lundi 24 septembre 2018

Bimotorisé


Deux forces souveraines commandent à l'homme du nihil et règlent sa destinée : le dégoût de l'haeccéité et la profonde aversion qu'il ressent pour le « monstre bipède ».

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Randonnée dans les ténèbres


Le mot de Cromwell : « Celui qui fait le plus de chemin est souvent celui qui ne sait pas où il va » se trouve une fois de plus confirmé dans la personne de ce bizarre rêveur qu'est le « Suisse ».

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Interlude

Jeune femme lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Le spleen du randonneur


Des forêts inondées de l'Oise aux champs gersois plombés par un soleil lugubre, le suicidé philosophique s'imprègne de la mélancolie des sites qu'il traverse et exalte leurs contrastes dans des poëmes qu'il ne destine qu'à lui seul, comme la dynamite qu'il transporte dans son paquetage. Sa pachyméninge, torturée par la conscience de l'écoulement du temps, ressemble à un inventaire de paysages en voie d'extinction.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Nandou


Alors que nous cheminions au fond d'une vallée, nous fûmes dépassés par le Juif errant qui s'exprima en ces termes :

« L'émeu, le nandou, sont de grands oiseaux coureurs au sternum dépourvu de bréchet. »

Mais le cabaliste, d'une formule inintelligible, fit fuir l'infortuné vagabond et nous arrivâmes au gîte sans l'avoir revu.


(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)

Un nuisible


L'homme du nihil, par ses habitudes radicivores, cause les plus grands dégâts dans les jardins et surtout les champs de concepts des « amis de la sagesse » et autres « hommes de la Nature et de la Vérité ».

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

N'avoue jamais


Ma vocation fut d'être un homme sans aveu.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Pas une minute à perdre


« Me voyant comme hypnotisé, l'idée de l'homicide de soi-même marchait maintenant à grandes enjambées, tel un prophète hébreu. »

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

The Underground Man


L'homme du nihil est un être essentiellement souterrain. Les substances ferrugineuses dont il est teint ou pénétré sont la principale preuve de son long séjour dans l'intérieur de la terre.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

dimanche 23 septembre 2018

Hygiène mentale


Il n'y a que la pensée de l'homicide de soi-même pour agrémenter un peu la vie et, de temps en temps, on peut s'y laisser entraîner, par exception et sans abus, comme on peut faire pour toutes choses.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Un coloriste hors pair


Les ocres espagnols forment la tonalité fondamentale de l'excrément. Parfois cependant, le « Suisse » allume un carmin, prolonge l'écho sec d'un vert Véronèse, mais toujours avec discrétion, car il n'aime pas imposer sa voix en parlant trop fort. Les séductions spectaculaires, il les laisse à ceux qui se préoccupent des modes et des formules trop polies pour être honnêtes. Il croit aux vertus du silence.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Interlude

Jeune fille lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Force vive


Comme, du fait de l'inertie de la matière, la vitesse se conserve, et que la masse du corps en mouvement est une chose invariable, on voit que l'homme du nihil transporte avec lui sa force vive, et n'en perdra pas, pour ainsi dire, une goutte, tant que l'homicide de soi-même n'aura pas mis un terme à ses tribulations.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Réconfort


Je trouve plus de réconfort dans un simple flacon de taupicide (ou un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe) que dans tout le Symposium grec.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Ouaouaron


Sur le soir, comme nous nous trouvions rassemblés à l'ombre d'un figuier de Barbarie et que le chef des Bohémiens paraissait de loisir, Rébecca lui demanda la suite de son histoire, et il en reprit le fil en ces termes :

« Le ouaouaron est une grenouille géante d'Amérique du Nord pouvant atteindre 20 centimètres de long, et dont le coassement ressemble à un meuglement. On l'appelle encore grenouille mugissante ou grenouille-taureau. Un ouaouaron féru de l'apostrophe hurluberlue. »

Comme il en était à ce point de son récit, un homme le vint interrompre pour l'entretenir des affaires de sa horde et nous dûmes patienter jusqu'au lendemain pour apaiser notre curiosité.


(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)

Gnose


Dans la doctrine gnostique de Valentin, la matière fécale a une origine spirituelle, c'est un état, une « expression externe solidifiée » de l'Être absolu.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Indiscipliné


François de Neufchâteau a chanté les Vosges, comme Haller a célébré les Alpes, et comme Férillet eût chanté le Rien si sa brillante imagination se fût asservie aux lois sévères du mètre et de la rime.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Qu'est-ce donc que le « foirard » ?


« Lesdictz bergiers les requirent courtoisement leur en bailler pour leur argent, au pris du marché. Car notez que c'est viande céleste, manger à desjeuner des raisins avec de la fouace fraiche, mesmement des pineaulx, des fiers, des muscadeaulx, de la bicane, et des foyrars pour ceulx qui sont constipez de ventre. Car ilz les font dasler long comme un vouge 1, et souvent, cuydant péter ilz se conchient, dont sont nommez les cuideurs des vendanges. » (Rabelais, Gargantua, Chapitre XXV)

« Foirard, espèce de raisin blanc qui cause le dévoiement. » (Olivier de Serres, Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, Paris, 1600)

« Rabelais appelait foirard une espèce de raisin aigrelet qui n'est autre que le pineau des Angevins. » (Édouard Brisseau, Histoire des expressions populaires relatives à l'anatomie, à la physiologie et à la médecine, Paris, 1888)

« Olivier de Serres en fait mention sous deux noms différents : Foirard et Colitor. Foirard et Fouïral sont tout à fait synonymes, et indiquent suffisamment les propriétés laxatives de la variété qui nous occupe. » (Pierre Joigneaux, Le livre de la ferme et des maisons de campagne, Paris, 1865).

« Variété de raisins noirs qui donnaient la foire ou la diarrhée. Le nom est lyonnais ; à Montpellier, le raisin s'appelle également esfouiran, c'est-à-dire foirard. » (Lazare Sainéan, Œuvres complètes de François Rabelais, édition critique publiée sous la direction d'Abel Lefranc, Paris, 1912)

Foirat, espèce de raisin à grains mous, s'écrasant facilement. Ce sont sans doute les mêmes raisins que Rabelais appelait raisins foyrards — et qu'en Provence on désigne encore par le nom de fouiraire ou d'esfouiraire. (Félix Frank et Adolphe Chenevière, Lexique de la langue de Bonaventure des Périers, Cerf, Paris, 1888)

Selon Gragerfis, les raisins de Champagne produisirent les mêmes effets sur les soldats de Brunswick et contribuèrent à la victoire de Valmy. Notons que dans Gargantua, le terme foyrard désigne aussi un diarrhéique :
« Comme dict le proverbe : "A cul de foyrard tousjours abonde merde" ».

1. Arme composée d'un soc de charrue affuté et montée au bout d'un manche, utilisée par l'infanterie pour couper les jarrets des chevaux.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Règle numéro 2


Endiguer la nécrose du fugace.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Amphigouri


Le 6 novembre 1929, l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut se tire une balle dans le cœur. Il avait trente ans. Dans ses Papiers posthumes, publiés en 1934, on peut lire : « Un homme qu'épargne les ennuis et l'ennui trouve peut-être dans le suicide l'accomplissement du geste le plus désintéressé, pourvu qu'il ne soit pas curieux de la mort ! Je ne sais absolument pas quand et comment j'ai pu penser ainsi, ce qui d'ailleurs ne me gêne guère. Mais voilà tout de même l'acte le plus absurde, et la fantaisie à son éclatement, et la désinvolture plus loin que le sommeil et la compromission la plus pure. » — Comprenne qui pourra.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

samedi 22 septembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

L'individuation douloureuse


Encasematé dans le boyau culier, le « Suisse », encore à l'état de « magma analogique brut », aspire à une individuation qui mettrait fin à cet apeiron, à ce chaos au sein duquel il cherche en vain le moyen de « se concentrer en lui-même », de trouver sa limite et sa forme — d'affirmer son haeccéité.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Apocynacées


Alors qu'accablés par une chaleur effroyable nous faisions halte dans un vallon, Velasquez, voulant capter l'attention de Rébecca, reprit son histoire en ces termes :

« Selon Gragerfis, les apocynacées seraient des plantes fatales aux chiens. »

Mais comme la fausse Uzeda semblait ne l'écouter que d'une oreille distraite, il décida de s'en tenir là et passa le reste de la journée dans une ostensible morosité.


(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)

Règle numéro 1


Fuir l'atroce cannibalisme du banal.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Discipline


Le retour au Grand Rien suppose patience, modestie, humilité et maîtrise de soi, s'il faut en croire Marsile Ficin (De Vita Coelitus Comparanda) : « L'homicide de soi-même n'est pas le fait de celui qui mange trop ni de celui qui ne mange pas assez. Il n'est pas le fait de celui qui dort trop ni de celui qui fait de trop longues veilles. Il est le propre de l'homme qui est tempéré dans sa nourriture et sa récréation, qui est retenu dans toutes ses actions, qui a réglé son sommeil et ses veilles. L'homicide de soi-même met fin à toute peine. »

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Un endroit lugubre


L'autre jour, pris d'une subite fringale d'introspection, je me suis faufilé en tapinois dans les profondeurs de mon impétueux in petto. Dès les premiers pas, je me suis dit « je n'ai jamais rien rencontré de pareil ; ici on ne peut que se pendre ».

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)