lundi 5 septembre 2022

En cas de besoin

 

L'homme est une créature précaire et débile, le moindre souffle peut l'anéantir, mais il n'est pas complètement démuni : il dispose de multiples soies, de quarante fusils Remington, de cartouches Vetterli et d'un peu de poudre.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 4 septembre 2022

Encore pire que l'affaire Gordji

 

Que la vie soit une « expérience intéressante », les yeux dans les yeux, le nihilique le conteste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le cauchemar de l'ontologie

 

L'essence des choses n'est pas localisée au centre d'une place fort gaie entourée de palmiers ronds et juteux, elle se situe plutôt à un lugubre « carrefour à bascule » aux alentours duquel il ne fait pas bon s'attarder. On y perdrait le sommeil — et peut-être la raison — car en ce « carrefour à bascule », l'être et le non-être s'entremêlent d'une façon très-horrifique.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

La « maladie des voyages »

 

À force d'être frappé par l'ourlet des vagues lointaines, le crâne devient spumeux et on est obligé de l'essuyer, ce qui peut se faire par exemple en utilisant une « lingette ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Résidus antinomiques

 

Le Moi fait penser à un moulin à café qui n'aurait pas été nettoyé depuis Mathusalem : il est plein de résidus antinomiques.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Disque proligère

 

Quand, se lançant sur les traces des philosophes grecs, on part à la recherche de la vérité, il arrive que l'on tombe sur un amas plus épais de la couche granuleuse, le disque proligère. On n'y est pas encore, il faut continuer à chercher.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 3 septembre 2022

Socialisme vs. nihilisme

 

L'ennemi du nihilique, ce n'est pas la finance, c'est l'être.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Térébratules

 

On dort, on se croit « peinard », quand tout à coup, on voit défiler à la queue leu leu des brachiopodes marins à coquille lisse légèrement ondulée. Recrudescence rectiligne des térébratules ! Même en rêve, il faut que le réel nous assaille avec ses satanées bestioles !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En forme d'auge

 

Pythagoricien protéiforme, le suicidé philosophique, en se faisant « sauter le caisson », exprime son rejet de l'ordre cosmique, mais il récuse aussi un ordre social qu'il voit « en forme d'auge ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 2 septembre 2022

Citernes éloquentes

 

Les citernes éloquentes du Rien, on aimerait s'y noyer mais il n'y a pas mèche vu qu'il ne s'y trouve pas bézef d'eau. À parler franchement, elles sont vides. Avec le Rien, c'est toujours la même chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Exquises mouvances

 

L'ignominie de l'homme, il suffit de lire Tacite pour le constater, est toujours égale à elle-même, et cette permanence fait contraste avec les exquises mouvances végétales, minérales et — après tout, pourquoi ne pas le dire — animales (que l'on pense aux poils toruleux du lycaon, de l'hyène et du lynx, qui dissimulent une eudémonologie aristocratique).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pommellement d'instinctif

 

Que l'âme est pommelée d'instinctif est une évidence polovtsienne de Borodine — et non, comme beaucoup semblent le croire, une évidence du feu de Manuel de Falla.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Coction de vocable

 

Réfléchir est toujours une affaire risquée, mais la pensée est particulièrement néfaste au littérateur, car elle l'affaiblit et lui ôte les forces nécessaires à la coction et à l'expectoration des vocables.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 1 septembre 2022

Gerboise damasquinée

 

Luc Pulflop a comparé le monde aux génitoires d'un âne. Mais on ne voit pas trop quelle est la logique sous-jacente à cette comparaison. Il aurait dû dire plutôt une gerboise damasquinée. Car comme la gerboise, le monde peut effectuer des bonds de deux mètres et courir à une vitesse avoisinant les vingt-cinq kilomètres par heure. Et il est enchâssé d'ornements en relief (il est damasquiné).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dangereuse solitude

 

Le philosophe Pascal avait sans doute raison, mais rester au repos dans une chambre (palléale ou autre), cela présente aussi des risques. On rumine, l'idée devient un cimeterre, le vocable un pal sécant — quand ce n'est pas un garou effrayant — et le Moi s'en donne à cœur joie : il commence par se dilacérer soi-même, et pour finir il tranche et déchiquette cette folle et inextricable argutie que le vulgum pecus appelle le réel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Virescence de l'âme-grue

 

Quand l'âme-grue est atteinte de phyllodie (une mutation génétique qui transforme les organes floraux en feuilles), on constate la présence anormale d'une pigmentation verte dans certaines de ses parties. Ce phénomène est appelé la « virescence de l'âme-grue ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rire nerveux

 

Celui dont la vie n'est qu'un grand rire nerveux doit prendre un peu d'aspirine et un léger purgatif, il doit se faire quelques frictions avec du vinaigre et « ça passera ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 31 août 2022

Coquecigrue

 

Arrivée à un certain âge, la femme se met à ressembler à une créature difforme au faciès d'hippopotame, mais elle n'acquiert pas pour autant la débonnaireté de cet animal. Elle possède toujours les dents féroces du requin, les griffes lacérantes d'un falconidé, et l'indifférence morbide d'une renoncule. Pourtant, ce n'est pas une coquecigrue.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Orcanète

 

On peut voir le Rien en maintes choses. Dans la femme, bien sûr, mais aussi — un exemple entre mille — dans l'orcanète, cette plante des régions méditerranéennes dont la racine rouge fournit une matière colorante et qu'on appelle aussi anchusa.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Solfège existentiel

 

Malgré des efforts quasi surhumains, Heidegger échoua à définir l'être, et il en conçut — d'après Hannah Arendt — un vif dépit. Il n'y avait pourtant là rien de sorcier : l'être est une pièce de clavecin désordonnée dans laquelle l'étant existant est une simple appogiature, quand ce n'est pas une acciaccatura.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un funeste fumet

 

Sur son cotre en bois d'acajou, le nihilique vire lof pour lof, mais le changement d'amure ne suffit pas à dissiper l'odeur. De sa cambuse émane toujours un funeste fumet : suicide...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 30 août 2022

Polka du terme

 

Le nihilique l'avoue sans honte : comme Émile Cioran, il s'est trémoussé (dans cet univers aberrant). Il s'est même tellement trémoussé que sa vie pourrait être comparée à une gavotte. Circonstance atténuante : c'était une « gavotte de l'anéantissement ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pour puer de la gueule

 

On dit souvent que les gens « puent de la gueule ». C'est une exagération. Ils ne puent pas de la gueule parce qu'ils ne sont pas. Pour puer de la gueule, il faut être. — Ou bien ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Régénération

 

Il y a des gens, souvent des affidés du Grand Tout, qui boivent du « vin nu » pour se rapicoler ; et d'autres, comme le nihilique, qui se ressourcent dans le Rien, qui se vivifient dans l'inerte.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Non

 

La vie, on ne pourra pas dire qu'on l'a chevauchée comme un caprin, oh non !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Truculent quadrige

 

Comme on sait, le quadrige est un char antique monté sur deux roues, attelé de quatre chevaux disposés de front. En général, le quadrige est terne et peu divertissant. Cependant, bien que le cas soit rare, il arrive qu'il se montre cocasse, haut en couleur, pittoresque et original, qu'il étonne et réjouisse par ses excès. On parle alors d'un « truculent quadrige ». Un tel équipage se prête idéalement à la vocifération et — si l'on est d'humeur idoine — au fou rire.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pompe funèbre

 

Tout l'œuvre de Cioran est d'un cadavre, certes, mais d'un cadavre grandiloque !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 29 août 2022

Gourdin non phrastique

 

La soif d'absolu qui tient l'homme est si intense que, pour l'éteindre, on est obligé d'assommer le zigoto à coup de gourdin. Et pas un gourdin phrastique, non, un vrai, un bon gros bâton solide. On choisira de préférence le cornouiller sanguin, un bois dense, noueux, très résistant, utilisé pour confectionner les manches de pioche ; ou à défaut le châtaignier, un bois robuste, souple, léger, qui absorbe très bien les chocs.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Moment métaphysique

 

On regarde un cadavre de mouche sur le sol et tout à coup on est frappé par le fait que la vie est finie quand la mort, elle, est infinie. — On vient de passer par un « moment métaphysique ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)