Follicules palingénésiques, by Samuel Slippensohn

 

“Follicules palingénésiques is a groundbreaking achievement, impeccably researched and brilliantly argued. Samuel Slippensohn's work is accessible but also comprehensive, really turning the topic on its head and taking an unflinching look at the concept of monstre bipède. This is an ambitious and timely piece that absolutely cannot be ignored.”

 

(The Paris Review)

Question de goût

 

Le lac Léman offre toutes les commodités pour un suicide propre, silencieux, modeste, bref suisse. Il y en a, ceci dit, qui préfèrent le lac de Neuchâtel. Pourquoi pas : tout n'est-il pas louable, en un sens ? D'autres encore préfèrent manger de la crème de marrons, au prétexte que « ça colle au pain, c'est sans mystère, c'est plus commun mais ça tient bon ». C'est une question de goût.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

À la boulange

 

Quand on croit que « rien n'est », on ne s'aventure dans une boulangerie qu'avec crainte et tremblement. On y entre plein d'angoisse, se demandant ce qui va se passer, et on en ressort penaud avec une boule de pain de campagne.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Couleur pure

 

Le peintre Paul Gauguin eût apprécié le nihilique, comme lui adepte de la couleur pure. « Ce qu'il y a de capiteux dans votre bagout, c'est le désir syncrétique de défaire », lui eût-il lancé avec enthousiasme (du moins peut-on le penser).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Un damné de la terre

 

L'étant existant n'est pas à la noce. Il vit isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort, et ça lui flanque un drôle de traczir. Au début, il croyait que quelqu'un — un sauveur suprême ? — l'aiderait peut-être à se sortir de cette panade, mais va te faire fiche. Non, décidément, Eugène Pottier avait raison : des sauveurs suprêmes (Dieu, César ou tribun), il n'y en a pas plus que de beurre au prose.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Follicules palingénésiques, by Samuel Slippensohn

 

“A rollicking good time! Samuel Slippensohn is known for his razor-sharp wit, and Follicules palingénésiques is no exception. Hilarious and thought-provoking, this book had me laughing out loud from beginning to end. An absolute delight, compulsively readable. I can't wait to see what Samuel Slippensohn does next.”

 

(The Alaska Quarterly Review)

Un amateur de nuages

 

Dès que le temps était au beau, Eugène Boudin se faisait du mauvais sang. Car ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était peindre les nuages.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Grande idée

 

Ramollir la courbure de l'espace-temps — voilà le rêve de tous ceux que la « réalité empirique » exaspère, ce qu'ils appellent « la grande idée ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Paranoïa du Grandiloque

 

Malgré sa grosse couette et ses tabi, et malgré la présence de Simone Boué à ses côtés, le « négateur universel » Émile Cioran avait froid aux pieds la nuit. Son médecin lui avait dit qu'il souffrait sans doute d'une « mauvaise circulation », mais il pensait plutôt être victime d'un sort jeté par son ennemi Lucien Goldmann. Un jour, à bout, il lança à Samuel Beckett : « La musique est le refuge des âmes ulcérées par le bonheur. » Beckett ne sut quoi lui répondre.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Oulipisme passif

 

Le nihilique non plus n'a écrit aucun des livres de Marcel Bénabou. Ça leur fait un point commun.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Signe annonciateur

 

Le peintre et sculpteur Alberto Giacometti disait plus ou moins que, quand la peur de mourir vous quitte, ça fiche drôlement les chocottes, c'est vraiment le moment de s'inquiéter. L'avenir devait lui donner raison de façon tragique — cette façon tragique dont l'avenir a le secret —, car peu après, le peintre et sculpteur passait sous un camion.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Cioran et l'irréparable

 

Le « négateur universel » Émile Cioran était obsédé par l'irréparable depuis que, dans sa jeunesse, il avait eu un problème de « joint spi ». Il disait souvent à Ionesco que les garagistes roumains, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre. L'auteur de la Cantatrice chauve lui répondait qu'il était payé pour le savoir, ayant eu lui-même un problème de « vis platinées » qui avait été mal diagnostiqué, ce qui fait qu'on lui avait « changé le delco » sans raison valable. Mais Cioran lui rétorquait que l'irréparable ce n'était pas ça, c'était autre chose, c'était le « joint spi » (il en tenait pour le « joint spi »).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Couardise inattendue de Zarathoustra

 

« Je ne veux pas mourir, moi ! Je ne veux pas qu'on me martyrise avec des couteaux empoisonnés, moi ! Je ne veux pas que le Rien me regarde avec ses yeux, moi ! » Ainsi parla Zarathoustra quand le radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif, lui annonça qu'il allait « devoir être très courageux ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Protestation par le non-agir

 

Le nihilique refuse de « faire des activités ». C'est sa façon de protester contre d'une part la camusienne absurdité de l'existence et d'autre part l'inanité de la malrucienne condition humaine (il fait d'une pierre deux coups).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Débuts

 

Il faisait un froid de canard, quand le nihilique a poussé ses premiers vagissements. C'était en février, le mois le plus cruel aux hommes. Un maigre soleil d'hiver éclairait tristement ce spectacle d'une misère infinie (comme dirait Eugenio Corti).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

No return

 

Quand il vous arrive une catastrophe, vous ne pouvez vous empêcher de penser que, si vous vous étiez levé cinq minutes plus tôt ou plus tard, si vous aviez fait ceci ou cela un peu différemment, vous seriez passé au travers. Mais c'est trop tard. Oui : trop tard. On ne peut pas revenir en arrière. C'est ce que les philosophes appellent « l'irréversibilité du temps ». Une vraie « chierie ». Il y a de quoi être courroucé (et on l'est).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Quantité de matière

 

Dans Le Rouge et le Noir, Mathilde de la Mole est une aristocrate exigeante et gâtée par la vie, gorgée de lectures et d'idées élevées sur l'amour, la séduction, et cætera. Surtout, elle contient exactement autant d'entités élémentaires qu'il y a d'atomes dans douze grammes de carbone. Quand il le découvre, le pauvre Julien Sorel est estomaqué. Le nombre d'Avogadro ! Encore et toujours !

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Danse avec le Rien

 

S'inspirant à la fois du « penseur paradoxal » Frédéric Nietzsche et de la Loïe Fuller, le nihilique est devenu le maître de l'abstraction dansée.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Enseignement du Rien (suite)

 

Réflexion faite, le Rien nous enseigne une deuxième chose : l'être est un margouillis exophtalmique (eine exophtalmische Margouillis).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Enseignement du Rien

 

Contrairement aux religions, systèmes philosophiques et autres écoles de « sagesse transcendantale », le Rien ne nous enseigne qu'une seule chose : la vie est une indicible rémoulade (eine unsägliche Remoulade).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Illuminés de Bavière

 

Être entouré de sectateurs pestilentiels du Grand Tout, cela vous pèse, à la longue. On rêve de croiser quelqu'un qui penserait, comme soi, que « rien n'est ». Mais ceux qui le pensent n'ont garde de le dire. Ils ont trop les jetons. Ils ne voudraient pas passer pour des « illuminés de Bavière ».

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Plat qui se mange froid

 

Le monstre bipède nous en aura fait voir de toutes les couleurs, le salop, et sans qu'on puisse lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais il paraît que la galaxie d'Andromède va entrer en collision avec la Voie lactée dans approximativement quatre milliards d'années. Alors patience, escalier. Rira bien qui rira le dernier.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Histoires de fous

 

Quoi qu'ils en disent, peu de gens sont réellement persuadés que la vie est une histoire de fous. Le nihilique, pour sa part, en est si profondément convaincu qu'il pourrait le jurer à mortel. Il ne va pas jusqu'à dire qu'elle est pleine de bruit et de fureur et racontée par un idiot, mais il n'en pense pas moins. Et puis il ne s'arrête pas là : il pense que l'être surtout, oui l'être, au premier chef, est une histoire de fous. « L'ontologie ! Je t'en foutrai de l'ontologie, moi, tuouaouar ! » C'est ce qu'il dit souvent.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Nostalgie des aléas

 

Affligé d'un cruel panaris, avatar de la déprimante et malrucienne « condition humaine », l'étant existant repense avec nostalgie à ses petits aléas d'autrefois (par exemple un vin bouchonné).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Embellissement par l'idée du Rien

 

Les photons ultraviolets émis par l'idée du Rien ionisent la « réalité empirique », ce qui la rend un peu moins lugubre. Mais de là à parler d'un spectacle de toute beauté, il y a un pas qu'on ne saurait franchir sans une bonne dose de mauvaise foi — tant est profond le gouffre qui sépare la mocheté du quelque chose de la magnificence du rien.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Une prouesse du monstre bipède

 

Le monstre bipède, pourtant peu doué, réussit l'exploit d'être à la fois cacochyme et libidineux.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Règlement de comptes à l'Odéon

 

Ses aphorismes brûlaient souvent. Cioran, de la rue Monsieur-le-Prince (Paris, VI^e), armé, guetta. Passa Eliade ; incendiaire ou non, il reçut la décharge. (Lettre part.)

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Thermicité du Rien

 

Le nihilique n'a pas besoin de chaufferette ni de grosses chaussettes en laine : la chaleur du Rien irradie jusqu'à ses orteils (qui frétillent dans le vide).

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)

Dernier plaisir

 

On peut détester l'existence, être revenu de tout, et cependant aimer cuisiner les soirs d'automne quand le vent martelle la vitre et balaie les feuilles le long de la route. Le reste de l'année, ou quand il n'y a pas de vent, on mange du surgelé, c'est tout aussi dégueulasse mais ça coûte plus cher.

 

(Rémi Tripatala, Pensées de Pascal)