujours et avant tout un « être-pour-la-mort » 1.


1. Le Dasein, on le sait, est temporalité finie et la mort constitue la limite toujours imminente, constamment présente dans tout projet de l'être-au-monde, jusques et y compris celui de lire les Aventures de Tintin.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Le poison qui rend fou


Dans Le Lotus bleu, de nombreux amis de Tintin sont frappés d'une fléchette empoisonnée, et deviennent fous dans les secondes qui suivent.

Dans son recueil Perspective et personnages, le critique Edmond Jaloux établit un parallèle osé entre l'idée du Rien et le fameux radjaïdjah, ce « poison qui rend fou » employé par les séides du diabolique Japonais Mitsuhirato. Mais sans nous dire pourquoi le nihilique mérite à son estime l'appellation d'« agrume désaxé des champs agricoles ».


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)