mardi 3 mai 2022

Vie impossible

 

À ceux qui ont le sentiment — hautement « malaisant » — qu'ils vont clamecer sans même avoir vécu, Gragerfis recommande de lire du Fernando Pessoa ou du Luc Pulflop « histoire de se sentir moins seuls ». Il dit aussi qu'il ne faut pas se tracasser, car quoi qu'on ait fait de sa vie, on meurt toujours sans avoir vécu.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 2 mai 2022

Hécatombe

 

En 1910, le philosophe Henri Bergson s'aperçoit qu'il ne peut pas en même temps se curer les doigts de pied — à Poughkeepsie ou ailleurs — et jouer au billard avec Edmond Husserl. Il définit alors l'action « une hécatombe de possibles ». Mais en réalité, c'est l'être qu'il aurait dû dire. Car on extermine aussi une infinité de possibles en restant allongé dans son lit ou assis sur une chaise de jardin. Qu'on agisse ou non, on n'y coupe pas. Cela est-il vrai ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Hommage à Ferdine

 

Le « monstre bipède », là, c'était pas à croire... Lili, moi, Bébert, La Vigue... Tout le monde aux astibloches !... sautez ! rigodon !...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Éloge du félidé

 

Le chat est tout ce que l'homme n'est pas : digne en toute circonstance ; indomptable ; et il se colle au prose la propagande du gouvernement.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Maudites commissions

 

La vie serait à peu près supportable si l'on n'était pas obligé d'aller faire les commissions de temps en temps (la petite, la grosse et celles pour la bouffetance). On n'aurait plus besoin de sortir de son lit et on pourrait dormir... dormir...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Centres d'intérêt

 

Les gens qui ont des « centres d'intérêt » sont insupportables. Ils veulent vous obliger à partager leurs marottes alors que l'on dépense déjà toute son énergie à résister à la « réalité empirique » qui cherche par tous les moyens à vous rendre maboule. Aux chiottes, les « centres d'intérêt » ! Du balai !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 1 mai 2022

Personne n'est parfait

 

L'homme du nihil est imbattable en fait de dégoût, mais il ne connaît pas tous les insectes.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Une obsession prenante

 

La haine de l'existence peut à elle seule occuper et combler toute une vie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Assuétude au spleen

 

En 2007, des chercheurs de l'Université de Bordeaux ont montré que la mélancolie possède un pouvoir d'addiction plus élevé que la cocaïne. Dans leurs expériences, des rats avaient le choix entre les œuvres complètes de Leopardi et des doses croissantes de cocaïne. Sur cent rats testés, quatre-vingt-quatorze ont choisi de dévorer les écrits du bossu de Recanati (que certains voient comme un précurseur de l'existentialisme) plutôt que de se « bourrer le pif » pour voir « la vie en beau ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Objectification du nihilique

 

« L'enfer, c'est les autres », a dit le pénible Jean-Paul Sartre. Et de fait, l'infernal croque-mitaine lévinassien — le fameux « autrui » —, par sa manie scrutatrice, transforme l'homme du nihil en une chose, en un vulgaire « objet dans le monde » ! Le salop !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Sirop cérébelleux

 

La vengeance a ceci de commun avec le suicide que c'est l'idée qui en est douce plus que le fait lui-même. — Malgré tout : tremble, bourrelle !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Glaïeuls

 

Toutes les questions importantes (sur le sens de la vie, l'immortalité de l'âme, la temporalité du temps, etc.) sont évidemment des questions sans réponse. Mais les « celles et ceux » qui ne se les posent pas sont des gougnafiers et mériteraient bien d'être traités de « glaïeuls ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

À la dixième puissance

 

Tout être humain est, par sa simple présence, une source permanente de soucis et d'inquiétudes. Comme disait Goethe, chaque individu est, pour la personne auprès de laquelle il vit assez longtemps, un démon (ein Dämon) ou pis encore, un « mange-merde » (ein Scheißefresser). Et quand l'individu en question appartient au « beau sexe », alors là...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 30 avril 2022

Syllogisme de l'amertume

 

Il est notoire que tout ce qui grouille provoque le dégoût ; or la vie est pratiquement synonyme de grouillement (le cytoplasme, les mitochondries, les colonies de souriceaux) ; il est donc logique que la vie, en tout lieu et à toute heure, suscite une intense envie de vomir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un « monde de ouf »

 

S'il est vrai, comme le prétend Gragerfis, que pour construire sa coquille, une huître doit faire passer dans son corps environ cinquante mille fois son poids d'eau de mer, alors il est évident qu'il n'y a rien à attendre d'un tel monde, qu'il ne reste plus qu'à se pendre.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un art difficile

 

Il faut beaucoup de doigté et d'humilité pour être malade correctement. Des qualités dont est dépourvu l'homme du nihil, hélas — qui doit donc se résigner à être malade incorrectement.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Fessons les artistes

 

Il est sacrilège de se manifester puisque c'est, dans tous les cas, une forme d'impudence à l'égard du pachynihil. Mais ceux — par exemple les « artistes » — qui se manifestent afin d'attirer l'attention de l'« autrui » du philosophe Levinas... ceux-là sont vraiment pitoyables et mériteraient d'être fessés.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Weltanschauung

 

Le véritable nihilique n'agit jamais en fonction d'une « vision du monde ». Il sait trop d'où procèdent les « visions du monde » : des niveaux d'iode, de fer, de cuivre, de zinc, de sélénium, de chrome et de molybdène dans l'organisme. S'il doit absolument agir — mais il s'en dispense autant que possible —, son seul guide est l'ironie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Indécence

 

L'homme du nihil trouve qu'il est obscène de s'adonner à la lecture en public. Selon lui, quelqu'un qui se montre lisant est presque aussi impudique que quelqu'un qui s'affiche mangeant.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Morbidité philosophique

 

De nombreux indices — qu'il serait fastidieux d'énumérer ici — montrent que la « production de concept » n'est rien autre chose qu'une maladie de l'esprit. Wittgenstein semblait d'ailleurs penser de même. Il ne le dit pas de façon aussi explicite, mais on sent bien qu'il ne faudrait pas le pousser beaucoup.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 29 avril 2022

Hommage à Bébert

 

Dans la littérature comme dans la vie, on trouve peu de caractères à la fois aussi nihiliques et aussi sympathiques que le « greffe » Bébert de Louis-Ferdinand Céline. Honneur à ce vaillant champion du pachynihil ! Honneur au chat Bébert !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Dévaluation générale

 

Si l'on considère à cinquante-six ans les choses — les « œuvres » — que l'on admirait à vingt ans, on s'aperçoit qu'il y en a bien peu qui ont tenu le coup. L'immense majorité : kitsch, kitsch et bluff. Même Pascal a un côté kitsch avec son « gouffre » qu'il promène partout avec lui. Quant à ce couillon de Descartes, qui trouvait si piquant de vivre dans un poêle, n'en parlons pas (mais lui, on ne l'a jamais admiré, il y a quand même des limites à l'ingénuité).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Analyse comparative

 

Un inconvénient du revolver Smith & Wesson chambré pour le. 44 russe — comparé par exemple au taupicide — est qu'il interdit toute forme de cabotinage macabre. L'opérateur n'a pas le temps d'articuler « Mort, où est ta victoire ? » qu'il est déjà, comme on dit, « décédé ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Grands précurseurs

 

« Stupeur à la lecture de textes du bouddhisme tibétain. Le Pandchan-Remboutchi dit — et cela est également attesté par le Guison-Tamba et le Talé-Lama — que le monde existe mais n'est pas réel. — Et moi qui pensais m'en être avisé le premier ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Le salut par le gaz

 

Il y a quelque chose de rédempteur dans le fait de « larguer une caisse ». — Le vent, cet agent métaphysique.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 28 avril 2022

Socrate au garage Rochard

 

« Connais-toi toi-même ou ça va mal se mettre, ça va bombarder mais dur ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lustral

 

C'est à bon droit que l'on peut dire de l'homicide de soi-même : Ecce qui tollit peccata monstri bipedalis — voilà celui qui efface les péchés du monstre bipède. Car le premier péché n'est-il pas celui d'exister ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vin nu

 

Exception faite de la mort, la seule chose à laquelle il est impossible d'échapper en ce bas monde est la bêtise. Tout est bête, tout est ridiculement grotesque, à commencer par le « vin nu » et jusqu'à — pourquoi ne pas le dire — l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Trêve impossible

 

« Georges Poulet me somme de me calmer, de renoncer à dire du mal de la réalité empirique “ou ça va barder”. Mais je crois que je vais quand même continuer. Je suis en conflit avec le Grand Tout et il ne m'est pas donné de reculer. Et puis, autant l'avouer, c'est plus fort que moi. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)