lundi 24 novembre 2025

Mise au pas de la douleur

 

Si votre douleur refuse d'être sage et de se tenir plus tranquille, menacez-la de la transférer dans un « centre éducatif fermé », où elle sera encadrée par d'anciens militaires très à cheval sur la discipline. Ça devrait lui donner à réfléchir.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 23 novembre 2025

Prémonition

 

Un jour qu'il se sentait d'humeur poétique, le moine japonais Sôgi écrivit : « Plus fugace que l'éclat d'une feuille emportée par le vent, cette chose, la vie. » Quelques instants plus tard, il passait sous un autobus.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Quand la beauté est mal lunée

 

Un soir, alors qu'il était un peu pompette, Arthur Rimbaud a assis la beauté sur ses genoux, mais — pas de chance pour le poëte — elle n'a pas voulu « faire risette à papa négro ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Les fourbes du joint spi

 

Guidé par Virgile, le Dante arrive à la neuvième bolge du huitième cercle, où sont envoyés les garagistes de La Bourboule. « Un sang pauvre coulait et rayait leur visage, et tout mêlé de pleurs tombait, hideux breuvage, à leurs pieds recueilli par des vers dégoûtants. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Logique modale

 

Saul Kripke : Je crois qu'il est possible qu'il sera le cas que phi — où phi désigne un événement.
Nous : T'es optimiste, toi. 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 22 novembre 2025

Départ pour Calaoutça

 

Il n'y a rien de pire que de mourir avant d'avoir dit tout le mal qu'on pensait de la vie. Heureusement, nous sommes tranquille de ce côté-là. Nous pouvons partir serein pour Calaoutça.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Toujours la mort

 

Tragique destinée que celle du Mômo ! Un jardinier l'a trouvé un matin, assis sur son lit, un soulier à la main. Mort ! Comme avant lui Giacomo Leopardi, René Panhard, Georg Cantor et tant d'autres... La mort, la mort, toujours la mort !...
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Écrire

 

Kafka : De quoi je pourrais parler, ce coup-ci ?
Felice : Je sais pas, moi... Tu pourrais peut-être faire un roman teinté d'une atmosphère cauchemardesque, où la bureaucratie aurait une emprise monstre sur l'individu ? Qu'est-ce t'en penses ?
Kafka : Ouais, ça a l'air pas mal, comme idée.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Nous voulons des méchants

 

Chez Dostoïevski, le starets Zosime nous bassine. Quant à ce béjaune d'Aliocha, n'en parlons pas, il est d'une mièvrerie insupportable. En littérature, ce que nous voulons, c'est des méchants. Des méchants, vous entendez ? 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 21 novembre 2025

Système avoir les foies

 

Selon Lucrèce, la peur de la mort gâche la vie. Mais selon d'autres penseurs — dont Floutier Jean-Guy —, la vie fait déjà si peur qu'elle suffit à se gâcher elle-même.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Bouc-émissarisation des littérateurs

 

Tout ce qu'on est ou presque vient des livres. Alors comme on n'aime pas ce qu'on est, on blâme les livres et ceux qui les ont écrits — surtout Christian Bobin et Marguerite Urcelar, bien qu'on n'ait jamais rien lu d'eux.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Esprit frère

 

Quand on lit ces mots de Baudelaire : « Je veux dormir ! Dormir plutôt que vivre ! », on se dit : « Tiens, lui aussi. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Le ridicule et la mort

 

Tout le monde n'attrape pas un panaris, mais il y a deux choses auxquelles l'homme n'échappe pas, ce sont le ridicule et la mort. En un sens, la plus bénigne est la dernière, car elle n'arrive qu'une fois, tandis que le ridicule... c'est tout le temps.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 20 novembre 2025

Nâtal

 

Le poëte Francis Jammes prononçait nâtal. « La terre nâtale », disait-il.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Métamorphose de la vieillesse

 

Kafka force le trait. Dans la vraie vie, ce n'est pas tout d'un coup, comme ça, un matin, qu'on s'éveille transformé dans son lit en une véritable vermine. Ça prend plus de temps. C'est plus graduel. Mais ça finit par arriver... Et à tout le monde, pas seulement à Grégoire Samsa.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Les conquérants

 

S'il faut en croire José-Maria de Heredia, on trouve à Palos de Moguer (en Andalousie) beaucoup de restaurants de routiers. Le poëte prévient qu'il faut redoubler de prudence sur la route car lesdits routiers sont souvent ivres (d'un rêve héroïque et brutal).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Cérémonial cathartique

 

Au dire de son ami Bioy Casares, quand Borges devait s'acquitter de la « grosse commission », il le faisait en invoquant les mânes de Carlyle, d'Emerson et de Walt Whitman (parfois aussi de Henry James).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 19 novembre 2025

Un serin

 

Tout jeune déjà, Sartre clamait à qui voulait l'entendre que « l'en-soi n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore ». Ses parents en étaient gênés et lui disaient qu'il était un « serin ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Dînatoire

 

Quel genre de personne, ou plutôt quel genre de monstre faut-il être pour dire qu'une chose — par exemple un coquetèle — est « dînatoire » ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un dévergeot

 

Le pauvre Gérard de Nerval se décrivait lui-même comme « le ténébreux, le veuf, l'inconsolé ». De fait, il ne lui arrivait que des déboires : on abolissait sa tour, sa seule étoile mourait inopinément, et pour couronner le tout, son luth constellé portait le soleil noir de la mélancolie.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Hikikomori

 

Le gouvernement japonais considère qu'un individu devient un hikikomori dès lors qu'il a passé plus de six mois enfermé seul dans sa chambre à lire du Xavier de Maistre.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 18 novembre 2025

Ya no puede caminar

 

Chez les bouddhistes, les deux véhicules de pompier (le grand et le petit) ont en commun les trois caractéristiques de l'être (impermanence ; souffrance ; irréalité du Moi), les quatre nobles vérités, la transmigration, le karma et la voie moyenne. Le plus grand des deux véhicules se distingue par son idéalisme absolu (derrière les apparences, il n'y a rien ; l'univers est une illusion ; vivre est la même chose que rêver) et par son klaxon à cinq trompes qui joue La Cucaracha.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Intuition bergsonienne

 

Le philosophe Bergson souffrait de la solitude et aurait bien aimé rencontrer une « milf ». Il lui aurait montré son « élan vital », sa « durée » et son « évolution créatrice ». Mais il ne savait pas où chercher. Son cousin par alliance Marcel Proust lui conseilla de s'inscrire à un atelier d'écriture ou à un club de cinéphiles, mais Bergson avait l'intuition que ça ne donnerait rien.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

De l'amour

 

Aimer quelqu'un : la gênance. Se laisser aimer par quelqu'un : la gênance. Nourrir des illusions sur la nature humaine ; se croire quelqu'un : deux façons d'être un jobard.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Entrée de l'homme noir dans l'histoire

 

Au début de la pièce de Xavier Forneret, Bénita, veuve du baron de Rimbo, fait de la broderie avec Guitta, sa fille adoptive. L'homme noir n'est pas encore entré dans l'histoire. Il n'apparaîtra qu'au deuxième acte.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

lundi 17 novembre 2025

Un cocktail fatal

 

« Monsieur Pessoa, la source de tous vos problèmes, c'est que vous êtes intranquille », avait dit son médecin à Fernando Pessoa. Sur le coup, il y avait prêté peu d'attention, mais... son intranquillité, combinée à une mauvaise circulation, avait fini par lui valoir des varices. « Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! », s'était-il alors exclamé.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Rituel hideux

 

Lovecraft dit que si l'être humain, à de certains moments, se précipite aux ouataires, c'est pour répondre à un impérieux « appel de Cthulhu » ; et qu'il se livre, derrière les murs de l'édicule, à un « rituel hideux ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

C'est donc ça

 

Les gnostiques et les kabbalistes croient que l'univers est l'œuvre d'un dieu déficient, dont la fraction de divinité est proche de zéro. C'est ainsi qu'ils justifient l'existence du mal et des garagistes de La Bourboule.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Misonéisme

 

Plus radical que le Tancrède du Guépard, nous voulons que rien ne change pour que rien ne change. Ce n'est pas que aimions tellement le réel comme il est, mais nous y sommes habitué et nous abhorrons la nouveauté.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)