Nocivité de Marceau

 

Comment devient-on pessimiste ? Il est difficile de donner une réponse générale, mais le pessimiste est souvent un individu dont le mime Marceau a gâché l'enfance avec ses insupportables spectacles de mime. Quand on a subi tout jeune des pantomimes du mime Marceau, comment ne pas s'attendre au pire dans l'existence ? C'est encore plus épouvantable que de lire du Schopenhauer.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

La possibilité de Cluj

 

La ville de Cluj, en Transylvanie, possède une université, une vie nocturne animée, une statue du roi Matthias I^er de Hongrie, tout ce que peut souhaiter l'homme même le plus atrabilaire. Il faudrait peut-être voir à s'y installer ? Ça se prononce Clouille, paraît-il.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Stoïcisme à coup de rasoir

 

Épictète voulait couper le nez et les oreilles à tous les ceusses qui refusaient de reconnaître le principe de contradiction. Soi-disant pour leur apprendre à vivre. Tu parles d'un salop, ce « stoïcien » !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Amor fati

 

Quand, dans son Gai savoir, Nietzsche prêche l'amor fati, on pourrait croire qu'il vient de gagner au loto. Hélas ! En réalité, ce que le destin lui a octroyé, ce n'est pas une grosse somme d'argent mais une encéphalomyopathie mitochondriale acidose lactique pseudo-épisodes vasculaires cérébraux. N'empêche, dans le destin, il trouve qu'il y a du rythme, il y a de la vitalité, c'est ça qu'il adore. Il aime bien Djadja, il aime bien Doudou, il aime bien Hypé, il aime bien tout, en fait.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Syllogismes de la mer Rouge, by Lucien Ganne

“Syllogismes de la mer Rouge is a groundbreaking achievement, impeccably researched and brilliantly argued. Lucien Ganne's work is accessible but also comprehensive, really turning the topic on its head and taking an unflinching look at the concept of biberon Robert. This is an ambitious and timely piece that absolutely cannot be ignored.”

 

(The Paris Review)

Un failli du concept

 

À la fin de sa vie, Emmanuel Kant était tout à fait ruiné comme penseur. Mal conseillé, il avait fait une série de mauvais placements philosophiques. L'impératif catégorique, d'abord, s'était révélé un fiasco ; les jugements synthétiques a priori, ensuite, n'avaient rien rapporté ; et quant à la chose en soi, elle avait achevé de le lessiver. On ne l'y reprendrait plus, à critiquer la raison pure !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Barrès prend les vignettes

Maurice Barrès découpait dans les journaux tout ce qui avait trait au Moi. Il lui vouait un véritable culte. Cela agaçait la poétesse Anna de Noailles.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Hypermnésie

 

L'écrivain Georges Perec dit La Patate avait le don de se souvenir que Michel Butor était né à Mons-en-Barœul. Quand l'occasion se présentait, il faisait usage de ce don pour divertir ses amis.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Cauchemar récurrent

 

« Sans cesse l’image d’un large couteau de charcutier qui, me prenant de côté, entre promptement en moi avec une régularité mécanique », écrit le général Hossein Salami dans son Journal (huitième carnet).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Deux bons vivants

 

Si le peintre Francis Bacon avait rencontré le général iranien Hossein Salami, les deux compères s'en seraient sûrement payé une bonne tranche (étant tout deux d'un caractère jovial et facile).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

En radeau avec le spirituel Butor

 

Si l'on ne veut pas s'ennuyer en descendant l'Orénoque, il faut le descendre en compagnie du spirituel Butor.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gens de lettres, inutiles et incertains

 

Les écrivains... Pour promouvoir leur Moi, ils sont très forts, mais ils seraient bien en peine de vous expliquer comment fixer un tasseau à l'intérieur d'un coffrage en béton (étant entendu que ledit tasseau est destiné à se transformer en feuillure dans l'ouvrage coffré). On finit par prendre en haine ces phraseurs.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Fatidique Vologne

 

Ce nom de Vologne, comme il nous a courroucé... Que de fois avons-nous souhaité que l'assassin eût trouvé une rivière au nom moins ridicule où commettre son forfait... Et ce nom de Lépanges... On eût dit que tout avait été calculé pour nous irriter. Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Syllogismes de la mer Rouge, by Lucien Ganne

 

“Achingly beautiful! Coruscating! Wickedly funny! Ganne's Syllogismes de la mer Rouge holds the reader's attention in an iron grip. It will appeal to the serious scholar and general reader alike. A stunning debut!”

 

(The Montcuq Review of Books)

Radical quinquet

 

Le scepticisme humien promet de nous faire voir la vie en beau, d'être le radical quinquet à la lumière duquel on pourra observer le monde, la mer, les forêts, sans oublier les roses que l'hiver prépare en secret, mais va te faire fiche : on ne voit que dalle.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Côtelette

 

Une personne dotée d'un sens aigu du ridicule ne prononcera pour rien au monde le mot côtelette.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Relent

 

Que David hume-t-il ? C'est l'odeur de brûlé résultant de la combustion du principe de causalité que David hume !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Vie non vaine

 

Y a-t-il une seule personne dont on puisse dire qu'elle n'a pas vécu sa vie en vain ? Si le Grand Babu nous demandait d'en nommer une, nous serions bien embarrassé. Peut-être le poëte Paul-Jean Toulet ? Après tout, il a écrit des « contrerimes », et ce n'est pas rien... Mais même lui, c'est douteux.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Amical chinon

 

La suffisance n'est pas l'apanage des artistes et des littérateurs, elle touche aussi le pinard. La fatuité de certains vins !... Mais heureusement, il y en a d'humbles. À celle d'un prétentieux pouilly-fuissé, nous préférons la compagnie d'un modeste muscadet ou d'un amical chinon.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Écoresponsabilité et homicide de soi-même

 

L'homicide de soi-même peut s'avérer franchement catastrophique en termes de « bilan carbone ». Deux exemples entre mille : le dessinateur Chaval (suicide au gaz) ; le poëte ex-dadaïste René Crevel (idem). On peut pourtant se tuer en étant respectueux de la planète, sacré nom d'un petit bonhomme !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un peu d'air frais

 

L'esprit humain est ainsi fait qu'au bout d'un assez court moment, il se fatigue de Bataille et de Blanchot — pour ne rien dire de Brice Parain ou de Gaëtan Picon. Il aspire à revenir à Enyd Blyton. Oui-Oui ; Potiron ; le gendarme ; Monsieur Culbuto... Dans l'univers blytonien, il n'est plus question de transcender l'œuvre de Hegel par celle de Mallarmé, ni d'explorer les liens entre silence et littérature. On respire !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Hippisme transcendantal

 

Dans sa Critique de la raison pure, en introduisant la notion de « chose en soi », Emmanuel Kant prend un virage conceptuel tellement serré qu'on croit qu'il va toucher la lice de sécurité, mais il l'évite avec maestria. Dans ses Fondements de la métaphysique des mœurs, il attend à l'arrière-garde puis, alors que l'on imagine ses chances réduites à néant, il lance le sprint et effectue une remontée spectaculaire. Dans sa Critique de la faculté de juger, il produit son effort dans la dernière ligne droite et surprend aux abords du poteau le pur-sang japonais Orfèvre monté par le Hollandais Spinoza, casaque rouge, toque bleu foncé. Emmanuel Kant est le Lester Piggott de la philosophie.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Syllogismes de la mer Rouge, by Lucien Ganne

 

“A rollicking good time! Lucien Ganne is known for his razor-sharp wit, and Syllogismes de la mer Rouge is no exception. Hilarious and thought-provoking, this book had me laughing out loud from beginning to end. An absolute delight, compulsively readable. I can't wait to see what Lucien Ganne does next.”

 

(The Alaska Quarterly Review)

Un poids lourd des lettres italiennes

 

L'écrivain Ferdinando Camion avait parfois du mal dans les côtes. Son médecin suspectait un genre de névralgie intercostale. Ça ne l'empêcha pas de remporter le prix Strega en 1978.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tentative de calembour (d'un lieu parisien)

 

Le décanat est la dignité ou la fonction de doyen. Si l'écrivain Claudio Magris avait été doyen, on aurait pu parler du décanat de Magris, mais il ne l'a pas été, pour autant que nous sachions.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Quand dire tue

 

La plupart des gens « croivent » qu'une affirmation ne peut que décrire un état de fait, et donc être vraie ou fausse. Mais point du tout. Le philosophe John Langshaw Austin a montré qu'il existait aussi des affirmations « performatives ». Un énoncé est performatif lorsqu'il ne se borne pas à décrire un fait mais qu'il « fait » lui-même quelque chose. Un exemple typique d'expression performative est la phrase « Je vous déclare mari et femme » que prononce le maire lors d'un mariage. La phrase fait changer les tourtereaux de statut : ils passent de l'état de fiancés à celui de... on ne sait pas trop quoi mais ce n'est pas jojo. Ils ne vont pas tarder à se torturer mutuellement, vous allez voir.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Habermas

 

« C'est par le commissaire de police de la rue Bobillot, à qui mon père faisait des chaussures sur mesure, que nous avons appris, un après-midi, que le philosophe Habermas tentait de dépasser le monologisme éthique par une compréhension dialogique de la morale, en s'appuyant sur les acquis de la pragmatique formelle et la théorie des énoncés performatifs d'Austin. Mon père a aussitôt couru prévenir les Beck, mais soit qu'ils n'y croyaient pas réellement, soit qu'ils s'en branlaient d'Habermas, ils restèrent chez eux. » (Robert Bober, Berg et Beck)

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

 

Ridiculité bipédique

 

Même si on supprimait le corps, le monstre bipède arriverait encore à se ridiculiser. Nous ne savons pas comment il s'y prendrait, mais il y arriverait. C'est une vraie anguille, le gars.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Langueur monotone de l'être

 

Il n'y a pas que les violons de l'automne qui blessent notre cœur d'une langueur monotone, il y a aussi... l'être. Parce que l'existence, il faut être honnête, c'est loin d'être une partie de plaisir. On a vite fait de se retrouver tout suffocant et blême quand sonne l'heure. Et puis... on transpire faut voir comme. On pue des pieds.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Oblomovisme

 

Ne rien faire, c'est perdre son temps, il n'y a pas de doute là-dessus, et l'on sait que le temps est la denrée précieuse par excellence. Mais faire quelque chose est encore pis : on perd son temps et en plus on fait quelque chose ; on participe ! La gênance !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Justice pour Adamov !

 

Le dramaturge Adamov est injustement oublié. Pourquoi joue-t-on Beckett et Ionesco mais pas Adamov ? C'est systémique ou quoi ?

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Stratégie risquée

 

Émile Cioran a joué gros jeu en appelant le démiurge un mauvais démiurge. S'il y a un au-delà, un jugement dernier, etc., le gars Mimile va entendre parler du pays. Et un autre qui risque de se faire appeler Arthur, c'est Adamov, avec son théâtre de l'absurde. Parce que ça nous étonnerait que le démiurge apprécie beaucoup qu'on tourne ainsi en ridicule sa création.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Réciper

 

L'expression « quadrige de Récipon » ne vient pas, comme on pourrait le penser, du verbe réciper (qui n'existe pas), mais de Georges Récipon, sculpteur. Ce sidi, un récipé est une ordonnance médicale.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mouton à cinq pattes

 

Idéalement, un éditeur devrait être verni comme Françoise — car ce métier requiert de la chance — et paulant comme Jean — car il faut donner confiance aux auteurs. Une combinaison difficile à réaliser !

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Ultimatum nietzschéen

 

« Tu sais ce qu'a dit Nietzsche ? Connais ou meurs !

— T'en as de bonnes, toi. »

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Dédoublement superflu

 

Le « je » de Rimbaud était peut-être un autre, c'est possible, mais le problème est que les deux étaient tout aussi cons l'un que l'autre. 

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Laplacien

Ceux qui prétendent évaluer la concavité d'un champ scalaire en un point donné sans calculer la divergence du gradient en ce point — autrement dit le laplacien —, il faut leur pardonner car comme l'a très bien dit Jésus, ils ne savent pas ce qu'ils font.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Preuve par Bechet

 

On a longtemps cru que les personnes de couleur étaient insensibles au Bien et au Beau. Le poëte Jules Lemaître n'a-t-il pas écrit : « Chers primitifs, ô Bamboulas, benjamins de la terre antique, grands innocents qui n'avez pas de morale ni d'esthétique » ? Mais aujourdhui, on ne le croit plus ; tout simplement parce que trop d'indices contredisent ce postulat (à commencer par le clarinettiste Sidney Bechet).

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Inégibilité

 

Celui que la justice a privé du droit d'être égible, on dit qu'il est frappé d'inégibilité.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un mécano hors pair

 

Si Jules Superbielle avait rencontré Marguerite Urcelar alors que celle-ci était victime d'une fuite d'huile moteur, il aurait pu lui changer son joint spi. La romancière eût ainsi économisé de deux cents à deux cent cinquante euros, ce qui n'est quand même pas mal.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Hommes qui marchent

 

Un jour que le sculpteur Giacometti coulait un bronze d'Homme qui marche — un de plus —, il fut pris d'un soudain dégoût pour les « Hommes qui marchent ». C'était devenu un vrai poncif. Ça ne voulait plus rien dire. Aux chiottes, les « Hommes qui marchent » ! Aux doubles-vécés ! Du balai ! — Mais il finit tout de même de couler son bronze car il fallait bien vivre...

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Camping sauvage aux Tuileries

 

« Comme nous n'avions pas trouvé d'endroit à Paris où planter légalement notre tente, c'est dans le Jardin des Tuileries, non loin de la grande roue de la Concorde, que moi et Marcel campions. » (G. Bruno, Le Tour de la France par deux enfants, Belin, 1877)

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Couper court

 

Si quelqu'un vous demande : « Alors, Martin ? Toujours les valises ? », le plus simple est de répondre : « Oui, toujours. »

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Étant existant à la bolognaise

 

Un jour, Elfriede, l'épouse de Heidegger, sans doute préoccupée par quelque souci domestique, confondit le Dasein avec les lasagnes — et le philosophe en fut fort dépité car il n'aimait pas tellement la cuisine italienne.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Fais le Bororo, Claude

 

À la fin de chaque banquet de la Société française d'ethnologie, André Leroi-Gourhan demandait à Claude Lévi-Strauss de « faire le Bororo » pour divertir les convives. Lévi-Strauss, qui était bonne pâte malgré ses airs pincés, s'exécutait sans se faire prier.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Traversée de l'existence

 

On passe sa vie à trimballer des valoches de cochon de la rue Poliveau à la rue Lepic pour s'apercevoir à la fin que le cochon, c'est soi-même.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Désespoir

 

Entre le cri de Jésus « Eli, Eli, lama sabachthani » et celui de Grandgil « Marchandot, Marchandot, debout là-dedans », il y a une différence de degré mais non de nature.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Compensation

 

Si quelqu'un a morflé dans l'existence, c'est bien le penseur paradoxal Frédéric Nietzsche. À trente-cinq ans, les carottes étaient déjà pratiquement cuites pour lui. Il a assez morflé pour avoir le droit de nous faire chier avec son Surhomme, son Éternel retour et surtout son Zarathoustra.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un piège diabolique

 

En vous attirant dans le conjungo au moyen de sa « mijole », de ses « biberons Robert » et de son « fondement de l'historialité du Dasein », la femme n'a qu'un seul but : vous détruire.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Controverse de Davos

 

Le 27 mars 1929, à Davos, Martin Heidegger rejoint Ernst Cassirer au Steak & Egg Kitchen où ils tiennent leur « breakfast of infamy ». Cassirer n'aime pas ses œufs et profère des gros mots. Heidegger comprend alors que le schématisme kantien, à l'œuvre dans la construction cassirérienne du sujet, s'apparente à un système fermé sur lui-même, dont la clôture signe la finitude.

 

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)