« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 7 octobre 2018
Un ennemi tenace
Certains individus superficiels ont cru pouvoir fuir leur Moi et son odiosité en quittant la ville, pour aller en Suisse, en Italie, aux eaux ou aux bains de mer. Durant un temps variable, ils sont tranquilles ; mais ce calme n'est que passager : leur ennemi secret ne tarde pas à retrouver leur trace, et le bourrellement recommence.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Ressemblance trompeuse
Bonnani affirme — mais peut-on croire tout ce qu'il dit ? — que la réalité empirique ressemble à des viscères de poissons. C'est cette ressemblance, dit-il encore, qui l'a fait prendre par beaucoup de personnes pour des intestins de poissons qui auraient été durcis par quelque matière pétrifiante.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Apothéose
Le suicide comme aboutissement du dilettantisme rienesque, comme dernière fantaisie de l'esprit excédé.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Apparition fatale
L'idée du Rien paraît, et voici que tout s'effondre, les états de conscience disparaissent et la « réalité empirique » s'anéantit dans une rémoulade qui ressemble à l'« être logique » des idéalistes allemands. Le sujet pensant en vient à nier le noumène, et sombre bientôt dans le solipsisme de Fichte dont aucune puissance ne pourra plus le tirer.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Débâcle existentielle
Si quelque chose est capable de nous donner une idée de notre faiblesse, c'est bien l'état où nous nous trouvons quand l'excrément « fait sa tête de mule » et s'arc-boute dans le côlon. Incapable de faire aucun usage de son organe culier, le constipé a besoin de secours de toute espèce. Sa vie incertaine et chancelante paraît devoir finir à chaque instant. À peine a-t-il la force nécessaire pour exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Requinquant
Sylvius et plusieurs autres observateurs ont remarqué que les bœufs qui, pendant l'hiver, sont affectés de concrétions biliaires, se guérissent au printemps en mangeant les feuilles et les tiges de chiendent dans les pâturages. De même, il n'est pas rare que des individus qui, pendant l'hiver, sont subjugués par la pensée de se détruire, se guérissent au printemps en mangeant des pâtés lorrains 1 ou du clafoutis.
1. Les pâtés lorrains renferment, dans une enveloppe de pâte feuilletée croustillante à souhait, une farce à base de porc mariné.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
samedi 6 octobre 2018
« Ce petit lénitif, en attendant le reste... »
La présence sous son oreiller de son colt Frontier, symbole, avec son canon de dix centimètres, de la mort accueillante, et la résolution d'y chercher le refuge, sont pour le suicidé philosophique le seul moyen de retrouver le calme.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Anatomie de l'ami de la sagesse
« À l'intérieur des philosophes, est placé un viscère si semblable au cerveau que les anatomistes n'ont pas hésité à lui en donner le nom. Quant à la croûte d'une substance membraneuse qui couvre la tête des "amis de la sagesse", on ne peut, semble-t-il, lui refuser le nom de crâne. Chez certains philosophes, ce "crâne" est terminé par un filet plus ou moins long, comme dans les ichneumons, ou par un prolongement aplati, droit ou courbe, en forme de coutelas, comme dans les sauterelles. C'est un instrument tranchant et perforatif qui leur sert à la fois à disséquer la réalité empirique et à s'insinuer dans les esprits afin d'y déposer leurs concepts. » (Philippe Guéneau de Montbeillard, Encyclopédie méthodique. Histoire naturelle, Panckoucke, Paris, 1787)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Noyade
L'âme n'étant, selon Héraclite, qu'un feu, il en concluait que le comble du malheur était de se noyer, parce qu'alors l'âme s'éteignant dans l'eau, l'on mourait tout entier. D'où la préférence qu'ont de tout temps montré les suicidés du genre pusillanime pour la pendaison et la vénisection : mourir, oui, mais tout entier !
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Hermétisme fécal
« Les alchimistes n'ont pas laissé que de travailler sur les excrémens humains; on a prétendu en tirer un sel auquel on a attribué de très-grandes vertus : il faut dit-on, pour cela prendre des excrémens après qu'ils ont été séchés au soleil de l'été. On fait brûler cette matière jusqu'à ce qu'elle devienne noire ; on en remplit des creusets ou pots, et on la réduit en cendres au feu le plus violent, et de ces cendres on tire un sel fixe ; ou bien on prend des excrémens humains desséchés ; on les arrose avec de l'urine épaissie par l'évaporation ; on laisse putréfier ce mélange, ensuite on le met en distillation ; on mêle ensemble les différens produits qu'on a obtenus, et on réitère plusieurs fois le même procédé. Ce travail est très dégoûtant et d'une parfaite inutilité. » (Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Mis en ordre et publié par M. Diderot ; & quant à la partie mathématique, par M. d'Alembert)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Euphémisme
« L'haeccéité, chère Agnès, est une étrange chose. » (Molière, L'École des femmes)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Atlantide mentale
En certaine île verte de mon cerveau où pousse à présent le sombre corail de la lycanthropie, pleins d'orgueil, de faste et de majesté, s'élevaient autrefois les palais de l'odieux « vouloir-vivre ».
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Frénésie philosophique
« Les philosophes ne sont pas plutôt nés qu'ils cherchent à produire des concepts. Ils se traînent d'abord sur le morceau de réalité empirique qui les entoure, et ensuite ils s'enfoncent dedans, au moins en partie. À mesure qu'ils en ont détaché une petite portion, ils l'avalent ; ils travaillent sur les "phénomènes" comme la chenille de l'hépiale du houblon fait sur la substance charnue des feuilles des plantes. Si on suit pendant quelques jours ceux qu'on aura mis sur un morceau de réalité empirique, on verra ce dernier devenir criblé de toutes parts, les philosophes n'en auront épargné que les fibres les plus tendineuses, ils en auront fait une espèce d'éponge. » (Charles François Bailly de Merlieux, De la philosophie et des philosophes, Imprimerie Royale, Paris, 1738)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Autoblocage
Dans la constipation, le sujet déféquant est, comme le dirait le philosophe Jankélévitch, tout à la fois l'organe et l'obstacle.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Venin
« Il n'est pas rare, en Amérique, de voir le lait des bêtes à cornes devenir un véritable poison, quand les bestiaux ont mangé des plantes dangereuses. De ce nombre sont deux végétaux, connus chez les Indiens sous les noms de hachy et maleraria. Le premier rend le lait tellement vénéneux que la moindre quantité, prise avec le thé, a souvent des suites mortelles, à l'instar de l'idée du Rien chez le suicidé philosophique. » (Alexander Neuman, Sur les propriétés nuisibles que les fourrages peuvent acquérir pour différents animaux domestiques par des productions cryptogamiques, R.J. Schierbeek, Groningue, 1830)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
lundi 1 octobre 2018
Sol phénoménologique de la mondanité
« Le flux ininterrompu de la temporalisation, en tant qu'il assure les toutes premières congruences synthétiques de l'activité intentionnelle, représente en effet le sol phénoménologique le plus profond de la mondanité. » (Raphaël Célis, La mondanité du jeu et de l'image selon Eugen Fink, Revue Philosophique de Louvain, 1978).
— Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami !
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Déception
On ne le sait que trop, vivre suppose d'être soumis à l'usure du temps, au tangage et au roulis de l'existence, à l'haeccéité, bref à tout ce qui fait la condition humaine. Mais on a beau le savoir, il n'empêche que l'on peut éprouver parfois le sentiment d'avoir été bafoué par l'existence, c'est-à-dire de n'être pas ce que l'on aurait souhaité être : une pierre dure rotacée.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Intégration vs. assimilation de l'idée du Rien
Dès son plus jeune âge, l'homme doit se préparer au broiement, assimiler déjà dans son cytoplasme ranci la suave idée du Rien.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Tribulations météorologiques
Lorsque, dans les rigueurs de l'hiver, les vents ont enlevé du haut des billons la neige qui les recouvrait, ou lorsque dans les moments les plus critiques du printemps, le soleil fond cette neige pendant le jour, et que l'eau contenue dans les rigoles régorge sur les billons et s'y gèle pendant la nuit, l'inanité de l'existence jaillit soudain, éclatante, et la pensée de l'homicide de soi-même envahit la pachyméninge d'une façon presque insoutenable.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Acte manqué
« Je possédais un fusil de chasse, dont la détente usée partait souvent au repos. Je chargeai ce fusil de trois balles, et je me rendis dans un endroit écarté du Grand-Mail. J'armai ce fusil, j'introduisis le bout du canon dans ma bouche, je frappai la crosse contre terre ; je réitérai plusieurs fois l'épreuve, le coup ne partit pas : l'apparition d'un garde suspendit ma résolution. Fataliste sans le vouloir et sans le savoir, je supposai que mon heure n'était pas arrivée, et je remis à un autre jour l'exécution de mon projet. » — Qui n'a frémi en lisant cette page des Mémoires d'Outre-Tombe ? Et qui ne s'est demandé, éberlué, pourquoi l'auteur avait eu l'incroyable folie de ne s'être pas muni d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe ?
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Règle numéro 7
Étouffer l'haeccéité sous l'édredon pellucide de l'inaction.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Théorie de l'argumentation
Dans leurs controverses philosophiques, les Anciens, au dire de Vitruve, se servaient de deux sortes de béliers, le bélier suspendu et le bélier à rouleaux. L'un et l'autre étaient composés d'une très forte poutre, armée, à son extrémité, d'une masse de fer qui avait ordinairement la forme d'une tête de bélier : on donnait à cette poutre un mouvement oscillatoire dans un plan horizontal, et on produisait par son moyen des chocs violents qui ébranlaient les concepts de l'adversaire.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
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