vendredi 18 octobre 2024

Un gars bruyant

 

Né en 1883 à Paris, mort en 1965 à New York, Varèse a traversé son siècle comme un marginal et un solitaire, selon le mot de Pierre Boulez. Mais le bruit qu'il a fait, pour un marginal et un solitaire ! Inimaginable. Des sirènes, des bruits de camion, des rugissements... Qu'est-ce que ç'aurait été s'il avait été sociable... On frémit rien que d'y penser.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 17 octobre 2024

Conseils à un jeune poëte


« Tu peux écrire des poëmes, ça ne fait de mal à personne et à vrai dire tout le monde s'en tamponne le coquillard ; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement. Non mais tu écoutes ce que je dis, là ? Bon sang ! Il n'écoute même pas, le con ! »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Solitude du normal

 

Quand on croit déceler dans chaque personne que l'on rencontre les symptômes de la démence, on commence par se sentir soulagé de ne pas être semblable à ces mabouls, et puis très vite on se sent « seul comme Franz Kafka ». Alors pour ne plus y penser, on se lance dans les préparatifs d'une noce à la campagne ou on écrit une « lettre au père ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Des méchants

 

Ce qui rend les écrivains comiques, ce sont les efforts qu'ils font pour trouver quelque chose d'intéressant et de profond à raconter. Regardez-les patauger ! En plus, ils n'ont pas compris que l'intéressant ne nous intéresse pas. Et le profond encore moins. Aux chiottes, l'intéressant et le profond ! Aux doubles-vécés ! Nous, ce qu'on veut, c'est des méchants. Des méchants, compris ? Ce n'est quand même pas compliqué !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Self-control

 

Chacun, une fois dans sa vie, a eu la tentation d'envahir un pays — sans que ce soit d'ailleurs nécessairement la Pologne. Oui mais voilà : un homme, ça s'empêche (comme l'a dit fort justement Albert Camus).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 16 octobre 2024

Tout ça pour ça

 

Quand on y réfléchit, Commode avait le droit d'être furax. Échapper au poignard de Quintianus, à celui de Quadratus, au complot de Maternus, pour finir étouffé par un esclave — le fameux « athlète Narcisse » —, il y avait de quoi l'avoir sec.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Humilité du poil de fiak


 
Préposé à la régulation thermique du Dasein, le poil de fiak fait son travail en silence, modeste rouage de la grande machine de l'univers.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Tuf de Pausilippe

 

Si vous voulez vous procurer du tuf de Pausilippe, allez faire un tour du côté des champs Phlégréens. C'est dans le golfe de Pouzzoles, au nord-ouest de Naples. Là-bas, du tuf de Pausilippe, il y en a en veux-tu en voilà. Mais attention, il peut y avoir des inclusions de piperno, dans ce tuf. Et les inclusions de piperno, c'est comme l'existence, ça fait mal au fiak.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Démenti

 

Dans sa chanson Les Copains d'abord, Georges Brassens affirme que son bateau favori, celui qui « naviguait en père peinard sur la grand mare des canards », n'a jamais congédié le célèbre situationniste Guy Debord, ni même envisagé de le faire. Il s'agit selon lui d'une rumeur absurde.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 15 octobre 2024

Congédiement de Debord

 

Dans son Navigateur en solitaire, Joshua Slocum raconte qu'à un moment de sa traversée, à la fois pour éviter une baleine et parce qu'il n'en pouvait plus de la suffisance de l'auteur de la Société du spectacle, il vira Guy Debord (de son esquif, comprenons-nous).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un champion du concept


Les bonnes années, le philosophe Gilles Deleuze pouvait produire jusqu'à une grosse de concepts, ce qui correspond à une moyenne de presque trois concepts par semaine. Foucault, Derrida, Lyotard, Kristeva étaient loin, très loin derrière. Et attention : que du fait main, pas du made in China. Du solide, du qui vous fait de l'usage. Le rhizome, le pli, la machine-organe... Des concepts comme ça, on n'en fait plus, ce ne serait pas rentable.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Hallucination

 

La vie, la réalité empirique, l'autrui lévinassien, il est douteux que tout cela soit un rêve. Calderón doit se tromper. Il s'agit plus sûrement d'une maladie de la « calebasse ». Quelque cochonnerie — un streptobacille ? un spirochète ? — fait qu'on voit des choses qui ne sont pas. Pourvu que ce soit ça !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un rêve impossible

 

Si l'on pouvait, à soi seul, constituer un genre dans la nomenclature binominale de Linné, on aimerait que ce genre terminât les myriapodes et la branche isolée des arachnides crustacéens. Mais c'est compliqué, il faudrait connaître des gens, et puis ça risquerait de créer un sacré chambard. Il vaut sans doute mieux ne plus y penser.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 14 octobre 2024

Barbares

 

Si quelqu'un, dans un esprit de prosélytisme, s'était avisé de porter l'idée du Rien chez les Gélons ou chez les Daces, il est probable qu'il se serait pris un coup de massue sur le cassis. Et pareil chez les Alains et les Sicambres. Tous croyaient dur comme fer au « quelque chose ». Et avec les barbares, il vaut mieux ne pas insister car ils pensent tout de suite que vous les avez « mal regardés ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Échec de la philosophie à dérider Foucault

 

Morose de nature, et même neurasthénique, Michel Foucault attendait de la philosophie qu'elle le déridât, mais cela ne se produisit pas. Il y a beaucoup de sa faute, à vrai dire, car il avait le don de choisir les thèmes les plus déprimants : la folie, la prison, la « mort de l'homme »...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Contamination

 

À force de manipuler la réalité empirique avec ses gros doigts, la philosophie lui a communiqué une odeur nauséabonde, très désagréable, et qu'il est extrêmement difficile d'éliminer. Même les acides végétaux sont sans effet. Bravo, les philosophes, ça c'est du boulot.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Fugit tempus

 

Ayant poussé la porte étroite qui chancelle, le gars Verlaine s'est promené dans le petit jardin. Ça faisait trois ans qu'il n'était pas venu mais rien n'avait changé. Le plâtre de la Velléda s'écaillait un petit peu, mais à part ça tout était pareil. Comme quoi ! Hein ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 13 octobre 2024

À la Schiffter

 

Fade et velléitaire, on est un insipide sans suite (dans les idées).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Coup de bambou

 

Quand soudain on se rend compte qu'on existe, on éprouve un sentiment fiévreux de terreur et de mélancolie que ne parviennent à dissiper ni le mouvement de la voiture, ni l'aspect de Paris, ni l'éloignement relatif où l'on se trouve des aliénés. C'est terrible... — Oui, c'est terrible, il n'y a pas d'autre mot.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Clupanodon pilchardus

 

Henri-Jules de Bourbon, fils du grand Condé, s'imaginait parfois être transformé en pilchard et nageait alors de toutes ses forces. Saint-Simon le décrit comme un personnage odieux : « Fils dénaturé, cruel père, mari terrible, maître détestable, pernicieux voisin, sans amitié, sans amis, incapable d'en avoir, soupçonneux, inquiet sans aucune relâche, plein de manèges et d'artifices à découvrir et à scruter tout, à quoi il était occupé sans cesse. » — Sans amis... soupçonneux... inquiet... se prend pour un pilchard... On a du mal à ne pas se reconnaître !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Don't ask the dust

 

Si tu veux savoir pourquoi il y a en général de l'étant et non pas plutôt rien, ne demande pas à la poussière, ce serait une perte de temps, demande à Badiou. Il est philosophe, il doit savoir.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 12 octobre 2024

Congre debout

 

Alain Robbe-Grillet a réussi pendant des années à se faire passer pour un écrivain alors qu'il n'a seulement jamais pu agencer une phrase qui tenait debout. Et quant à raconter quelque chose d'intéressant... Mais il faut dire qu'il savait nager, le copain. Un vrai congre. Mieux dit : un congre debout. Pour toutes ces raisons, et compte tenu de ces faits saillants, nous le déclarons un pot de pisse.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Gloutonnerie

 

Parmi les créatures dont la voracité est telle qu'on peut les regarder comme véritablement insatiables, il faut citer en première ligne le glouton, animal qui se trouve dans les provinces septentrionales de la Suède ; et en deuxième ligne notre ancienne bonne femme, qui a d'ailleurs fini par ressembler à un hippopotame tellement elle s'empiffrait.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pilifères

 

En différents endroits de Strabon et de Pline, il y avait des poils. Le géographe et le naturaliste étaient pilifères !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un insecte excessivement susceptible

 

Le gloméris, animal arthropode voisin du cloporte, peut se mettre en boule si on lui demande où il a passé la soirée et avec qui. Il ne supporte pas qu'on ait l'air de le soupçonner. Plus que le débonnaire cloporte, il a la tête près du bonnet.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 11 octobre 2024

Erreur de parallaxe

 

Ce que les gens appellent leur vie n'est souvent qu'un assemblage à symétrie pentagonale de pièces calcaires articulées. Mais ça n'a pas l'air de les déranger plus que ça. Et si ça leur convient, de confondre leur vie avec l'appareil masticateur des oursins, ça nous convient aussi.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Courges, gaz et mondanités

 

Si le luffa — qui est le nom scientifique de la courge-torchon — peut servir à confectionner de jolies vanneries artistiques, le loufer — qui désigne le largage discret d'une vesse — permet d'asphyxier ses contemporains, comme ne l'ignorait pas le négateur Émile Cioran passé maître en cet art.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Universalité de la détestation

 

Nous est avis qu'il faut haïr tout le monde ou personne. Et nous, justement, c'est tout le monde. Alors ce n'est pas la peine de pousser.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Superstitions

 

En ce temps-là, l'homme croyait qu'il y avait de l'être. Alors il marchait, il ouvrait des portes, montait des escaliers, etc. Comble de bizarrerie, il pensait donner du sens à sa vie en fabriquant des romans, des sonates, des tableaux de peinture, etc. Ces coupables superstitions se maintinrent longtemps et ne purent être réprimées que par des édits sévères de Constantin et de Justinien.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)