samedi 14 septembre 2024

Technique de l'emphysème

 

À celui que sa bonne femme a quitté pour folâtrer avec un garagiste de La Bourboule, Sénèque dit qu'il doit s'estimer relativement heureux car il pourrait souffrir en plus d'un emphysème du cou. Mais ça n'a jamais aidé personne, de se dire qu'il y a pire.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Le piège

 

Il vaut mieux ne pas dénigrer les gens qui ont du succès car on se fait tout de suite accuser d'être envieux et il est caïman impossible de prouver qu'on ne l'est pas. Ces gens à succès, on ne les envie pas, on les trouve au contraire « fucking peussédiques », mais essayez de faire comprendre ça à ces sacrées têtes de piaf.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Les obsédés du percement

 

Tous ces olibrius qui veulent « percer », en littérature ou ailleurs... Qui font des pieds et des mains pour « percer »... Mais tout possédés qu'ils soient par l'idée de percer, la plupart d'entre eux ne perceront jamais. N'est pas Alexis Leger qui veut.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 13 septembre 2024

Nostalgie de Limassol

 

Parmi les noms de ville qui valent le coup, il y a Limassol. Aller à Limassol. Se promener dans les rues de Limassol à poil de Nicosie. Limassol.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pédanterie

 

Pour vous emmouscailler, le pédant procède généralement en deux temps : il commence par rappeler, l'air de rien, qu'il existait chez les anciens Romains l'usage de rompre une paille en signe de promesse ; puis il fait « jore » de se demander si le sagmen (ou herbe sacrée), dans la scène entre Tullus Hostilius et le fécial (Tite-Live, I, 24), ne serait pas par hasard un reste de ce symbolisme. C'est déjà assez pénible, mais le pis, c'est quand il a un compère qui répond : « Ça se pourrait bien, ma foi ! »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un gars à la coule

 

N'en déplaise aux apophatiques, il y a une chose qu'on peut dire de Dieu, c'est qu'il est un type débrouillard. Il a réussi à créer le monde et il serait sûrement aussi fortiche que le Rouquemoute pour casser un coffiot.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

À tout hasard

 

Un conseil de Pline : « Prenez des écailles de tortue, brûlez-les, incorporez la cendre dans du vin et dans de l'huile, c'est souverain pour guérir les crevasses et les ulcères des pieds, des fois que vous en auriez. Sinon tant pis. »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 12 septembre 2024

Attaques surprises

 

La championne italienne de cyclisme Maria Canins savait se montrer incisive quand il le fallait (dans les côtes, par exemple, ou dans les descentes).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Répugnants Hindous

 

Dans son Voyage aux Indes orientales, Wouter Schouten dit que les Hindous ne prennent aucun aliment sans y ajouter de la bouse de vache, et se barbouillent la face et les cheveux avec cette fiente. Ils prétendent que ça protège des maladies, mais on a beau être complaisant, on trouve ça quand même excrêmement douteux.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Mise en échec du scepticisme pyrrhonien

 

Le sceptique Pyrrhon se flattait de posséder une situation d'esprit exempte de trouble grâce à l'ataraxie qui règle les opinions, et à la métriopathie qui modère les passions. Et tout se passait bien jusqu'au moment où il se mit à la colle avec une bonne femme. Parce qu'alors là, oh mes amis ! Parlez de garder son calme ! Et de suspendre son jugement !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Défense du Canaque

 

Pour Leroy-Beaulieu, le Canaque de Nouvelle-Calédonie est belliqueux, voleur et assassin. Pour d'Entrecasteaux, il est cruel et sournois. Mais n'est-ce pas le cas de tout homme ? Qui pense et qui sent ? Alors pourquoi accabler le Canaque ? Surtout qu'il a un point en sa faveur : il a montré un réel esprit de progrès au point de vue agricole — et ça, tout le monde ne peut pas en dire autant !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 11 septembre 2024

Fétiches

 

Le bœuf Apis des Égyptiens, la pierre noire des mahométans, le dieu Tutunus des Romains, que sont-ce sinon des fétiches ? Le monstre bipède a besoin de fétiches. S'il n'avait pas de fétiches, il serait capable de faire une connerie et de foutre le feu à la baraque sans le faire exprès tellement il est con.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Tænia existentiel

 

Personne ne l'en croyait capable, mais en travaillant quotidiennement son en-soi, le philosophe Jean-Paul Sartre parvint à se développer dans l'intestin au point d'atteindre plusieurs mètres de longueur. Maurice Merleau-Ponty lui-même, pourtant blasé en matière de phénomènes, en était soufflé.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Journaux intimes

 

Dans un journal intime, l'auteur raconte qu'il fait ceci ou cela, et nous on a envie de lui dire : « C'est bien, mon gars, continue. » Ou (variante) : « T'es pas fou ? »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Zérumbet zététique

 

Il y a quelque chose de bizarre avec le zérumbet zététique. Parmi les Grecs, Strabon, Ptolémée et Dion Cassius en parlent ; chez les Latins, Pline, Tacite, Ammien Marcellin et Jornandès également. Par contre, Pomponius Mela, Solin, Étienne de Byzance n'en disent rien — quoique Solin, on a la nette impression que ça le démange. On peut noter aussi que Virgile, Ovide, Martial, Claudien, pourtant de vraies pipelettes bavardant de tout et de n'importe quoi, ne font aucune mention du zérumbet zététique.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 10 septembre 2024

Un règlement un peu olé olé


L'article 15 des Dispositions spéciales à la pêche de la morue, qui font partie des lois maritimes en vigueur en Belgique, dit que « le patron de tout bateau revenant de la pêche à la morue, après la déclaration faite par lui en douane de la quantité de chaque espèce de morue par lui importée, devra, au plus tard dans les vingt-quatre heures avant le débarquement du poisson, reconnaître que : premièrement et pour commencer, rien n'existe ; deuxièmement, que même s'il existe quelque chose, l'homme ne peut l'appréhender ; troisièmement, que même si on peut l'appréhender, on ne peut ni le formuler ni l'expliquer aux autres. Si le patron du bateau refuse de reconnaître ces trois axiomes, il pourra se carrer sa morue dans le fiak et son bateau avec. »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Foëne

 

La créature la plus visqueuse n'est pas la femme, comme on pourrait le croire vu son goût pharamineux pour le mensonge, mais l'anguille. À tel point que pour la pêcher dans les flaques d'eau laissées par la marée, on doit se servir d'une foëne. Comportant de nombreuses dents — sept, par exemple, voire neuf —, la foëne permet de capturer aisément ce poisson, presque impossible à saisir autrement. Pour la femme, on n'a encore rien inventé — mais ça va peut-être venir ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une exception : le spirituel Butor

 

Y a-t-il un seul écrivain, un seul compositeur, un seul peintre, qui au soir de sa vie ne se soit fait la réflexion que ses livres, ses sonates et ses tableaux de peinture n'étaient que de la révérence parler merde, que ce n'était pas ça du tout et qu'il aurait mieux fait de consacrer son existence à autre chose ? Y en a-t-il un seul, en plus du spirituel Butor ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Unicité factice de l'autrui lévinassien

 

Est-ce parce qu'il a lu Max Stirner ? Toujours est-il que l'autrui lévinassien se croit unique alors qu'il n'y a pourtant pas plus banal, conformiste et moutonnier que lui — si ce n'est éventuellement l'autrui non-lévinassien mais ce n'est même pas sûr.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 9 septembre 2024

Chouquet

 

L'article premier du statut des bouchers à Paris en 1407 stipule que « nul boucher ne pourra vendre ne appareiller pour vendre aucun porc ne truie qui soient nourris de pension de barbier, de mareschal, ne de mesel ; et, s'il était forfait, en sera la chair portée à hacher sur un chouquet à ce ordonné, et jestée à la rivière de Sayne, et le saing donné aux gardes et varlets du mestier, pour leurs paines et salaires, et la peau au prouffit du roy. » — La chair portée à hacher sur un chouquet ? Voilà encore autre chose ! Et où est-ce qu'ils vont le trouver, ce chouquet ? C'est formidable, ça !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

« Alors raconte » au Silurien

 

Des légions innombrables de mollusques et de crustacés qui peuplaient les mers à l'époque du Silurien, on sait seulement, grâce à un certain nombre de fossiles et d'empreintes de corps organiques (cf. l'ouvrage du paléontologue Wilhelm Philipp Schimper), qu'elles appréciaient les histoires de Ouin-Ouin, et particulièrement celle où Ouin-Ouin va chercher sa femme à la gare de Neuchâtel. À imaginer ces foules de mollusques et de crustacés riant à gorge déployée des mésaventures de Ouin-Ouin, on a des frissons presque partout, on mange du pain d'épice et on oublie pour un instant qu'on est un « être-pour-la-mort ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Manuel de l'artilleur

 

Selon le général Urtubie de Rogicourt, « le canon est un cône tronqué dans lequel on met une certaine quantité de poudre pour chasser un globe de fer ou autres espèces meurtrières et destructives. » Le général ajoute que « quoique tronqué, ce cône est tout ce qu'il y a de plus conique mais ce n'est pas un cône de Roithamer, ce serait plutôt une mansarde Höller si on veut aller par là. » Hélas, il n'explique pas pourquoi « ce serait plutôt une mansarde Höller si on veut aller par là ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Nom dans le Rien

 

Qui rêve de se faire, comme Émile Cioran, un nom dans le Rien, celui-là n'est pas un véritable nihilique. Il veut être reconnu, le pot de pisse !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 8 septembre 2024

Bien essayé

 

Émile Cioran voudrait nous faire croire qu'il a placé sa vie sous le vocable du Rien, mais malheureusement pour lui, il lui est arrivé de passer des vacances à Dieppe avec Simone Boué, alors ça ne prend pas. Des vacances ! À Dieppe ! Avec Simone Boué !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une hypothèse audacieuse

 

Pourquoi les affections gaies semblent-elles agir plus spécialement sur les viscères contenus dans la poitrine, tandis que les passions tristes, comme le chagrin, l'ennui ou la crainte de l'alopécie, portent presque toujours sur les organes abdominaux ? Est-ce que ça n'aurait pas à voir avec... une tête de chien couché ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Le possible, pour quoi faire

 

S'il y a une vie après la mort, elle a intérêt d'être un peu plus excitante que celle-ci. Parce que franchement, celle-ci n'est pas jojo. Une fois qu'on a lu tous les livres et constaté que la chair n'est pas gaie, on s'emmerde comme il faut. Non, ce qu'on voudrait, c'est du possible, mais ça... Et encore, on ne sait même pas ce qu'on en ferait.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

D'inoffensifs hurluberlus

 

« Nihiliques. Hérétiques qui essaient de se distinguer en disant que rien n'est. Ils définissent le monde un margouillis exophtalmique et la vie une indicible rémoulade. Toute chose leur rappelle une tête de chien couché. Comme on les a toujours regardés comme des insensés, on ne voit pas qu'aucune autorité se soit appliquée à les combattre. » (Barthélemy Pinchinat, Dictionnaire chronologique, historique, critique, sur l'origine de l'idolâtrie, Paris, Pralard, 1736)
 
 (Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 7 septembre 2024

Voyage avec un âne dans le désert de l'existence

 

Si c'était à refaire, ce n'est pas pedibus cum jambis que nous traverserions le désert de Gobi de l'existence, c'est sur un mulet de Chamouni. Horace Bénédict de Saussure dit que les mulets de Chamouni sont d'une force et d'une sûreté extraordinaires. Ça nous éviterait de nous fatiguer et d'une, d'attraper des ampoules et de deux. — Et le mulet nous tiendrait compagnie et de trois. Parce qu'il faut avouer qu'on se sent seul, dans ce « monde de néant ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Étude pétrographique de l'Estérel

 

Dans le massif de l'Estérel, la série sédimentaire permienne présente des variations rapides de faciès dues à la présence d'un cône de tuf volcanique dans son trou de balle. L'étude détaillée des affleurements a permis de déterminer avec une quasi certitude qu'il s'agissait du fameux « cône de Roithamer » rendu célèbre par l'écrivain autrichien Thomas Bernhard.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)