« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
samedi 3 novembre 2018
Écorces de garou
Voici comment Cuvier, dans son Cours complet d'histoire naturelle, résume le résultat des recherches de Vauquelin sur les écorces de garou : « Primo, le principe irritant des daphnés est primitivement une huile volatile. Secundo, ces plantes sont d'autant plus irritantes que leur végétation a plus de vigueur, parce qu'alors elles contiennent une plus grande quantité d'huile volatile. Tertio, cette huile se convertissant peu à peu en résine, la force irritante des daphnés diminue en proportion. »
— Ne croirait-on pas reconnaître, dans ces « daphnés » ou « garous », le fétide et rébarbatif réel, et dans cette « huile volatile », l'urticante idée du Rien ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Tout le monde ment
Denys d'Halicarnasse trouve le style de Xénophon « inférieur à celui d'Hérodote en élévation et en éclat, parfois diffus, souvent négligé ». M. Frédéric de Rougemont, au contraire, trouve au style de ce grand historien du monde païen « un charme inimitable qui ne peut se comparer qu'à celui du pieux Fénelon ». — Qui croire ?
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Déclin du Moi
« Autrefois, alors qu'il était encore amateur de bon bordeaux, il aimait ponctuer ses adresses au Grand Tout de quelques décharges du colt Frontier qu'il gardait toujours dans une poche de sa redingote, mais désormais son pied goutteux le maintenait dans une stricte tempérance. »
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Périlleuses nuits
Ce n'est pas pendant le jour, lorsque l'action du soleil est dans toute sa force, que l'idée du Rien est le plus redoutable. C'est au contraire lorsque cet astre s'est retiré de l'horizon, lorsque, chez l'homme, l'activité de l'exhalation cutanée et pulmonaire se repose, que lui vient en général la pensée de se détruire.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Fin de parcours
« Terminus, monsieur », dit la voix bourrue du Grand Tout au-dessus de ma tête.
— L'obscurité, la pluie, la folle poignance du pachynihil, les faubourgs du non-être...
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Ce qui s'appelle « avoir du pot »
Dans une lettre écrite en 1793, le philosophe Johann Gottlieb Fichte déclare qu'il a découvert « un nouveau fondement » sur lequel pourra s'édifier le système de la philosophie en sa totalité.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Une étonnante invention
Vers 1794, le philosophe Johann Gottlieb Fichte décide d'associer les propriétés élastiques de l'air aux principes de l'idéalisme transcendantal. Le Moi gonflable était né. Plus tard, l'existentialiste Martin Heidegger lui apporte une étonnante résistance aux chocs et aux secousses les plus violentes. Il greffe sous l'enveloppe du Moi une carcasse formée de concepts (avenance, conjointure, devancement, facticité, etc.) distribués en étoile, eux-mêmes recouverts par plusieurs nappes de fils rigides. Son invention, qu'il baptise Dasein, obtient un succès fulgurant qui ne devait jamais se démentir.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Page de journal
5 novembre. — Selon Théophraste, le temps est un accident du mouvement, lui-même conséquence nécessaire de toute activité. Par ailleurs, parlant du séneçon commun, il note que l'erigeron fleurit presque toute l'année et que c'est une plante potagère peu estimée.
(Théasar du Jin, Journal ontologique critique)
Traitement de choc
« Afin de faire perdre au philosophe sa fétidité, on a essayé divers agents : l'eau bouillante, l'alcool, l'éther, l'essence de térébenthine, l'acide acétique, une solution alcoolique de potasse... ; mais ces agents s'avèrent trop brutaux : ils réduisent quelquefois "l'ami de la sagesse" à une petite masse punctiforme dans laquelle on ne peut plus distinguer aucune trace de concept. J'en dirai autant de la cuisson, qui peut offrir des avantages pour les philosophes volumineux, mais qui doit être regardée comme un procédé en général très médiocre. » (Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, tome III, Masson et Fils, Paris, 1870, p. 544)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
vendredi 2 novembre 2018
Un fléau méconnu
« Cette fatale calamité de l'haeccéité, qui, de temps immémorial, est venue épouvanter les populations, ruiner les villes, ravager les campagnes, est très mal connue, dans ses faits généraux comme dans ses détails. » (Maurice Champion, L'haeccéité en France depuis le VI e siècle jusqu'à nos jours, Victor Dalmont, Paris, 1858)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Ouvre-boîte
10 novembre. — Quand on ouvre une boîte de conserve, il faut le faire avec la plus grande attention, car chaque jour il se produit des accidents, ce qui n'arriverait pas si l'on s'occupait sérieusement de fabriquer un ouvre-boîte plus adapté.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un style monotone
La vie, déplore le suicidé philosophique, possède un style triste et maigre, fort au-dessous de la richesse de Tite-Live et de la véhémence de Salluste.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Plongée
À celui que taraude la pensée de se détruire, le philosophe Johann Gottlieb Fichte recommande de se figurer qu'enveloppé dans une cloche à plongeur, il descend au fond des eaux ; qu'il voit et touche les mollusques, les krakens, les poissons, les serpents, les baleines, les requins, etc., « qu'il erre dans un monde effrayant, peuplé de géants, d'êtres horribles, dégoûtants, frôlant des animaux dont les formes étranges choquent toutes nos idées, d'autres dont la voracité sans nom écœure et terrifie ». Fichte prétend que le désespéré, « ayant eu ainsi son imagination frappée dans un sens opposé aux impressions que produisent sur nous l'harmonie des proportions et de la beauté, sera à tout jamais guéri de son attirance morbide pour le Rien ». — Hum...
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Parallèle
Pour le suicidé philosophique, le Rien est au centre ou au principe de toute explication, comme l'était la raison dans la philosophie grecque. La parenté est évidente entre la quête du nihil et la recherche de la sagesse. Dans les deux catégories, l'homme se nie lui-même pour se sauver lui-même, dans l'absolu du vacuum ou dans l'absolu de la raison. Dans un cas comme dans l'autre, l'homme est ce qui doit être sacrifié.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Faciès grauwackeux
Dans son ouvrage intitulé La terre avant l'apparition de l'homme, M. Alfred-Edmund Brehm jette l'éclairage d'un radical quinquet sur ce qu'il nomme « l'étage coblentzien ». Celui-ci se présente sous plusieurs faciès, parmi lesquels le faciès grauwackeux qui, nous dit l'auteur, « a pour type la grauwacke développée en Allemagne aux environs d'Ems et de Coblentz, roche intermédiaire entre le grès et le schiste. » — Le faciès grauwackeux... pourquoi cette formule nous émeut-elle au suprême ? Qui dira ce qui justifie son extraordinaire puissance contondante et de quel fonds mal exploré elle tire sa fascination ?
(Thésar du Jin, Carnets du misanthrope)
Engrais idéal
De tous les fertilisants, l'idée du Rien est, peut-être à l'exception du guano du Pérou, le plus concentré, et en outre celui qui peut le mieux s'approprier à la plus grande variété de récoltes : betteraves molles du désespoir, gloméruleux navets du sarcasme, houblon du scepticisme radical, etc.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
jeudi 1 novembre 2018
Tribulations de du Jin
« Ils formèrent d'abord le dessein de l'empoisonner, ils le livrèrent ensuite aux magistrats pour le faire mourir ; enfin, ils le jetèrent dans une basse-fosse pleine de boue, afin qu'il y pérît de faim et de misère. Mais le Rien soutint son prophète dans tous ces maux ; ils n'affoiblirent ni son courage, ni son acerbité. Il continua d'annoncer la parole du Rien depuis la vingt-troisième année du règne de Josias jusqu'à son suicide par révolvérisation. »
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Illusions perdues
M. Jouffroy, dans un ouvrage posthume, raconte comment, né de parents pieux et habitué de bonne heure à considérer l'avenir de l'homme et le soin de son âme comme la grande affaire de la vie, il avait cependant perdu la foi en entendant prononcer par un sien camarade le vocable « reginglette ». Il ajoute ensuite ces remarquables paroles : « La divinité du christianisme une fois mise en doute à mes yeux, je sus alors qu'au fond de moi-même il n'y avait plus rien qui fût debout : que tout ce que j'avais cru sur moi-même, sur Dieu et sur ma destinée en cette vie et en l'autre, je ne le croyais plus. » Le malheureux devait plus tard, au paroxysme d'une crise de désespoir, sauter du viaduc de Garabit (122 mètres de hauteur).
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Inscription à :
Articles (Atom)