vendredi 16 décembre 2022

Un geignard

 

Si l'on était sensé, on devrait, par des actions de grâce et des hosannas, célébrer chaque instant où l'on ne souffre pas. Mais sensé, le nihilique ne l'est guère. Au lieu de célébrer, il geint. C'est plus fort que lui. Il faut dire aussi qu'il a toujours un « pet de travers » : l'existence, tout ça...
 
(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

jeudi 15 décembre 2022

Canards

 

Jouer de la flûte sur sa propre colonne vertébrale est un tour de force que le poëte Vladimir Maïakovski se vantait de pouvoir réaliser, mais auquel il dut renoncer à cause d'une dépression aiguë qui lui faisait faire des « canards » (dégoûté de tout, il soufflait au hasard, sans faire la moindre attention à la mesure ni à la mélodie).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Big sooprize

 

De toutes les choses qui arrivent à l'homme, la plus inattendue n'est pas la vieillesse, comme le croyait Trotski, mais une tête de chien couché.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Bouffetance

 

Depuis qu'il a lu chez Walter Benjamin que « prendre ses repas seul tend à rendre un homme froid et dur », le nihilique ne mange pratiquement plus que des nouilles et de la purée. Par peur !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Fin du barouf

 

Devant le cadavre de son père exposé dans son cercueil, l'écrivain Ernst Jünger se demande ce que signifie le silence inouï qui plane sur les morts. Et il est de fait que le monstre bipède, une fois « décédé », cesse de faire du barouf. Il devient aussi silencieux qu'un lave-vaisselle encastrable. Mieux vaut tard que jamais !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mercredi 14 décembre 2022

Confirmation

 

Le héros de Crime et châtiment, Rodion Romanovitch Raskolnikov, considérait ses semblables comme de la vermine. Aussi, quand il rencontra Grégoire Samsa sur le rayonnage d'une bibliothèque, murmura-t-il pour soi-même : « Je le savais. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Aigreur


Quand on est aigri, on fait un peu pitié, on passe pour un personnage comique, mais ce n'est pas grave : ça vous rend encore plus aigri or on ne l'est jamais assez (c'est comme la solitude).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

L'idée de temps chez Bergson

 

Dans son cours au Collège de France, Bergson, partant du principe que partout où il y a survivance du passé dans le présent, il y a mémoire et donc conscience, fait l'hypothèse que toute vie est une forme de conscience (pp. 55-56). Puis, il envisage que la matière inerte est douée elle aussi d'une conscience minimale créant une sorte de passerelle entre deux moments de la durée. C'est cette conjecture audacieuse qui fit qu'à l'époque certains de ses collègues — dont Husserl — le soupçonnèrent de « fumer de la weed ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Grands moyens

 

S'il n'y a pas d'autre solution, abolissons le langage et l'on sera débarrassé des littérateurs.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

mardi 13 décembre 2022

Mourir à Bouvines

 

Il n'est pas trop tard pour mourir à Bouvines. On y meurt encore. Il suffit de se trouver au bon endroit au bon moment.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Quête spirituelle

 

Les personnes poursuivant une « quête spirituelle » sont immensément comiques. Imagine-t-on une fourmi, fût-elle longue de dix-huit mètres et portât-elle un chapeau sur la tête, poursuivre une « quête spirituelle » ? Non. Alors ?

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sicile

 

« Bientôt, tu n'existeras plus. Comme Socrate, tu es mortel. » Au moment précis où, pour la première fois, je prenais conscience de ce fait, un lourd morceau de plâtre tomba de mon « conscient intérieur », y laissant un trou aux contours de la Sicile. (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Chanter la vie

 

Considérant tout à fait possible qu'il meure demain — un accident est si vite arrivé — et convaincu de longue date que rien n'a d'importance, le nihilique décida de suivre le conseil de Michel Fugain et de « chanter la vie chante » — avant de se raviser (il « ne le sentait pas »).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

lundi 12 décembre 2022

Synesthésie

 

Quand le mnémoniste russe Solomon Cherechevski était confronté au nombre quatre-vingt-sept, une image se présentait immédiatement à son esprit : celle d'une grosse femme accompagnée d'un homme tortillant sa moustache. Cela n'empêcha pas le mnémoniste d'atteindre l'âge respectable de soixante-douze ans. Soixante-douze : un homme tortillant sa moustache accompagné d'une femme de haute spiritualité.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Kafka au bistrot

 

« Exprimons le désespoir de l'homme devant l'absurdité de l'existence, et puis allons boire un bon coup au Calice (chez le petit père Palivec) pour oublier tout ça. » (Franz Kafka, Lettre à Max Brod)

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Philosophes de petite taille

 

Pourquoi s'obstiner à déblatérer sur l'être et le néant, alors que Gorgias a déja tout dit ? Dans son traité Sur le non-étant, il démontre avec une rigueur implacable que : premièrement, rien n'existe ; deuxièmement, même s'il existe quelque chose, l'homme ne peut l'appréhender ; troisièmement, même si on pouvait l'appréhender, on ne pourrait ni le formuler ni l'expliquer aux autres. On lit ça, et d'un coup, Heidegger, Sartre, Wittgenstein, apparaissent pour ce qu'ils sont : des « petits nains » — et verbeux avec ça.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Sensibilité post-mortem

 

Parménide dit que les cadavres sont encore sensibles au froid, au silence et à l'obscurité. Pour le silence et l'obscurité, il ne propose rien, mais pour le froid, il recommande de les vêtir d'un slip en laine avant de les inhumer (et c'est ce que firent les Athéniens pour le stratège Cimon, au dire de Stésimbrote de Thasos).

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

dimanche 11 décembre 2022

Andréa c'est toi

 

L'homme est si peu fait pour la solitude qu'il ne recule devant aucune humiliation pour y échapper. Il se tourne vers la première créature venue et, reprenant l'exclamation pathétique du chanteur Boby Lapointe, lui lance : « Dis, à m'aimer, consens, va ! »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Vertu mal récompensée

 

Comme Hippolyte, le nihilique a poussé la vertu jusqu'à la rudesse. Ses chagrins — provoqués par une mégère difforme au faciès d'hippopotame — l'ont accablé avec une inflexible rigueur. Mais ils ne l'ont pas corrompu, oh non ! S'il ne craignait l'emphase, il pourrait dire que le jour n'est pas plus pur que le fond de son cœur. Et qu'est-ce que ça lui a rapporté ? Peau de révérence parler zob. Un matin, au sortir d'un rêve agité, il s'est découvert frappé d'alopécie, voilà ce que ça lui a rapporté !

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Rue du panaris

 

Plutôt que de donner aux rues des noms de « grands hommes », on devrait peut-être leur donner des noms de maladies, histoire de rappeler au monstre bipède ce qui l'attend s'il ne file pas doux. Les « grands hommes » n'en auraient cure (ils n'en feraient pas une maladie) vu qu'ils sont comme cela s'appelle « décédés ».

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Échappée belle

 

Lorsque toute chose vous est en horreur, vous ouvrez un pot de pâte à tartiner bio de chez Andeuzala, vous pénétrez dans un monde plein de noisettes, et en moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges, vous vous retrouvez à danser avec Pikadé-hey.

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

Aux frontières du possible

 

Un nez qui disparaît et qui réapparaît sous la forme d'un conseiller d'État, c'est déjà assez extraordinaire. Mais atteindre l'âge de quatre-vingt-quatre ans quand le réel vous donne de l'asthme pratiquement depuis votre naissance, qu'un Lucien Goldmann vous a ruiné de réputation et qu'une Simone Boué vous tourmente depuis cinquante-trois ans avec sa tarte aux poireaux... « On a beau dire, de semblables faits se produisent dans le monde ; — rarement, mais il s'en produit. »

(Samuel Slippensohn, Follicules palingénésiques)

samedi 10 décembre 2022

Un début prometteur

 

« Un matin, au sortir d'un rêve agité, Grégoire Samsa s'éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une cuirasse, et, en levant un peu la tête, il s'aperçut qu'il avait un ventre brun en forme de voûte divisé par des nervures arquées. » (Pierre Ménard, L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Paris, Les Belles Lettres, 1932)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fable neuropsychologique

 

« Ce trésor sera à toi, à la seule condition que tu ne penses pas à un gloméruleux pélican, ni même aux mots gloméruleux pélican, pendant que tu le déterreras. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Déchiffrement des mollusques

 

Il y en a qui pensent que les fleurs, les pierres, les animaux, sont les éléments de ce qu'on pourrait appeler un langage secret, et que si l'on arrive à déchiffrer ce langage, on aura tout compris — et en particulier ce qu'on fait là. Après tout, pourquoi pas, mais ça n'a pas l'air commode à déchiffrer (surtout les mollusques).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Possibilité et limites du savoir

 

Est-il possible de savoir quelque chose, et si oui quoi ? On peut (avec beaucoup de chance) savoir ce qu'est un xéranthème ; on peut connaître le sens de l'adjectif xénotropique ; mais qui pourra dire ce qu'est un xéranthème xénotropique ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un « baron de la crasse »

 

Chez l'animal — même chez le « couchon » —, rien n'est sale. Chez l'homme, tout l'est.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 9 décembre 2022

Refus du nihilique de chanter sa soif irisée

 

« Chante ta soif irisée », ordonne René Char. « Et si je n'en ai pas envie ? répond le nihilique. C'est quand même formidable, ça ! C'est plus fort que de jouer au bouchon ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Distraction proustienne

 

Marcel Proust était si distrait qu'il lui arrivait souvent de traverser quand le petit bonhomme était rouge. Un jour, alors qu'il se rendait chez la comtesse Greffulhe... (interrompu)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)