vendredi 27 mai 2022

Fraternisation

 

Comment les gens font-ils pour « fraterniser » ? Mais peut-être qu'ils ne « fraternisent » pas réellement ? Peut-être qu'ils font seulement « jore » ?... C'est ça ! Ils font « jore » ! Ah, les salops !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Anti-phrase

 

Les choses importantes, on n'en parle que de manière indirecte. Quand on a du tact, c'est-à-dire. Quand on n'est pas un « Grandiloque des Carpates ». Mais à vrai dire, quand on habite « sur les cimes du désespoir », le mieux est encore de se taire.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Only the lonely...

 

« Quoi ? Know how I feel ?
— Oui. C'est ça. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Ressource du solitaire

 

Il y a des gens, ils ont beau faire, la solitude leur colle à la peau. Ce n'est pas tellement qu'ils l'aiment. C'est plutôt elle qui les aime (la garce). Heureusement, il leur reste la ressource de lire du Henri Michaux (ou du Luc Pulflop, ou tout autre auteur de cet acabit) pour oublier que, comme le pauvre « Rémi Sans Famille », ils n'ont pas d'amis.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 26 mai 2022

To do list

 

Ne se manifester en aucune manière, se comporter comme si l'on n'était pas vivant, adopter l'apparence d'une roche sédimentaire détritique, etc., etc.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Mots, maux

 

Le linguiste Chomsky pense que si tout à coup le mot panaris n'existait plus, il y aurait peut-être encore, ici ou là, des gens souffrant d'un panaris, mais ils n'y feraient pas attention ou à peine.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Anecdote

 

Un jour, le dramaturge Samuel Beckett dit à son ami le « négateur universel » Émile Cioran : « Alors Mimile, il paraît que toi aussi tu te souviens des jours anciens et tu pleures ? » Cioran, horriblement gêné, ne sut que répondre et s'esquiva en faisant « jore » que Simone Boué l'avait appelé dans la cuisine pour goûter la soupe.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 25 mai 2022

Shimmy dans la vision

 

Dans cette vie, nous voyons les choses « de façon obscure et comme dans un miroir ». C'est saint Paul qui l'a dit — et il avait le nez creux pour ce genre de choses.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

La vérité enfin saisie

 

À force de pressurer son cerveau, l'homme du nihil est enfin parvenu à définir la vérité, répondant ainsi à la fameuse question de Pilate. La vérité, c'est tout simplement « ce qui vous fout dedans ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 24 mai 2022

Insaisissable vérité

 

À la question de Pilate « Qu'est-ce que la vérité ? », on ne peut donner qu'une réponse arbitraire, par exemple « une brioche » ou « un héron frénétique ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

La naissance et tout ce qui s'ensuit

 

Là où il n'y avait rien, il y a soudain quelque chose. Pas grand chose : une ébauche, un simple germe. Et il va morfler, le « germe ». Car il est long à traverser, le désert de Gobi de l'existence. Et on n'y rigole pas tous les jours. Mais c'est comme tout. Oui, c'est comme tout.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Happy to be here

 

Ce qui différencie fondamentalement l'homme du nihil du monstre bipède est que ce dernier ne se demande jamais ce qu'il fait là. Son existence lui semble aller de soi, il s'ébroue dans l'être avec volupté, il est partout chez lui, le salop !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Putasserie universelle

 

Chacun s'affiche, chacun fait la promotion éhontée de son Moi, chacun essaie de placer sa marchandise, si avariée soit-elle. Le seul à n'avoir rien à vendre, c'est l'homme du nihil. Tout au contraire, il cherche le silence et l'horreur des ténèbres. Oui : comme les chats de Baudelaire !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 23 mai 2022

Phantasme

 

L'homme du nihil ne pense pas qu'il y ait plaisir plus complet — si l'on excepte la dissolution du Moi dans le Grand Indéfini d'Anaximandre — que d'assister à la déconfiture d'une bourrelle qui vous a trahi avec un garagiste de La Bourboule (Puy-de-Dôme). Mais il est réaliste et se rend compte que ça n'arrive presque jamais, la vie étant, comme on le sait, « une grosse tourte de m... ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Tu quoque

 

Il semble que sur le tard, et bien qu'il se proclamât le plus grand sceptique de tous les temps, Cioran ait fini par croire à l'existence du monde et à la sienne propre. Ainsi, en avril 1969, dans une lettre à Marceline Desbordes-Valmore, il confesse sa manie de « ressasser l'inconcevable fait d'exister ». Il est donc lui aussi tombé dans le panneau !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 22 mai 2022

Mauvaises fréquentations

 

Il y a des hommes qui ont le goût du malheur. On les reconnaît facilement : ce sont ceux qui fréquentent les « personnes du sexe ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lourdeur teutonique

 

Persévérer dans l'être, c'est la facilité des lourdauds, des esprits pesants. De fait, les Allemands ne commettent presque jamais l'homicide de soi-même. Une exception : Kleist.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Dignité retrouvée

 

Chesterton l'avait déjà remarqué : « Le taupicide est la seule chose qui peut sauver un homme de la dégradante servitude d'avoir un Moi. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 20 mai 2022

Mantra

 

Pour conjurer le chaos et dompter « l'imbécile rébellion des choses », on n'a rien fait de mieux que le vocable reginglette. Mais pour qu'il montre son efficace, vu l'obtuse résistance du « fétide et rébarbatif réel », il faut le répéter un grand nombre de fois — en soi-même si l'on ne veut pas passer pour « bizarre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Paralogisme

 

Non seulement on n'est pas sincère quand on soutient que manger des « choux-fleurs à la merdre » est préférable à être, mais on n'est pas logique non plus, car pour manger des « choux-fleurs à la merdre », il faut d'abord être.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 19 mai 2022

Un « mec balaise »

 

Être est à la portée de tout le monde. Ne pas être est déjà plus difficile. Mais passer sans cesse de l'un à l'autre comme fait l'homme du nihil, voilà le véritable « grand art ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Aux grands maux

 

Si l'on excepte le subterfuge quelque peu ridicule de la « moumoute » ainsi que les fastidieux « implants capillaires », il n'y a contre l'alopécie qu'un moyen de défense connu : l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Routine

 

On se lasse de tout, même de médire du réel — surtout quand on constate que ça ne lui fait ni chaud ni froid. Mais on continue quand même, « parce qu'il le vaut bien » — et que ça soulage un tant soit peu.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Hindouisme impossible

 

Malgré son bon vouloir et son désir de libérer son âme, par le moksha, du cycle des renaissances, il fut impossible à l'homme du nihil d'adhérer à une doctrine comportant des divinités au nom aussi absurdement grotesque que Prajapati.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Degré zéro de la sociabilité

 

Chaque fois qu'il exprime en public son sentiment de l'existence, l'homme du nihil passe pour un monstre ou un « azimuté » et fait le vide autour de lui. Mais il s'en moque, et même, selon ses propres termes, il s'en « tamponne le coquillard ». Si ces affreux en valaient la peine, il pourrait leur dire, citant Fu Shan : « Plutôt que d'être habile, gracieux, léger et convenu, je préfère être gauche, déplaisant, décousu, mais vrai. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vanité des vanités

 

Pourquoi chercher un sens à quoi que ce soit, puisque de toute façon... ON VA TOUS MOURIR ! AAAAAAAH !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 18 mai 2022

Aux chiottes la science

 

Le monstre bipède, qui ne craint rien tant que l'incertitude, s'est peu à peu enivré de postulats, d'axiomes et de preuves. La « science » fait sa fierté en lui donnant l'illusion de pouvoir maîtriser son destin. Mais l'homme du nihil n'est pas dupe. La seule science qui lui agrée et dont il possède à fond les principes est la « térébrante thermodynamique du Rien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Ô solitaire Puvis

 

Celui qui rêve de l'infini infundibuliforme est un « incinéré vivant ». Le réel est sa sépulture cinéraire, son ineffable cavurne.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Agueusie sélective

 

On peut lire dans les Analectes que Confucius, comme il écoutait l'exécution d'une pièce de musique ancienne (l'Hymne du couronnement de Chouenn), fut pris d'une émotion si intense « qu'il en oublia le goût de la viande pendant trois mois ». Qu'un émoi artistique puisse provoquer une perte momentanée du goût, cela peut encore se concevoir, mais pourquoi spécialement de la viande ? En vérité, ce que montre cette histoire d'agueusie sélective est que les voies du pachynihil sont impénétrables.

(Fernand Delaunay, Glomérules)