Quelqu'un qui
soutient que le libre arbitre existe y est contraint par une force
extérieure dont il n'est pas conscient. Et c'est évidemment la même
chose pour celui qui soutient le contraire (à ceci près que lui en est
conscient). Pour toutes ces raisons et compte tenu de ces faits
saillants, il est inutile de discuter du libre arbitre ou de quoi que ce
soit d'autre — surtout avec des imbéciles.
Vieillir,
c'est assister au spectacle de sa propre déchéance, un spectacle riche
en situations comiques et en quiproquos, un vaudeville, mais sans
Jacques Balutin (sauf si l'on est soi-même Jacques Balutin).
Si l'on
pouvait lire la prose de Jean-Guy Floutier en oubliant que l'on est
soi-même Jean-Guy Floutier, il est probable que l'on trouverait l'auteur
fort déplaisant.
« Combien de
fois, en pleine nuit, n'ai-je pas pris mon chapeau pour aller me
tuer ! » écrit Cioran dans ses Cahiers. Et nous ne savons pas, mais
cette histoire de chapeau... Quand on veut se tuer, c'est tout de même
bizarre.
Les personnes
qu'on a connues jeunes et qu'on retrouve après de longues années, on
aimerait qu'elles montrent un peu plus de discrétion dans la
décrépitude.
« Car je ne
tends qu'à connaître mon néant », écrit Blaise Pascal (pensée 372). Le
même Blaise Pascal que certains considèrent comme l'inventeur de la
« berouette » ! Comment un homme qui ne tend qu'à connaître son néant
aurait-il pu inventer un engin aussi agressivement pratique que la
« berouette » ? C'est impossible, voyons !
D'après
Nonnos de Panopolis, le dieu Chronos naquit du néant, ce qui aurait dû
lui donner une certaine débonnaireté. Mais tu parles ! Le temps est le
pire des salops !
Plus on les
observe, plus on se convainc que les humains sont tous incurablement
malheureux. Alors ? Pourquoi ne se tuent-ils pas ? Est-ce qu'ils
essaient de prouver quelque chose ? Mais quoi ?
N'ayant pas
d'histoire, les gens heureux n'ont rien à dire, et nous n'avons rien à
leur dire non plus — si ce n'est ce simple mot : pots de pisse (trois
mots en fait).
Si on était
roumain, on penserait sans doute à ces journées dans les Carpates où,
dans un silence irréel, on écoute le frémissement de l'herbe sous une
brise imperceptible. Mais loin d'être roumain, on est de Bezons !
En 1910, le
philosophe Henri Bergson s'aperçoit qu'il ne peut pas en même temps se
curer les doigts de pied à Poughkeepsie et jouer au billard avec Edmond
Husserl. Il définit alors l'action « une hécatombe de possibles ». Mais
en réalité, ce n'est pas l'action, c'est l'être qu'il aurait dû dire.
Car on extermine aussi une infinité de possibles en restant allongé dans
son lit ou assis sur une chaise de jardin.
Le réel,
comment s'y sentir dans son élément ? Les choses... L'omniprésence
menaçante des « étants »... Pourtant, nous aimons les peupliers — et
plus généralement, tout ce qui vient sans soin et sans culture, et se
plaît sur le bord des rivières et des ruisseaux.
Le négateur
Émile Cioran est ce qu'on appelle un « faux dur » : il se propose sans
cesse d'étrangler, d'exterminer, de décapiter, mais au final il ne fait
rien. Il se lamente et il fulmine, mais à part ça : rien.
Il n'est rien
de plus angoissant que d'avoir la vie devant soi. À tant faire que de
l'avoir quelque part, il vaut mieux que ce soit derrière soi. On se fait
moins de mouron.
Et si le
pachynihil était une coquecigrue ? Si la pensée que « rien n'est »
résultait d'un désordre dans les synapses, les dendrites, les axones ou
le péricaryon ? La plus grande illusion est peut-être que tout est
illusion ! Oh là là ! Monsieur Pipo ! Faites que ce ne soit pas ça !