« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 31 juillet 2018
Tchernoziom
Ceux qui de naissance paraissent destinés à se détruire — exempli gratia, le poëte Nerval — tirent parfois de leur pachyméninge une terre noire, bitumineuse et inflammable, qui, mise en un monceau et arrosée par l'idée du Rien, non seulement s'échauffe à un point extraordinaire, mais jette encore de la fumée, et quelquefois même de la flamme. Alors naissent des œuvres à la fois lumineuses et profondes telles qu'Aurélia ou Les Filles du feu.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Panique
« Observant le réel par le vasistas de mon cagibi, je relève de nombreux indices qui m'amènent à conclure, comme Gragerfis, que ce monde est un "monde de néant". Aussitôt, je ressens la panique de l'homme mortel qui de tout son corps cherche quoi que ce soit de solide où se pendre. »
(Raymond Doppelchor, La Suave idée du Rien)
Différence de moyens
Comme Rascar Capac dans le cauchemar de Tintin, l'homme du nihil est un « mort vivant ».
Mais quand le prince inca lance de relativement inoffensives boules de cristal sur le vulgum pecus, l'homme du nihil, lui, se sert d'aphorismes hyperacides et contondants qu'il projette sur l'omnitude pour la concasser et en faire « la forme apologétique du suicide compulsif ».
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Épilepsie
En 1914, alors que toute la jeunesse allemande est sous les drapeaux, Heidegger est réformé pour raison de santé. Il a envisagé divers moyens pour échapper à ses obligations militaires — il refuse d'aller « faire le zouave » (Ich will die Zuave nicht machen), écrit-il dans une lettre à Husserl — et pensait d'abord s'en tirer grâce à un panaris providentiel, mais il a préféré « assurer le coup » en se faisant délivrer par son médecin de famille un certificat le déclarant « fragile du Dasein » et même épileptique.
C'est en lisant une biographie de Dostoïevski qu'il a eu l'idée de ce stratagème. Il a découvert peu de temps auparavant les romans du « penseur souterrain », qui l'ont fortement impressionné. « L'œuvre de ce Russe est d'un pathétique saisissant », note-t-il dans son journal.
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
Empirisme logique
« L..., âgé de 55 ans, saltimbanque et marchand de cigare, entre à Bicêtre le 15 mai 1860.
Cet homme se livre depuis longtemps à des excès de vin et d'eau-de-vie, et chaque fois qu'il a bu plus que de coutume, il offre un tremblement des mains très caractérisé. Condamné à un mois de prison, il se trouve à peine en liberté qu'il s'abandonne à de nouveaux excès : bientôt, agitation maniaque, hallucinations de la vue, panophobie ; il voit des voleurs qui courent après lui, des assassins qui le menacent, et commet des extravagances.
Puis au bout de quatre jours, son délire se transforme ; il soutient que la réalité n'est rien qui se conçoive seulement "phénoménalement" ou comme le corrélat d'une intuition. Elle n'a, d'après lui, aucun caractère spécifique d'immanence à la conscience, mais constitue une forme d'en soi qui englobe autant les vécus psychiques que les choses et les relations entre choses. Il dit que "l'ordre des contenus de conscience dans l'espace et dans le temps est en même temps le moyen par lequel nous apprenons à déterminer l'ordre transcendant des choses qui se trouvent au-delà de la conscience" ; et que "cette mise en ordre est le pas essentiel qui conduit à la connaissance de ces choses".
Vers la fin de 1860, le délire philosophique diminue progressivement : le malade passe à la ferme Sainte-Anne où il travaille en plein air ; il est doux, facile à conduire, raisonnant assez bien ; conservant toute la netteté de sa parole, mais un peu indifférent et apathique. Dans le courant de janvier 1861, les hallucinations disparaissent, il n'existe plus aucune trace d'idées relatives à la théorie de la connaissance. Le malade sourit lorsqu'on les lui rappelle et les attribue au trouble de son esprit ; il affirme qu'il est guérit, promet d'être plus sobre à l'avenir, et réclame instamment sa sortie, qui lui est accordée le 28 février. » (Jules Baillarger, Des symptômes de la paralysie générale et des rapports de cette maladie avec la folie, Paris, Delahaye, 1869)
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
Généalogie du nietzschéisme
Entendre jour et nuit résonner à son oreille les paroles terribles : « Écoutez, ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel ! » 1... N'y a-t-il pas là de quoi devenir complètement « maboul » et concevoir des théories telles que celles de l'« Éternel retour » et du « Surhomme » ?
1. Ézéchiel, 37 : 4.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Bassesse insigne de l'humain
Il n'est pas de canaillerie à laquelle ne se prête le monstre bipède. C'est sans scrupule qu'il répandra, dans l'emplacement des foires, du foie de loup en boulettes pour effrayer les chevaux, les bêtes à cornes, et profiter des culbutes pour voler les chalands.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
lundi 30 juillet 2018
Mai
Le monde semble si beau, quand le printemps est venu l'habiller de fête, qu'il a mis aux marronniers leurs candélabres fleuris, éveillé dans les branches le gazouillis des pinsons et des fauvettes, dans les allées les rires frais et les jeux de l'enfance, allumé la joie dans les regards qui brillent ! On jouit du présent, on arrange à sa guise un avenir heureux, on oublie le passé !
Dans une telle atmosphère, iI faut être un neurasthénique renforcé pour songer à l'annihilation de son Moi. Le poète suisse Francis Giauque en était un et, peu impressionné par les gazouillis, les candélabres fleuris et tutti quanti, se donna la mort dans la nuit du 12 au 13 mai 1965 en s'immergeant dans le lac de Neuchâtel. Sa vie avait, on ne sait pourquoi, basculé dans un sentiment de douleur, de solitude et d'asphyxie intérieure et était restée, malgré plusieurs séjours dans des asiles d'aliénés, obstinément désaxée. Gragerfis, qui goûtait fort son recueil Parler seul, le range dans la catégorie des « poëtes maudits de Suisse romande ».
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Élément primitif
En algèbre, le théorème de l'élément primitif est un des théorèmes de base de la théorie des corps. Il stipule que toute extension finie séparable est simple, c'est-à-dire engendrée par un seul élément, appelé élément primitif.
Selon Thalès, cet élément primitif était l'eau, en quoi il résolvait toute chose. Le poëte Mallarmé était plutôt d'avis que tout dans le monde se ramène au vocable. L'homme du nihil, lui, fonde sa théorie des corps, et notamment des corps humains, sur le dégoût, sentiment qui, s'il faut l'en croire, est « premier » et précède toute analyse raisonnée du phénomène appelé « monstre bipède ». Mais est-ce là un « élément », et peut-on fonder quoi que ce soit là-dessus, si ce n'est une existence solitaire et pleine d'acrimonie?
(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)
Intelligence métaphysique du monde
À la question de savoir quelle est la voie d'accès à l'intelligence métaphysique du monde, le suicidé philosophique répond « le taupicide ». Certes, en tant que représentation, le taupicide est un simple phénomène, mais il est aussi un formidable développateur du Rien. Comme tel, il permet à l'étant existant de fusionner avec le Grand Indéfini d'Anaximandre ou — cela revient plus ou moins au même — avec l'Un plotinien, et ce faisant, le Dasein comprend enfin — métaphysiquement ! — le monde.
(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)
Envoûté ?
Mais quelle idée a traversé l'esprit du curé de Morlaix, dans le Finistère ? Alors qu'il assurait l'office religieux dans l'église Saint-Melaine le jeudi 13 dans la soirée, l'homme de 35 ans, d'origine africaine, est brusquement sorti de l'édifice avant d'accomplir un geste fou.
Il a en effet couru jusqu'au viaduc ferroviaire qui passe en plein cœur de la ville. Là, il enjambe sans hésitation la rambarde de sécurité avant de se jeter brusquement dans le vide. Sa chute libre de quinze mètres ne l'a malgré tout pas tué. Conscient au moment de l'arrivée des secours, il souffre de multiples fractures et a été transporté à l'hôpital par les pompiers, où il a subi une intervention chirurgicale ce vendredi 14 dans la matinée. Ses jours ne sont maintenant plus en danger.
La communauté paroissiale est perplexe face à un tel geste. Selon l'évêché de Quimper, ce prêtre n'était pas connu pour des problèmes psychologiques particuliers.
Toutefois, d'après un témoin qui a tenu à rester anonyme, le religieux pensait avoir été envoûté lors d'un récent séjour au Gabon. « Il luttait jour et nuit contre des démons et persécuteurs de toutes sortes. Il se disait exposé aux maléfices de puissances occultes ; à l'aide de batteries cachées, on lui envoyait des secousses, des décharges électriques ; on aimantait ses cheveux, ses yeux, ses dents et sa langue ; on lui faisait respirer des poudres invisibles et des "atmosphères Lafarge" ; on le plaçait pendant son sommeil sous une grande machine pneumatique ; on le faisait vivre au milieu d'odeurs malsaines ; on contaminait son linge de corps, et cetera, et cetera. » (France Soir, 14 octobre 2016)
(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)
D'une chose à l'autre
On lit Scot Érigène, on passe de l'apophatisme à la poésie de Li Po, on s'accoutume peu à peu à ne voir en la sensation qu'une « hallucination vraie » et, pour peu que l'on possède un revolver ou du poison, on cède bientôt à l'invite d'un néant sacculiforme.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Un Népalais « ficelle »
Le jeu de ficelle est un jeu qui se joue avec une ficelle en boucle et dont le but est de créer toutes sortes de figures : des animaux, des maisons, etc.
Dans Tintin au Tibet, le chef de l'aérodrome de Katmandou, auquel Tintin et Haddock sont venus demander des informations avant de partir à la recherche de Tchang, joue au jeu de ficelle mais avec un élastique ! Comme on pouvait s'y attendre, l'élastique casse et lui cingle douloureusement le nez — qu'il a très proéminent —, ce qui déclenche l'hilarité du capitaine Haddock.
Avec le gitan Matéo des Bijoux de la Castafiore, ce personnage est l'un des plus odieux des Aventures de Tintin. Il incarne à la fois la bêtise satisfaite d'elle-même et l'enivrement administratif.
Courroucé par l'attitude de ce prétentieux imbécile, le capitaine Haddock envisage un moment de le faire conduire en place publique dans un tombereau, nus pieds, nue tête et en chemise, pour y être rompu vif et jeté subito presto dans un bûcher ardent. Mais il y renonce sur les instances de Tintin, pressé d'aller secourir son ami Tchang : « Nous n'avons pas de temps à perdre, Capitaine ! »
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
Un séjour inhumain
Chez Spinoza, l'existence humaine s'apparente à un « magma », ou encore à un « margouillis ». Ce « magma » — ou ce « margouillis » — d'apparence uniformément désolée inspire à l'étant existant des sentiments mélancoliques et même de l'horreur. — Rien d'étonnant, donc, si la première pensée de qui ouvre l'Éthique ou le Traité de la réforme de l'entendement est celle de se détruire.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Signer (Stephen Dixon)
Ma femme meurt. Me voilà seul. J'embrasse ses mains, et quitte la chambre d'hôpital. Un infirmier me court après dans le couloir :
— Est-ce que vous voulez remplir dès maintenant les formalités concernant la défunte ?
— Non.
— Alors qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse du corps ?
— Brûlez-le.
— Ce n'est pas notre métier.
— Donnez-le à la science.
— Il faut que vous signiez les documents légaux.
— Donnez-les-moi.
— Il faut les établir, ça va prendre un certain temps. Vous ne voulez pas patienter dans la salle d'attente ?
— Je n'ai pas le temps.
— Et ses affaires de toilette, sa radio, ses vêtements ?
— Il faut que j'y aille.
— Mais enfin, cher monsieur, dans Mort et survie, Max Scheler, à propos de ce qui advient après la mort, défend la thèse d'une indépendance « essentielle » de la personne par rapport à l'organisme (cellules, viscères, et cetera) !
— Ce n'est pas mon business.
J'appelle l'ascenseur.
(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)
Chant du départ
À l'exemple d'Érostrate, qui improvisait des cantilènes sous les portiques de l'édifice même qu'il allait anéantir, le suicidé philosophique aime à vocaliser au moment de se brûler la cervelle, convaincu qu'il est que la musique est une des plus heureuses conquêtes du génie de l'homme et rapproche le plus cet « exilé de l'infini » de sa véritable patrie : le Rien.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Caractère dépressif du Moi
« J'appris un jour, par un ami intime du Moi, que son caractère tyrannique, son débraillé, son insupportable jactance, dissimulaient une profonde tristesse. Il avait confié à cet ami que lorsqu'il traversait la Seine, en revenant de Condorcet, il avait envie de se jeter à l'eau ! »
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Désespoir kierkegaardien
« En rêvait-il assez de ce domaine de 43 hectares riche d'un vignoble réputé de premiers crus de vins de Chablis ! Mais cette propriété appartenait à son épouse, Josyane, 48 ans, qui la tenait de son père, l'infatigable créateur du domaine de Oliveira, plusieurs fois récompensé pour la qualité de ses vins.
Jacky Chatelain, l'ex-mari de Josyane, est aujourd'hui accusé d'avoir empoisonné sa femme pendant plusieurs mois avec des cristaux d'arsenic provenant d'un insecticide agricole, le Pyral. Il a été arrêté par la police judiciaire d'Auxerre et a avoué. Trois fois par semaine, il versait une dose de poison dans le repas du soir. Il a été mis en examen pour "tentative d'empoisonnement". Il risque trente ans de réclusion.
"Un homme désespéré", selon son avocat, Me Bernard Revest. "Comme le malheureux décrit par le penseur danois Søren Kierkegaard, il a formé d'abord une abstraction infinie de son Moi, mais ce Moi est devenu à la fin si concret qu'il lui est tout bonnement impossible d'être éternel de la sorte ; cependant, en son désespoir, il veut être lui-même. Ô vanité ! ô néant ! ô aveuglement étrange des hommes, gloriatur in malitia sua !" » (Le Parisien, 23 mars 2009)
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
dimanche 29 juillet 2018
La Cambuse : deux ans d'initiative citoyenne
« Voilà maintenant plus de deux ans qu'a été créée, à Portet-sur-Garonne, l'association d'initiatives citoyennes "La Cambuse", installée dans une ancienne demeure qui appartenait à une vieille figure locale, Joseph Borieu, célèbre pour ses apports à l'existentialisme cévenol 1.
Aujourd'hui, sous ce nom de "Cambuse", c'est un lieu de vie et d'échanges ouvert à tous. Les responsables, autour de Mathilde Balty, ont transformé et aménagé la demeure et en ont fait un endroit chaleureux de rencontres et de convivialité. Dans cet espace citoyen, les adhérents peuvent se livrer à toutes sortes d'activités grâce aux ateliers intergénérationnels, créatifs et interculturels, partager des moments de loisir autour du jeu, de la danse et de la musique, mais aussi s'initier à la pratique de l'homicide de soi-même en puisant dans une riche bibliothèque comportant notamment les œuvres des "suicidés philosophiques de Suisse romande", Edmond-Henri Crisinel, Francis Giauque et Jean-Pierre Schlunegger.
À l'étage, se trouve un espace très feutré où les adhérents peuvent débattre, s'investir et travailler avec des excréments de cervidé. Ils peuvent aussi faire montre de leur dextérité manuelle en élaborant des meubles à partir de palettes. C'est du plus bel effet et d'une grande innovation !
La découverte de la ville de Portet et de ses richesses fait également partie des activités de cette association. Ainsi, dernièrement, une poignée de nouveaux Portésiens a pu explorer le vieux Portet grâce à un ancien de la commune, Mimile, toujours prêt à "faire le couillon" et, en bon disciple de Joseph Borieu, à montrer à l'omnitude son "fondement de l'historialité du Dasein". » (La Dépêche, 5 août 2017)
1. Il a notamment introduit le concept d'« être-pour-le-pélardon ».
(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)
Rumination nihilique
Penser, c'est ressasser l'impossibilité d'exister, au dire de Max Brod (Biographie von Heinrich Heine). Parfois, ce ressassement dégénère en une frénésie d'autodestruction, et c'est le drame. Le soir du 17 octobre 1910, alors qu'il vient de mettre le point final à son mémoire sur les concepts de persuasion et de rhétorique chez Platon et Aristote, le philosophe italien Carlo Michelstaedter se tire une balle dans la tête, à l'âge de vingt-trois ans. Les raisons de son geste n'ont jamais été élucidées, mais certains amateurs de mélodrame ont émis l'hypothèse qu'il était « mort au contact de l'œuvre qu'il avait produite parce que cette œuvre représentait une intensification de son Moi ». Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis le qualifie de « penseur inactuel ».
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Débuts en fanfare
En 1913, Heidegger, qui s'est remis au bugle, répète assidûment la Marche d'entrée des Boyards de Johan Halvorsen. Il écrit aussi sa thèse de doctorat en philosophie, Doctrine du jugement dans le psychologisme, sous la direction d'Artur Schneider.
À l'occasion de ce travail, il lui apparaît que la question de la vérité ne peut trouver son lieu privilégié dans l'analyse du jugement, pas plus qu'il n'est possible d'appréhender prioritairement l'être dans sa fonction de copule. Il convient plutôt de considérer l'être dans son aspect véritatif ou, mieux dit, sa fonction d'avération.
La démarche de Heidegger consistera dès lors à mettre en évidence l'articulation première de la signifiance ou de la significabilité qui est directement liée à l'être-au-monde, non pas « hors langue » ou antérieurement à la langue, mais à travers un type originel de « discursivité » — la Rede — qui n'a pas besoin de s'exprimer en « mots » ni en « phrases » mais peut se satisfaire de simples grognements ou de borborygmes. Le poëte illuminé Antonin Artaud fera plus tard son « fonds de commerce » de cette Rede heideggérienne, usant et abusant de la glossolalie. Par ailleurs, il ira jusqu'à prétendre, contre tout bon sens, que le peintre Van Gogh a été « suicidé par la société » !
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
Un malotru
Les coolies népalais sont une véritable plaie pour le promeneur solitaire. Il y a d'abord celui, coiffé d'un genre de fez, à l'air passablement ahuri, qui met son balancier dans l'œil du capitaine Haddock. Mais surtout, il y a cet odieux personnage laid comme un ouaouaron, vêtu d'un slip kangourou beaucoup trop grand pour lui, et qui porte sur son dos un énorme ballot retenu par une courroie qui lui scie le front. Il percute de plein fouet le pauvre capitaine et l'« engueule comme du poisson pourri » tout en grimaçant comme un diantre.
Comme le « monstre bipède » est pénible, et comme Schopenhauer avait raison de nous mettre en garde comme l'imbuvable « autrui » !
(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)
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