lundi 22 octobre 2018

Silence


Notre silence n'est en général, si l'on peut dire, que la cessation du bruit, mais dans la pensée de l'homicide de soi-même règne un silence d'une telle profondeur que personne ne consent à l'endurer plus d'une trentaine de secondes. Car non seulement on y entend le bruit de tam-tam que font les battements du cœur, mais le craquement amplifié des os à chaque mouvement, et le sifflement du sang dans le viscère. Cela inspire des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

dimanche 21 octobre 2018

Interlude

Jeune femme s'apprêtant à lire Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Parties rares, parties maigres


Une partie d'un espace topologique est dite rare si le complémentaire de son adhérence est partout dense. Une partie maigre est une réunion finie ou dénombrable de parties rares. — « Ah bon ! » s'exclame l'homme du nihil, rassuré.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Préparatifs


« Il faut que le suicidé philosophique, après avoir bien étudié la configuration de son Moi, l'ait tellement présente à la mémoire, qu'il puisse, sans la voir, en donner un dessin exact ; car les parties molles, le sang, le pachynihil, masquent les circonvolutions et les anfractuosités que le couteau doit parcourir ; il ne pourra donc pas être, en général, convenablement dirigé, sans la condition que nous venons d'énoncer. »  (Jacques Lisfranc, Précis de médecine opératoire, Paris, 1846)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Illumination


L'échec, voilà l'idée !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Liqueur antiputride


« On conçoit que la partie dominante de la liqueur de M. Faure de Beaufort étant l'acide vitriolique, la propriété qu'a cet acide de s'unir aux parties alcalescentes et de les neutraliser la rend propre à prévenir ou même à corriger la corruption du Moi. La plupart du temps, une cuillerée à soupe de cette liqueur suffit à subjuguer entièrement et définitivement le "sinistre polichinelle". » (Lavoisier, Rapport sur un moyen d'éviter la corruption du Moi, 1773)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Sur les traces de Péladan


L'exercice défécatoire me rapproche des mystagogues et illuminés.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Assez


À quoi bon tenter d'appliquer des critères de pathologie à l'attitude de l'homme qui refuse de sortir de son lit le matin et se cache sous sa couverture ? À quoi bon le traiter de fléau dangereux, de fâcheux choléra, de vieux rat mort, de gâteux sans remède, de vil insecte, de potiron ? Il n'en a cure et nulle puissance au monde ne le fera bouger. Il en a tout simplement assez.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

L'archétype du raté


Personne ne veut être Soupault.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Macération


Dans un essai de son recueil Fragmentarium, Mircea Eliade rappelle que « la saleté du corps, le grouillement des parasites, les haillons, les maladies dégoûtantes (lèpre, lupus, gale, etc.) sont recommandés par de très nombreuses techniques ascétiques, au moins comme exercices préliminaires. » Cela est vrai, sans doute, mais quant à l'homme du nihil, il fait fi de tels stratagèmes. La temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité suffisent à sa macération.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Règle numéro 9


Comme Ribemont-Dessaignes, conserver le sens du sarcasme et s'interroger incessamment sur le mystère indéchiffrable de l'univers.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

samedi 20 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

À vous rendre maboul


Comme le panoptique des frères Bentham, l'haeccéité crée un angoissant « sentiment d'omniscience invisible » chez celui qui en est affecté, car il ne peut jamais savoir s'il est observé ou non.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Fait religieux


Les moines camaldules portent l'habit blanc et la barbe pleine, au dire de Gragerfis. 

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Une affreuse maladie


« C'est avec un juste sentiment de défiance dans mes forces que je viens vous entretenir de l'idée du Rien, maladie dangereuse et dégoûtante à la fois, qui condamne ceux qu'elle atteint à vivre loin du monde, à charge de la société ainsi qu'à eux-mêmes ; qui les fait languir dans des infirmités repoussantes, et les fait souvent mourir dans un marasme affreux. » (Guillaume Dupuytren, Leçons orales de clinique chirurgicale, Vol. 4, Germer Baillière, Paris, 1839)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Dernières paroles du logicien


Il est le cas que je meurs.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

La grande évasion


Encellulé depuis sa prime enfance dans le cachot fétide de la raison pure, l'homme n'a de cesse de s'en échapper, mais quand il y parvient enfin, c'est pour déboucher dans le marécage du néantisme, c'est-à-dire une des formes innombrables de ce scepticisme radical et final qui ne reconnaît pas de support, de plancher ni même de tasseau à l'univers !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Médiumnité nihilique


Contrairement au pénible Hugo, le suicidé philosophique ne sacrifie pas au goût de son siècle en versifiant, entre deux grand élans de son génie, des sensibleries prudhommesques. Sa place est parmi les grands inspirés de tous les âges. Il les rejoint par sa perméabilité à la voix mystérieuse qui court et germine au fond des forêts obscures de l'esprit humain : celle du Rien.

(Marcel Banquine, Exerices de lypémanie)

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

De l'existant marcellien


Qu'est-ce donc qui peut être considéré comme existant ? À cette question, la philosophie marcellienne répond sans ambiguïté : « Rien ne peut être dit exister que ce qui peut entrer en relations de contact, en relations spatiales avec, révérence parler, mon corps. Il est illusoire que je m'oppose en tant que moi pensant, à la réalité spatiale dans laquelle je plonge et à ce moi étendu que je suis. »

— « Oui, eh bien, c'est ce qu'on va voir », rétorque le suicidé philosophique en empoignant son colt Frontier au canon de dix centimètres, à la merveilleuse précision.


(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Paranoïa ?


L'être est une cabale où trempent le réel et mon intérieur frit.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Lecture de Fichte


13 juillet. — Commencé la lecture des Méditations personnelles sur la philosophie élémentaire de Johann Gottlieb Fichte. Quel voyage assommant dans les couloirs méandreux de l'idéalisme allemand ! Il me rappelle celui qui me mena jadis de Montréal à Toronto, durant lequel, à part la vue d'une campagne d'apparence fertile, on ne voit sur tout le parcours que des villes peu importantes telles que Prescott, Brockville, Cornwall.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 19 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Crabe estropié


Selon Gragerfis, l'homme du nihil acharné à dilacérer son Moi « présente quelque similitude avec ces crabes dont on a brisé les pattes dans le milieu de quelques-unes de leurs parties, soit cuisse, jambe ou tarse, et qui se hâtent, par un mouvement brusque d'extension, de détacher le tronçon de la partie brisée et se mettent ainsi à l'abri de l'hémorragie qui les ferait périr. »

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Un amateur de racines


L'existence farouchement radicivore du solipsiste.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Sidération du Dasein


« Quand la douleur corporelle se trouve écrasée par les réalités bétonnées de l'objet, la douleur psychique se perd, elle, dans l'inconsistance du vide, courant d'un objet à l'autre, qu'elle s'obstine à solliciter comme vital et à rejeter comme détestable, et sachant, rappelons-le, que l'être peut aussi bien se tenir, pour les mêmes raisons, dans l'apparente sidération. » — Les « réalités bétonnées de l'objet » ! Comme cela est beau et nous émeut au suprême !

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)