Was man sagen kann

 

Si Wittgenstein avait pu exprimer le fond de sa pensée, il est probable qu'il aurait ajouté : « et ce qu'il est possible de dire, il faut le taire aussi car tout le monde s'en fout de toute façon ».

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une créature goyesque

 

Chez la femme, quand on cherche un peu, on trouve toujours un trait de vilenie — comme dans les portraits de Goya au dire de Theodor Hetzer.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Bien peints

 

La motivation première de ceux qui visitent les musées de peinture est de passer aux yeux du vulgum pecus pour des « êtres culturels » — et leur motif secondaire de vérifier que les tableaux sont « bien peints ».

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Eine Bratwurst mit Kartoffelsalat, bitte

 

Après avoir énoncé que ce qu'on ne pouvait dire, il fallait le taire, Ludwig Wittgenstein réalisa qu'en fin de compte on ne pouvait absolument rien dire. Heureusement, il parvint à se faire comprendre par gestes pour commander une saucisse accompagnée d'une salade de pommes de terre à la brasserie Müller — avec aussi une chope de pils.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Déviation

 

Kafka a raison de dire que la vie est une perpétuelle déviation. Normalement, pour aller de la mairie de Bezons à la gare de Houilles, il faut compter une douzaine de minutes (en passant par la rue Albert 1^er). Mais avec les travaux...

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une synthèse

 

Il est difficile de faire plus humaniste de la Renaissance que Marsile Ficin. Son petit bonnet en feutre ; sa tête d'ahuri ; ses études auprès de Jean Argyropoulos ; ses liens d'amitié avec Gémiste Pléthon ; sa tentative de synthétiser le christianisme et le platonisme... Tout le dénonce. Tout l'accuse. Un humaniste ! De la Renaissance !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Supériorité de la nuit

 

Un auteur dont nous avons oublié le nom a dit que la nuit était supérieure au jour, et c'est incontestable. La nuit, on peut se livrer à toutes sortes d'espiègleries colossales comme par exemple allumer une bougie.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Ramure de la mélancolie

 

Un théologien, Guardini, a dit très justement que « la mélancolie est une sorte de grand ruminant du quaternaire, de la famille des cervidés, aux bois immenses (jusqu'à trois mètres d'envergure) ».

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Muretins

 

Que notre cœur soit amoché, passe encore, mais notre âme est quadrillée de muretins !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Criiii

 

Écrire est un exercice à la fois vain et impossible. Cela revient à tenter de décrire le grincement d'une roue de charrette dans un chemin creux.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Réchauffisme

 

Ce que c'est que d'avoir une tête de coupable !... Déjà mis en cause dans l'affaire du Carrefour du développement, l'homme est maintenant accusé d'être responsable du dérèglement climatique (sécheresses, inondations, ouragans, et cætera). On veut lui faire porter le bada !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Épidémie

 

Après Maurice Blanchot et Louis-René Des Forêts, Brice Parain se mit lui aussi à explorer les liens entre silence et littérature. C'était une épidémie ou quoi.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Résolution

 

Pour servir à quelque chose, pour ne plus être un « homme de trop », nous allons imiter le Fortore, cette rivière au large lit pierreux, et séparer le Molise des Pouilles.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Banalité du mal

 

Heidegger : Hannah, j'ai une idée. On va dire que je suis Pasteur et toi tu es le berger Jupille, d'accord ? Baisse ton bénard, je vais te faire une injection dans le fiacre.

Arendt : Non mais ça ne va pas la tête ?

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Vivre-ensemble

 

Vivre ensemble, mais avec qui ? Le Moi ronfle et pue des pieds ; l'autrui lévinassien encore pire.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Intuition cailloisienne

 

Roger Caillois trouvait que la vie ressemblait à un rognon de marcassite, si l'on voulait aller par là. Et de fait... Ce n'est pas frappant mais il y a quelque chose.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Exagération cioranesque

 

Donnant comme toujours dans l'hyperbole, Émile Cioran affirmait que son déplaisir d'exister était aussi vif que les débats qui opposèrent Grégoire le Grand et Isidore de Séville à propos du nombre et de la nature des péchés capitaux. 

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Drôle d'histoire

 

Baudelaire dit que Vauvenargues dit que dans les jardins public il est des allées hantées principalement par l'ambition déçue, mais à savoir si c'est vrai.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Experts en existence

 

Les écrivains nous font part de leurs réflexions sur la vie, la mort, etc., mais qu'en avons-nous à faire, de leurs réflexions ? De quel droit ramènent-ils leur fraise ? Sont-ils plus qualifiés que nous en existence ?

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

L'urgence du séné

 

Le seul cas où il est admissible de parler de soi à la première personne est pour demander qu'on vous passe la rhubarbe ou le séné. Quand on a besoin de rhubarbe ou de séné, on n'a pas le temps de ratiociner sur l'inexistence du Moi : ça urge.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Détresse d'Ionesco

 

Dans son appartement de la rue de l'Odéon, le négateur Émile Cioran regardait par la fenêtre Ionesco venir à lui et frapper chez lui. « Émile ! Émile ! Ouvre-moi ! Ou l'Absurde me tuera !

— Eugène, entre et viens — me serrer la main. »

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Superfluité des sages et des moralistes

 

Est-ce qu'une seule personne s'est jamais amendée après avoir lu une maxime de Confucius ou de tout autre sage ou moraliste ? Poser la question, c'est y répondre. Alors fichez-nous la paix, les sages ! Et vous aussi, les moralistes ! On ne vous a pas sonnés !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Extermination par le Maritain

 

Puisque « philosopher, c'est mourir », on aimerait conseiller à l'autrui lévinassien, ce fâcheux qui prend toute la place avec ses gros genoux, de lire du Maritain ou du Merleau-Ponty et, oui, de mourir.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un insecte qui fait bonne impression

 

Quand on la rencontre pour la première fois, on se dit que la chloromyie n'est pas désagréable ; qu'elle est en tout cas plus agréable qu'on aurait pensé.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Holocauste pour rien

 

On se prenait pour un Bernard Palissy de l'ontologie, mais c'est en vain qu'on a brûlé tous ses meubles : on n'a trouvé ni le sens de l'être, ni le secret de la porcelaine chinoise.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Belle phrase

 

Nous : Vas-y, vieux, fais une belle phrase.

Julien Green : Okay. Attends... Attends... Je sens que ça vient... Oui... Voilà. Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade. Qu'est-ce que t'en penses ? Pas mal, non ?

Nous : Oh pécaïre ! Fan de chichourle ! Pas mal ? Mais c'est génial, vieux gars !

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Le mot

 

Dans les Âmes mortes, Nozdriov est un hâbleur. Un seul mot — « hâbleur » — suffit à Gogol pour le définir tout entier. Mais pour se définir soi-même, on cherche en vain le mot. Pot de pisse ? Ça fait trois mots.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Immoralité des gens de lettres

 

Les écrivains n'ont aucun scrupule. Ils tueraient leur grand-mère — et jusqu'au laboureur et ses enfants — pour produire des « notations psychologiques audacieuses et vraies ».

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Portement sartrien

 

D'après René Maheu, dans le couple Sartre-Beauvoir, c'est Jean-Paul qui portait le théodolite.

 

(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)