jeudi 18 août 2022

Tuyères intimes

 

Jeune, on rêve de devenir ornithologue et d'étudier les tuyères intimes des volucres (éperviers, xéniques, rossignols). Et puis on se retrouve, on ne sait comment, à se consacrer au Rien... Ça se fait comme ça... Les hasards de la vie... Ça vous tombe dessus...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 17 août 2022

Papules

 

On reconnait le nihilique aux exquises papules que fait naître l'idée du Rien sur son enveloppe cutanée. Ces papules, hélas, sont vouées à se répandre sur le sol grenat, une fois le nihilique devenu, pour le meilleur ou pour le pire, un suicidé philosophique. De fait, quand on saute d'un septième étage, les papules explosent littéralement !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Derrière le masque

 

Dès son plus jeune âge, la femme porte un masque destiné à faire croire à l'homme qu'elle est « du champagne pétillant de mystère ». Mais derrière ce masque, que trouve-t-on ? Le vide, l'inertie, l'opacité, la turpitude.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Esse et percipi

 

Jean-Paul Sartre était un piètre penseur doublé d'un être puant, mais il a raison sur un point : dès le moment que Husserl fait du noème un irréel corrélatif de la noèse et dont l'esse est un percipi, il est totalement infidèle à son principe. Oui, cela est vrai. Mais qu'est-ce que cela nous fait, à nous (comme dirait le professeur Basile Munteanu) ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Transpercement de l'étant existant

 

Certains voient le pachynihil comme une gargousse, quand d'autres reconnaissent en lui un grappin polycéphale. C'est en tout cas une arme puissante qui perfore géométriquement l'étant existant et le transperce de part en part (comme une maritorne hirsute mettant à la broche une volaille pour la faire rôtir).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 10 août 2022

Un gueulard

 

Plus encore que Pierre L'Ermite tonitruant à travers les villes paisibles de la chrétienté, Savonarole prêchant contre la corruption du clergé ou John Knox éméché haranguant ses ouailles, le Moi est la figure de l'imprécation. C'est bien simple, il ne peut jamais fermer sa gueule.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Ruade

 

Exécuter une dernière ruade contre le monde, c'est ce que fait le suicidé philosophique en accomplissant son geste fatal. Mais pour y arriver, il doit d'abord mobiliser tout son fluide néantique !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Défaut de prononciation du monde

 

Les voussures scintillantes du monde font mal aux yeux, mais ce ne serait encore rien si ce monde n'était en outre aussi atrocement zozoteur !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Orbières et foi sursolide

 

Les orbières sont ces morceaux de cuir hémisphériques qu'on met sur les yeux d'un mulet pour l'empêcher de voir sur le côté. Quant au terme sursolide, il se dit de la quatrième puissance d'une grandeur (le carré du carré). « Toute tentative de sédition nihilique se heurte aux orbières incrustées de la tourbe sociale, aux carapaces de la foi sursolide », a dit le poëte. Et cela est vrai, tristement vrai.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 9 août 2022

Symptômes du pachynihil

 

L'idée du Rien est une idée difficile à porter, et qui se révèle la source de nombreux maux. Ainsi, le nihilique souffre de neurasthénie, d'inertie intellectuelle, de rêverie lucide et — mais c'est le cas de tout le monde, sans doute — de la peur — justifiée dans son cas vu son degré de causticité — de la solitude.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Ça ne prend pas

 

Certaines personnes du sexe, pour se rendre intéressantes, font « jore » qu'elles se posent des questions existentielles. Il y en a qui vous font discrètement connaître qu'elles ont « lu du Kierkegaard » — et même, pour les plus extrêmes, qu'elles ont « lu du Cioran ». Mais ça ne prend pas.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Liqueur d'ontologie

 

Certains métaphysiciens peu scrupuleux pressent l'ontologie comme on fait le raisin et en extraient une liqueur que, grâce à des éditeurs tout aussi dévoyés, ils répandent ensuite urbi et orbi. Attention : cette liqueur fossilise, elle fossilise même les charpentes !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Forjeture

 

Le cerveau de l'homme est comme un balcon qui donne sur le néant. Mais à vrai dire, peu importe sur quoi il donne, le point essentiel est qu'il sort de l'aplomb. Il fait saillie. Un architecte dirait qu'il est une forjeture. Oui, c'est bien cela : une malencontreuse forjeture, dont l'existence fait naître une sensation de « trop-plein ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 8 août 2022

Véliforme et zingibéracé

 

On sait que le désespoir du nihilique est véliforme. C'est d'ailleurs à cette conjoncture que le malheureux doit de pouvoir « prendre des ris » quand il navigue sur la mer plate du Rien. Mais ce que l'on sait moins, c'est que ce désespoir, non content d'être véliforme, est zingibéracé !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Limite à l'impudence

 

Sans être philosophe, on peut s'amuser à rissoler quelques idées sur l'être, le néant, et tout ce qui s'ensuit. Mais quant à se risquer au théorème... Il ferait beau voir !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Psychothérapie (that's what they want to give me)

 

Des sots présomptueux, il y en a beaucoup, mais au sommet de la sottise présomptueuse siègent ces bougres qui s'intitulent « psychologues ». Comme on aimerait voir l'un de ces « psychologues » ausculter l'homme du nihil ! Ce serait un peu cocasse. Que peuvent comprendre ces couillons à la « psychologie » d'un homme du nihil ? Crétins, va ! Nerfs sciatiques, avec vos tests de personnalité à la graisse de noix de coco ! Tous les nihiliques vous haïssent et vous conchient.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Parenthèse enchantée

 

Caguer est un sempiternel recommencement. Mais pendant qu'on « fait », le temps est comme suspendu. Il n'y a vraiment que dans les « ouataires » que l'éphémère perdure et ne s'use point.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

L'œil noir du Rien

 

Dès qu'on pénètre dans la cahute d'un « ami de la sagesse », on perçoit les remugles de l'idée. Cette odeur prenante, qu'exhale tout ce qui a longtemps été maintenu dans l'atmosphère viciée d'une méninge philosophique, est à coup sûr moins agréable que le fumet d'une potée — un morceau de lard, des saucisses, quelques pommes de terre, du chou, quel odoriférant quatuor ! — sans parler des carottes, des poireaux et des navets. Un bon plat du terroir nous confère la sagesse mieux qu'un lourd traité de phénoménologie. Car au fond de la marmite, c'est l'œil noir du Rien qui nous regarde — et non celui, bovin, du fastidieux Edmond Husserl.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Du réalisme en art

 

Pour parler véridiquement de l'homicide de soi-même, il faudrait en montrer toute la crudité (carottes râpées, radis, salade de tomates ou d'endives). Mais on ne se ferait pas que des amis.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 7 août 2022

De robustes protozoaires

 

Pour briser un foraminifère, vous pouvez toujours y aller. Ces organismes benthiques unicellulaires sont très costauds. C'est pourquoi on parle des « foraminifères infrangibles » (et on ajoute parfois « du néant »).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Oscabrion

 

L'oscabrion est un mollusque marin gastéropode, au corps ovale, large et plat, dont la coquille dorsale est recouverte de plaques calcaires, et qui se fixe généralement sur les rochers. On l'appelle aussi chiton. Le pénible Hugo l'a qualifié de « scarabée de la vague », mais en fait, les branchies qui forment un cordon tout autour de son corps font de lui une assez bonne incarnation du Rien.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Trombidion

 

Le trombidion n'a pas son pareil pour être de couleur rouge orangé, appartenir à l'ordre des acariens et avoir une larve qui pique l'homme, provoquant des éruptions prurigineuses. Les trombidions se tiennent surtout dans les plants de haricots et, contrairement au nihilique — qui est un « gâcheur » —, ils excellent dans leur art (qui est simplement celui d'« être » — d'être des trombidions, en l'occurrence).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mot

 

Que signifie penser ? Quand on y réfléchit ? Rien ! Peau de révérence parler zob !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 30 juillet 2022

Vers le grain de sable

 

Érosion de l'esprit, érosion de la volonté, érosion des sentiments... Pas besoin d'avalanche, de jökulhlaup ou d'orage. Le temps y suffit amplement. Il arase toute chose, l'excave, la ravine et, dans une incoercible et infundibuliforme dynamique, l'entraîne vers sa destination finale : le grain de sable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nihilisme russe

 

Se lever au beau milieu d'un concert symphonique et s'exclamer : « Je préférerais un cornichon aigrelet ! » — Voilà ce qu'on appelle le « nihilisme russe ». Eh ben moïeux !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nostalgie du minéral

 

Qu'il serait bon de ne plus penser... D'être de consistance pierreuse... — Lapidification du cerveau ! Tout de suite ! Que ses bulbes pétrifiés scintillent dans la délicate lumière du Rien !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Logique des cupulifères

 

S'il faut en croire Angelus Silesius, « la rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu'elle fleurit ». Mais ce n'est pas le cas des cupulifères, ces végétaux ligneux qui portent des cupules, autrement dit des organes écailleux en forme de petite coupe qui entourent leurs fruits (comme l'involucre lignifié qui enserre le gland dans le cas du chêne — mais on pourrait également citer le hêtre, le châtaignier et le noisetier). Ces cupulifères semblent obéir à des règles non écrites, ils ne font pas n'importe quoi et ne fleurissent pas n'importe comment. Tout laisse à penser au contraire qu'il existe une « logique des cupulifères » — dont la beauté ne le cède en rien à celle du pachynihil.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Quiddité du minestrone

 

L'absolue quiddité du minestrone (adjectival ou non), on ne peut la ruiner qu'en le mangeant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

No way out

 

La globalité asphyxiante du Tout inclut aussi la mort (ce qu'on peut voir comme un argument contre l'homicide de soi-même).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)