samedi 28 août 2021

Sans domicile

 

L'homme du nihil ne veut plus dormir chez des gonzesses, tant il est dégoûté de leur pieu. Il y passe trop de paires de fesses et l'homme du nihil est délicat, nom de Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 27 août 2021

Aux hommes du futur

 

Frères humains qui après nous vivez, préparez-vous à en baver des ronds de chapeau. À votre tour de contempler le « rictus bestial de l'existence », bande de salops ! C'est bien fait pour votre gueule, vous n'aviez qu'à ne pas naître ! Affreux ! Pédiluves ! Quant à nous, notre chair est piéça dévorée et pourrie, nous sommes comme qui dirait « décédés », tout va donc pour le mieux. Over and out.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 26 août 2021

Rire amer

 

Le « rire amer » dont parle Boileau, ce rire qui, si le monde était bien fait — et si le monstre bipède n'était pas ce qu'il est —, devrait secouer tout spectateur de l'humaine comédie, où se fait-il entendre avec la plus grande pureté si ce n'est dans l'in petto de l'homme du nihil ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 25 août 2021

Messe impossible

 

Non, cher Monsieur Mitrand : une messe n'est pas possible. Car comme l'a bien noté Johannes Zimmerschmühl 1, « du possible, ici-bas, il n'y en a pas plus que de beurre au prose ».

1. Dans ses Pensées rancies et cramoisies.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 24 août 2021

Intentionnalité anticipatrice

 

Conscient des dangers de l'intentionnalité anticipatrice husserlienne, l'homme du nihil se garde de concevoir aucun projet grandiose. Celui d'aller faire les courses est déjà assez formidable pour lui, et il s'en passerait avec joie, mais, comme l'a dit René Char 1, « il faut bien becqueter »...

1. Dans un entretien avec Aimé Césaire.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 23 août 2021

Auto-radicalisation

 

Quoi de plus radical que la pensée que rien n'est ? Mais ici, attention : ce n'est pas dans une mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud que l'homme du nihil s'est radicalisé — il ne croit pas à ces deux abstractions (mosquée, rue Jean-Pierre Timbaud), chères au démagogue. Il l'a fait simplement en constatant que la prétendue « réalité empirique » n'est qu'une masse duveteuse, inconsistante, un agrégat d'atomes qui se dispersent comme une fumée dès qu'on prononce devant eux le vocable reginglette.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 22 août 2021

La douleur d'exister

 

Dans une lettre à Sopatros d'Apamée, Jamblique dit que vivre lui fait « mal quelque part ». Il précise sa pensée un peu plus loin en indiquant que l'existence lui fait le même effet qu'un « dur coup de poing de Blek le Roc ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 20 août 2021

Comme l'oiseau

 

Méprisé, abandonné de tous, l'homme du nihil peut clamer, après Michel Fugain : « Je suis seul dans l'univers ! » Lui aussi a peur du ciel, de l'hiver, du temps qui passe, et cetera. Mais quant à « faire comme l'oiseau », il s'en sent totalement incapable.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 19 août 2021

Persévérer dans l'être

 

L'instinct de conservation existe, sous un mode quelconque, chez les moindres animaux. Cet instinct comprend tout ce qui intéresse immédiatement la sauvegarde matérielle de l'individu et se manifeste sous un grand nombre de formes. On constate par exemple, chez l'homme du nihil, une répugnance quasi invincible à « sauter le pas » en ingérant du taupicide. Et pourtant... ce n'est pas l'envie qui lui en manque ! — Cré bon diousse d'instinct de conservation ! Du balai ! Aux doubles-vécés !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 18 août 2021

Bilan

Quand l'homme du nihil fait le bilan de sa fastidieuse épopée dans le « désert de Gobi de l'existence », l'expression qui lui vient à l'esprit est « une vie pour rien ». Il a beau refaire l'addition, le total est toujours égal à zéro. Mais pourquoi te frapper, homme du nihil ? Tu sais bien, et depuis longtemps, que toute vie est « pour rien », non ? — Si, si... je le sais, mais... c'est tout de même un peu fort de café ! 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 17 août 2021

Empaillé !

 

À le voir marcher, parler, se gratter le nez, et cetera, on jurerait que l'homme du nihil est un être vivant, mais non : il est mort depuis belle lurette. Selon Gragerfis, s'il a l'air si vivant, c'est sans doute qu'il a été « naturalisé par Chuck Testa ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 16 août 2021

La grande question

 

Comment, après Kierkegaard, après Fernando Pessoa, après le « philosophe de l'absurde » Albert Camus, se trouve-t-il encore des gens pour se lever le matin ? Comment le « monstre bipède » n'est-il pas paralysé par la sensation de vivre isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort ? C'est, pour l'homme du nihil, la grande question (avec celle du taupicide qui lui est apparentée).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 14 août 2021

Inconscience coupable

 

Rigaut, Essénine, Crevel, Garchine, Maïakovski, Crisinel... Cent pour cent des suicidés philosophiques n'étaient pas vaccinés (contre l'odiosité de l'existence).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 13 août 2021

Haeccéité et taupicide

 

Dans son ouvrage intitulé L'Alternative, le philosophe Jankélévitch, avec sa perspicacité habituelle, note qu'« être, c'est encore être ceci ou cela, n'être que ceci ou que cela, selon certaines circonstances de temps et de lieu qui, en nous assignant une place dans l'étendue et une date dans la durée, nous empêchent d'être tout le monde, d'être partout, d'être aujourd'hui et hier à la fois ». Rien n'est plus vrai et c'est bien cela qui, pour l'homme du nihil, constitue la torture suprême, c'est bien cela qui, dans l'être, lui paraît intolérable car exorbitamment grotesque. Et quand Jankélévitch ajoute qu'« ici il faut choisir : ou être en fait, et n'être que ce que l'on est, ou être infiniment, à condition de n'être plus rien », l'homme du nihil ne peut que souscrire à cet éloge discret du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 12 août 2021

Ou bien... ou bien

 

« La foi commence précisément où finit la raison », affirme Kierkegaard. Mais que faire si l'une vous est inaccessible et l'autre vous répugne ? Il ne reste qu'à « douiller » à fond — et, comme l'a bien vu Dostoïevski, on « douille » d'autant plus que l'on ne comprend pas. Heureusement, il y a le taupicide — et, peut-être plus précieuse encore, l'idée du taupicide.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 11 août 2021

Fatalitas

 

Face à l'angoisse d'exister dans un monde où le vertige de la liberté — c'est-à-dire du choix de se pendre ou non avec une ficelle qu'on a attachée au portique d'entrée du potager — a de quoi vous rendre maboul, un monde où sévit en outre le terrible « monstre bipède », l'homme du nihil, toujours fataliste, endure le désespoir comme un fardeau constitutif à sa condition d'humain. En cela, il ressemble un peu à l'homme kierkegaardien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 10 août 2021

Prévention du nihil

 

« Les individus doués d'un tempérament nihilique doivent être considérés comme des personnes malades, ou du moins des sujets dont la constitution engendre sourdement des maladies chroniques, et plus tard mortelles. C'est un principe qu'on ne saurait trop inculquer aux familles, pour qu'elles se mettent en garde et livrent de bonne heure, entre les mains de la médecine préventive, des enfants ancrés dans l'idée que "rien n'est". » (Francis Devay, Traité spécial d'hygiène des familles, Paris, Labé, 1858)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 9 août 2021

Universelle insignifiance

 

L'art, la science, la philosophie, tout est glacial, ou plutôt tout est dérisoire pour l'homme qui a compris que tôt ou tard il allait se changer en cadavre. Pour un tel homme, rien n'échappe à ce sentiment d'universelle insignifiance, pas même le mot zingibéracé.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 8 août 2021

Névrose

 

La femme est le véritable « homme du ressentiment » nietzschéen. C'est cela, et rien autre chose, qui explique son exorbitante méchanceté.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 7 août 2021

Potion magique

 

Selon Gragerfis (Journal d'un cénobite mondain), le taupicide est le moyen par excellence de mettre en œuvre la tant affriolante « disparition dans l'universel » des Hindous.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 6 août 2021

Vague inquiétude

 

Le 24 juillet 1927, l'écrivain japonais Ryūnosuke Akutagawa parvient enfin — c'est sa deuxième tentative — à réussir son suicide par ingestion de véronal. Il laisse derrière lui ces seuls deux mots : Bon'yaritoshita fuan, qui signifient « vague inquiétude ». — Comme à l'homme du nihil, la vie lui « filait le traczir » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 5 août 2021

Préparation à la mort

 

La meilleure façon de se préparer à la mort n'est pas de lire Sénèque, Marc Aurèle ou Saint Alphonse de Liguori, mais d'observer l'agonie de ce petit mammifère fouisseur que les savants désignent sous le nom de taupe. C'est du moins ce que soutient Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain. Et il est vrai que cela donne rudement à réfléchir — quant au choix du taupicide comme moyen d'en finir, notamment.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 4 août 2021

Un sage conseil


« Toi qui entres ici, abandonne toute espérance », aurait déclaré la sage-femme à l'homme du nihil — alors un nouveau-né — quand celui-ci fit ses débuts sur la scène de ce grand music-hall qu'on appelle la « réalité empirique ». — Comme elle avait raison !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 3 août 2021

Sensibilité du nihilique

 

Comme le gorille, l'homme du nihil est d'humeur sociable très ombrageuse. S'il est brutalisé — s'il doit subir, par exemple, la vue d'un « monstre bipède » en survêtement —, il devient triste, ne mange plus et se laisse périr de nostalgie. Il est en outre terriblement impressionnable au froid. Habitué à la douceur du climat du pachynihil, il est bientôt pris, quand on le plonge dans la glaciale « réalité empirique », de coryza et de bronchite mortelle.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 24 juillet 2021

Question d'habitude

 

L'ennui, ce « monstre délicat » dont parle Baudelaire dans le premier poëme des Fleurs du mal, est toute la vie de l'homme du nihil. Mais s'il faut en croire ce dernier, « on se fait à tout, même à se faire chier ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 23 juillet 2021

Cauchemardesque

 

Gragerfis raconte que l'homme du nihil, ayant aperçu de l'étant alors qu'il promenait son chien, se sentit envahi par une sorte de purpura inflammatoire avec accompagnement de frissons et de fièvre : il avait le visage écarlate. Il prit avec abondance du thé alcoolisé et acidulé de citron et en fut quitte le lendemain après plusieurs selles fétides.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 22 juillet 2021

Schopenhauerisme exacerbé

 

« La vie n'est qu'une sorte de moisissure apparue incongrûment sur la croûte minérale du globe. La conscience, la douleur, le plaisir ne servent à rien. Et d'ailleurs, tout l'univers ne sert à rien. » (L'homme du nihil à Gragerfis qui lui demandait si ça « boumait »)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 21 juillet 2021

Influences


En ce qui concerne le problème du mal, l'homme du nihil est influencé par la mystique de Bœhme et, dans une moindre mesure, par celle d'Œtinger. Ses contributions propres sont les concepts de « bourrelle » et de « garagiste de La Bourboule ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 20 juillet 2021

Homo homini

 

« Les bêtes sauvages, dit Saint Nil 1, sont moins nuisibles à l'homme du nihil que la société de ses semblables. »

1. De monast. exercit., c. 61.

(Fernand Delaunay, Glomérules)