« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 18 décembre 2018
Paradoxe
Un jour qu'il était « gonflé à bloc », Lao Tseu aurait, d'après Gragerfis, prétendu que « la vérité c'est l'être, l'erreur le néant ». — Problème de cohabitation avec une belle-mère envahissante ? Fragilité psychologique ? Besoin compulsif d'« épater le bourgeois » ? Peut-on jamais savoir avec certitude ce qui pousse un homme à énoncer un paradoxe ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Mort de Sacrovir
29 septembre. — Après que les troupes de Sacrovir eurent été écrasées par les légions romaines de Silius près d'Autun, en l'an 21 de l'ère vulgaire, le chef gaulois se réfugia avec ses amis dans sa maison de campagne située non loin de la ville. Excédés d'une existence pleine de ronces, de rocs retors et de piquants, ils décidèrent de mettre le feu à l'édifice ; quand la flamme commença à les gagner, Sacrovir se poignarda, et ses compagnons s'entretuèrent. « Tel fut le bûcher qui consuma ces nobles et malheureux défenseurs de la liberté gauloise », déclare Gragerfis après Tacite.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Une tâche surhumaine
Au début de sa carrière, l'homme du nihil ressemble à un héros dostoïevskien écartelé entre l'évidence de n'être rien et le sentiment d'être tout. Enfin... peut-être pas exactement tout, mais du moins un certain nombre de choses : parmi les corps lumineux, le soleil rayonnant ; entre les montagnes, l'Himalaya ; parmi les poëtes dadaïstes, Georges Ribemont-Dessaignes ; entre les mots prononcés, le mot indivisible « reginglette »; entre les lacs, l'océan ; entre les bêtes sauvages, le tigre ; entre les objets purifiants, le vent. Et encore : le temps sans limites, la pénitence des ascètes, le silence des secrets et la science des sages. — Mais il réalise vite que tout cela n'est pas une sinécure. Alors il se recouche — et gémit.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Kinkajou
31 janvier. — Animal étrange même pour les habitants des contrées où il vit, le kinkajou est longtemps resté inclassable. Il a mis à rude épreuve les nerfs de maints naturalistes engoués de nomenclature, et il reste une curiosité biologique parmi les carnivores, tant par sa physiologie que par son comportement.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
lundi 17 décembre 2018
Soustraction
Quel fut le but ultime des « artistes du creux » — au premier rang desquels le suicidé philosophique — si ce n'est de rendre sensible l'impossibilité pour les mortels de sculpter autre chose que le vide ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
De la voracité des tourlourous
25 septembre. — « Il avait attiré les crabes qui le dévoraient ; le tronc du cadavre était déjà percé de plus de trois cents petits trous d'un pouce de diamètre et parfaitement ronds ; il était rempli de ces monstres voraces, qui effrayés par le bruit, en sortaient en nombre prodigieux. On comprendra combien cette triste rencontre dut ajouter à la disposition chagrine de mon âme, déjà bien ennuyée de la monotonie de ce désert. » (Sylvain de Golbéry, Fragments d'un voyage en Afrique, Treuttel et Würtz, Strasbourg, 1802)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Pis-allers
Pour réduire le Moi, le seul moyen convenable est l'homicide de soi-même. La fréquentation des cafés, les blagues, la lecture des journaux et la consommation de vodka ne sont que des pis-allers.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
« En Pologne, c'est-à-dire nulle part »
2 février. — « Tous les aliments qu'on tire du règne animal sont, chez le paysan polonais, sinon totalement inconnus, au moins extrêmement rares. Sa nourriture ordinaire se compose de différentes espèces de grains mondés, de pois et de pommes de terre. Il consomme aussi une quantité incroyable de choux, de carottes qu'il acidifie, de sauerkraut, et d'autres antiseptiques. Je dois surtout fixer votre attention sur un mets du pays, nommé barszcz. C'est une soupe composée d'orge ou de gruau, cuits avec des carottes ou des choux acides, et qui forme un mets aussi sain qu'agréable au goût. C'est à ces aliments que le Polonais, respirant un air infect et brûlant dans sa cabane étroite, est redevable de n'être affecté que légèrement du scorbut, tandis qu'il devrait s'attendre au plus violent degré de cette maladie. Il s'en ressentirait encore moins si l'intempérance dans les boissons n'était pas, parmi le bas peuple, portée à un tel excès qu'on ne voit rien de semblable dans aucun autre pays. » (F. L. de Lafontaine, Traité de la plique polonaise, Méquignon, Paris, 1808)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
dimanche 16 décembre 2018
Tangente
Parfois, pour éviter les avaros, il vaut mieux mettre les adjas. Ne serait-ce pas de ce constat qu'est née la belle idée de l'homicide de soi-même ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Eskimos
Les Eskimos sont des populations des régions polaires, qui habitent le Groenland et la région comprise entre la baie d'Hudson et le détroit de Béring. Ils vivent sous des tentes ou dans des igloos. Leur nourriture est constituée par les produits de la chasse et de la pêche.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
16 août. — Je déclare par la présente l'absolu inaccessible à l'esprit, et futile toute métaphysique ontologique. Pour valoir ce que de droit.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Atmosphère
Les faubourgs du pachynihil forment une banlieue anonyme, indiscernable de celles d'Orléans, de Milan, de Vienne, de Rosario, de bien d'autres encore dont la ressemblance a sans doute procuré aux rêveries du suicidé philosophique leur médiocre et sinistre décor.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Page de journal
29 décembre. — Au cours des fêtes appelées Thargélies qui se célébraient en mai en l'honneur d'Apollon, deux « pharmakoï », parés l'un d'un collier de figues blanches, l'autre d'un collier de figues noires, étaient escortés à travers la ville ; on les frappait à coups de branches de figuier et de tiges d'oignons marins (en grec ancien skilla, scille), et on les expulsait hors de la cité pour écarter avec eux les souillures dont on les supposait chargés.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
samedi 15 décembre 2018
La douce fragrance du pachynihil
Il émane des morgues et des cimetières comme les effluves de népenthès puissants, dont l'influence ne porte nullement à quelque mélancolie désabusée, mais fait pressentir l'alliance merveilleuse avec le Rien, longtemps désirée en vain, quelque chose comme le pardon qui accueille l'enfant prodigue.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Versatilité démoralisante du vocable
Suivant l'exemple du hardi Furetière, je m'empoigne avec l'infinie duplicité du langage. Je dis « la sole » et je vois alternativement : une plaque cornée formant le dessous du sabot d'un animal ; une pièce de charpente disposée pour soutenir le bâti d'une machine ; le fond d'un bateau sans quille ; la partie à peu près horizontale d'un fourneau d'affinerie ; un genre de poissons plats, ovales, qui habitent les fonds sablonneux de la mer et sont très recherchés pour la délicatesse de leur chair.
— Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
29 janvier. — À chaque instant, l'étant existant s'enlise dans la boue sanglante des possibles qu'il extermine incessammment. L'haeccéité est un holocauste.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
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