samedi 2 février 2019

L'hygiéniste parle


« Je suis le sergent d'armement Touraine et votre chef instructeur. Ici, vous n'êtes que des vrais connards, est-ce que c'est clair ?

Tous : Chef, oui, chef !

Sergent Touraine : Ici, il est interdit de boire et de fumer ! Vous devez manger cinq fruits et légumes par jour ! Vous allez durer, bande d'enfoirés ! Est-ce bien clair ?

Tous : Chef, oui, chef !

Sergent Touraine : Mon cul, je n'entend rien ! Montrez-moi que vous en avez une paire !

Tous : Nous allons durer, chef !

Sergent Touraine : C'est ça ! Sinon, vous me ferez du parcours à en crever la gueule ouverte !! Vous me ferez du parcours à en têter du p’tit lait par le fion... »


(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Idée fixe


Quand je me promène, insoucieux des chausse-trapes, dans le steppe interminable des heures vagues, ma morosité me ramène à ce point fixe : l'extinction des possibles.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Graine de panais


23 décembre. — « Une dernière observation dont il faudrait justifier l'authenticité, car je ne peux la garantir, c'est qu'on doit éviter que les chats se couchent sur les sacs dans lesquels serait contenue de la graine de panais. Les agriculteurs, soit par tradition, soit par expérience, prétendent qu'elle ne pousserait pas. — Signé, le Sous-Préfet de Morlaix, Duquesne. » (Nicolas François de Neufchâteau, Résultat des expériences sur la carotte et le panais cultivés en plein champ, Paris, Bossange, 1804)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Dualisme minoen


Les scènes de défécation représentées sur les fresques de Knossos montrent bien le dualisme fondamental de la société minoenne : l'extrême élégance de l'art au service des plus nocturnes phénomènes vitaux. Tel un « boyau culier », le monde des anciens Crétois paraît être régi par des forces profondes, des impératifs dyonisiaques, des impulsions telluriques. On est loin de l'intellectualisme des Milésiens, incomparablement plus riche en fibres, solubles et insolubles !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Visite au Jardin des Plantes


Oh ! La grotesque arithmologie de ces campanulacées !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Envahissement par le pachynihil


20 décembre. — « L'apparition de l'idée du Rien s'accompagne en général de divers symptômes : les malades sont atteints d'une morosité sombre et d'une accablante mélancolie ; ils ne peuvent triompher de l'état de tristesse qui les gagne. Il survient dans les forces un état extraordinaire de lassitude et de foiblesse, qu'aucun repos ni aliment ne sauroient réparer. — Mais presque aussi souvent, les malades n'éprouvent rien qui fasse soupçonner l'invasion profonde de cette idée affreuse ; et le pachynihil a déjà poussé des racines profondes, qu'on s'aperçoit à peine du danger qu'il entraîne. » (Jean-Louis Alibert, Précis théorique et pratique sur les maladies du Moi, Paris, Caille et Ravier, 1818)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

vendredi 1 février 2019

Interlude

Jeune fille lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Un moderne Fantômas


L'excrément joue, dans l'imaginaire moderne, le rôle que tenait jadis dans le roman policier le fameux « Homme-aux-verres-fumés » si bien décrit par Pierre Véry dans Les Métamorphoses : « l'empereur de l'épouvante, le maître des transformations saugrenues, celui qui modèle à volonté son visage et dont le costume, perpétuellement changeant, défie toute description ; celui à qui ne s'applique aucun signalement..., celui sur qui les balles ne portent pas, sur qui s'émoussent les lames, qui absorbe les poisons comme d'autres le lait ». — Ces quelques traits ne peignent-ils pas le « Suisse » tout entier et tout nu ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Branle du Poitou


Indifférent au cataclysme destinal, à la tragi-comédie du devenir, comment trouvé-je encore le ressort suffisant pour bousculer le squelette vermoulu de l'historicité 1, et le mien propre ?

1. Rappelons que l'historicité « se dit du Dasein dans son avoir-à-être ».

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Saucissons


19 décembre. — « Elles [les matières accumulées] peuvent former des saucissons ayant une consistance uniforme de mortier épais, des scybales au-dessus desquelles sont des matières molles ou liquides. Le n° 363 du musée Dupuytren montre l'iléon obturé par une seule boule fécale concrète du volume d'une grosse noix. — La quantité des matières peut aller à quatre livres (Lévi), — et même à treize livres (Lemazurier). » (A. Duchaussoy, « Anatomie pathologique des étranglements internes », in Mémoires de l'Académie impériale de médecine, Tome 24, Paris, J.-B. Baillière, 1860)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille assise sur les œuvres complètes de Francis Muflier

Sacralité du « cas » en Afrique


Hermann Baumann discerne dans l'ensemble des mythes africains la figure d'un démiurge guérisseur, démon de la campagne et du maquis, qui trouve habituellement sa matérialisation concrète dans l'excrément. Parmi ces dieux malodorants, on peut citer, au premier plan, Kaggen des Boschimans, Nava, des Khun, Gamab, des Heikom et des Bergmada, Hise des Naron, Huwe des Khun de l'Angola, mais il faut aussi mentionner comme leur étant étroitement apparentés Tule chez les Azande, Tere chez les Banda, Mba chez les Babua, Nvene chez les Mogwandi, Azapane chez les Mangbetou et Leh chez les Barambo, participant dans une mesure variable de deux types extrêmes particulièrement nets : Kaggen, l'étron fuselé — le « cigare japonais » — qu'adorent les Boschimans, et Ananse, l'excrément en forme de tourte vénéré par les Aschanti, à l'ouest du Soudan.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Rien n'arrive (sauf la mort)


Heureux celui qui, comme Schopenhauer, pense que seul le pire arrive. En fait, rien n'arrive : c'est toujours l'ennui, le vide, la léthargie, à perte de vue...

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Férillet et le Rien


22 décembre. — « Dans ses Exercices de lypémanie, Férillet évacue sciemment les paysages urbains au profit du Rien, désert improbable parsemé de ronces, de rocs retors et de piquants, espace désespérant dont Shelley déjà disait l'oppressante mélancolie. » (Edmond Jaloux, Introduction à l'histoire de la littérature française, Genève, Pierre Cailler, 1946)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 31 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Dévitalisation


L'assimilation au Rien vers laquelle tend le suicidé philosophique s'accompagne obligatoirement d'une diminution du sentiment de la personnalité et de la vie. Le suicidé philosophique mime le minéral — schiste, gneiss, feldspath, grauwacke selon les cas — et dissimule ou abandonne ses fonctions de relations. La vie recule d'un degré.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Apostrophe au Mômo


Le souffle du pachynihil congèle la pensée, précipitant la stratification puis l'érosion de l'esprit. Pas vrai Artaud ?

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Silence perpétuel


28 octobre. — « Tascodrugites. Hérétiques qui ont paru en Phrygie vers l'an 182, étoient des disciples de Montan, qui voulurent se distinguer par une certaine façon de prier. Ils enseignoient que le silence perpétuel étoit le précepte divin. Ils portoient un petit bâton ou le doigt sur le nez et sur la bouche pendant leurs prières, afin d'imposer le silence à tous les spectateurs. C'est de là qu'ils furent appelés Tascodrugites, des mots phrygiens tascos, qui signifie bâtons, et druque, qui signifie nez. Les Grecs leur donnèrent le nom de Patalorinchites, et les Latins de Paxillanasons, qui ont la même signification que Tascodrugites. Ils dansoient dans leur temple autour d'un outre, prétendant qu'ils étoient eux-mêmes les outres remplis du vin mystique dont il est parlé au Chap. 9 de S. Math. Comme on les a regardés comme des insensés, on ne voit pas qu'aucune autorité se soit appliquée à les combattre. » (Barthélemy Pinchinat, Dictionnaire chronologique, historique, critique, sur l'origine de l'idolâtrie, Paris, Pralard, 1736)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Monarque temporaire


Il semble bien qu'il faille reconnaître dans l'excrément un exemple du monarque temporaire, prêtre, sorcier et dieu tout ensemble, si bien défini et illustré par Frazer. Les témoignages de Platon, de Strabon et de Denys d'Halicarnasse se laissent aisément interpréter à cette lumière.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 30 janvier 2019

Avant-dernier refuge


Las de l'inanité d'une existence convulsive, mastiquer les filandreuses fougères de l'aliénation mentale.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Aromatique


20 décembre. — « L'idée du Rien est d'une saveur douce, légèrement aromatique et qui rappelle le goût des culs d'artichaut. Sous toutes les formes, c'est un aliment agréable et substantiel. » (M. Bagot, De l'idée du Rien considérée comme pouvant servir d'auxiliaire à la culture de la pomme de terre, Paris, Librairie agricole de Dusacq, 1847)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Espace noir


À la question : « où êtes-vous ? », les suicidés philosophiques répondent invariablement : « je sais où je suis, mais je ne me sens pas à l'endroit où je me trouve. ». L'espace semble à ces esprits dépossédés une puissance dévoratrice qui les poursuit, les cerne, et les digère en une phagocytose géante. À la fin, il les remplace. C'est ce qui arriva au poëte lausannois Edmond-Henri Crisinel, dit « le Nerval vaudois ». Le 25 septembre 1948, se sentant devenir « de l'espace noir, où l'on ne peut mettre de choses », il choisit de se donner la mort en se jetant dans le lac Léman.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Ça commence bien...


Clinique du Grand Rien, deux heures de l'après-midi. J'attends mon tour dans une atmosphère d'éther et de crachats, recroquevillé sur une chaise en fer qui me brûle l'échine. Diable ! Que la vie s'annonce glaciale !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Poiscaille


16 décembre. — « La définition que nous venons de donner, exclut de la classe des poissons les familles aquatiques des amphibies, des phoques, des lamantins et des cétacés, comme les baleines, les dauphins, qui sont tous des animaux vivipares, à sang chaud, et respirant l'air par des poumons. De même les grenouilles, les salamandres, les tortues de mer, ne sont pas des poissons non plus que les mollusques, soit nus, comme les seiches, les poulpes, les lièvres de mer ; soit testacés, tels que les moules, les pétoncles, les huîtres, les buccins, les pourpres, les cônes, et autres animaux à sang blanc, et sans vertèbres, que le vulgaire appelle très-improprement poissons à coquilles, ou les crabes, les homards et autres crustacés, qui sont des races voisines de la grande classe des insectes. » (Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, Tome XXVII, Paris, Deterville, 1818)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mardi 29 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Jettatura


Le nom de stercoris, prophète, que les anciens ont donné à l'excrément, est significatif. Son apparition annoncerait la famine, sa sinistre teinte un malheur à toutes les créatures qu'il dévisage. Aristarque rapporte qu'on lui attribuait le mauvais œil. On emploie son nom pour désigner les gens insolents. À Rome, son pouvoir magique était très connu : si quelqu'un tombait malade, on lui disait : « l'excrément t'a regardé ». Il paraît même avoir joué un rôle religieux défini : il figure en effet sur une monnaie proserpinienne, à côté de l'épi sacré des Mystères d'Éleusis. Dioscoride enfin rapporte qu'on l'utilisait comme médicament.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)