« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
samedi 29 septembre 2018
Antidote à l'haeccéité
Selon Gragerfis, l'unique solution, pour supporter le cauchemar d'exister, est de dompter le Moi par le muscadet dès huit heures du matin.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Fatigue
Le vrai, l'évidence, les preuves... Tout cela me semble aujourd'hui d'une laborieuse futilité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Antiquité du Moi
« Le Moi, d'extraction fort ancienne, a vécu en Europe alors que les grands ours (Ursus spelæus et arctoideus), les hyènes (Hyæna spelæa, intermedia et prisca), les grands félins (Felis spelæa), les éléphants (Elephas primigenius), le rhinocéros à narines cloisonnées (Rhinoceros tichorinus) et d'autres animaux non moins remarquables, dont la race a été anéantie, abondaient dans nos contrées. Si les gisements d'haeccéité qu'on a signalés en Amérique sont authentiques, le Moi y aurait été contemporain des mastodontes et des grands édentés dont on recueille si abondamment les débris dans cette partie du monde. » (Paul Gervais et Pierre-Joseph van Beneden, Zoologie médicale : exposé méthodique du règne animal, Baillière et fils, Paris, 1859)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Technique moderne de concassage du Moi
« M. Bournissac nous a donné un moulin de son invention, consistant en deux meules de trois pieds de diamètre et de seize pouces d'épaisseur, portées sur deux poutres bien fixées par un axe de fer, qui les traverse de manière qu'elles puissent tourner l'une contre l'autre par leur circonférence. [...] Les grenouilles sur lesquelles se fait le mouvement sont fixées sur des pieux de bois de sorbier, disposés sur les poutres, de telle sorte qu'on peut les avancer ou les reculer à volonté, afin de pouvoir rapprocher ou écarter les meules l'une de l'autre, autant qu'on le juge à propos, selon la grosseur du Moi qu'il s'agit d'écraser. » (M. Salmon, Art de concasser le Moi et de trouver la paix de l'âme malgré le climat et l'intempérie des saisons, Huzard, Paris, 1826)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Méloé
Arrivés au gîte, nous nous préparions à prendre notre repas quand le chef bohémien exprima le désir de continuer son récit, ce qu'il fit en ces termes :
« Le méloé est un insecte coléoptère vésicant, noir ou bleu, à élytres très courts. »
Arrivé à cet endroit de sa narration, il saisit un pistolet qu'il tenait jusque là caché sous son caftan et se fit sauter la cervelle, ce qui ne laissa pas de nous horrifier, Velasquez, Rébecca, le cabaliste et moi.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Transmutation nihilique
Jeune, on rêve de carnage. Puis, l'idée du Rien envahit peu à peu votre pachyméninge et transmue ce désir orgiastique d'extermination en une frénésie d'autodestruction.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
vendredi 28 septembre 2018
Analogie comparative
Le nerf gustatif transmet la sensation du goût tandis que le « conscient intérieur » transmet la sensation du Rien.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Revers de la médaille
Au moment même du déboulé du « Suisse », le constipé ne peut pas apprécier pleinement ce miracle, du fait qu'il se sent enfermé derrière la cloison inexpugnable des cabinets et qu'il n'a la révélation de ce miracle, invraisemblable et inexprimable à l'état normal, qu'au prix de cet enfermement, de cette clôture.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Églogue
Sur les rives de mon artère aorte, pousse l'orchis mauve du désespoir.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Simulacre d'exécution
« Dans mon rêve, le Moi était conduit sur l'échafaud accompagné de deux prêtres qui depuis deux jours le préparaient à la mort. On lui lisait la sentence qu'il écoutait avec résignation, il mettait la tête sur le billot, et au moment que l'exécuteur levait la hache, un héraut aposté par ordre de l'Empereur criait : Grâce pour la vie par commandement de Sa Majesté Impériale. L'Empereur, reconnaissant des services que le Moi lui avait rendus, avait décidé d'adoucir la sentence en un bannissement perpétuel en Sibérie ; avec destitution de toutes ses charges, dégradation d'honneurs et privation de tous ses biens. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Lexicologie
Chier [chi-é]
1. V. n. Se décharger le ventre ; mot populaire et bas, qui ne se dit pas en compagnie honnête.
Fig. Il a chié dans mon panier, ou dans ma malle, il m'a offensé.
Chier sur la besogne, travailler et ne faire rien qui vaille.
2. V. a. Chier des cordes, aller péniblement à la selle.
historique
XIIIe s. — Et il chia seur le musel Au vilain, tant que s'esveilla (Ren. 6002)
XVIe s. — Il le mena [David, ministre protestant], qui lors estoit à Fontainebleau ; mais, ayant parlé à M. le cardinal de Lorraine, le dit David chia sur la bible [abandonna le protestantisme] (brant. Cap. fr. t. III, p. 237, dans lacurne) — Pleurez donc et chiez bien des yeux (Moyen de parvenir, p. 50, dans lacurne) — Autant chie un bœuf que mille moucherons (oudin Curios. fr. p. 101) — [Discours de Villars à Sully] : Vous estes bien loin de vostre compte, et vostre roy de Navarre aussy ; car, par le corps bieu, il a chié au panier pour moy, et s'il n'a pas d'autre valet que de Villars, croyez qu'il sera mal servy (Mém. de sully, t. II, p. 143, dans lacurne) — Et, jusques en l'autre monde, quel mauvais menage a faict Jupiter avecques sa femme qu'il avoit premierement practiquée et jouie par amourettes ? c'est ce qu'on dit chier dans le panier, pour après le mettre sur sa teste (mont. III, 324) — Ci gist un roy [Henri de Navarre, depuis Henri IV], par grand merveille, Qui mourut, comme Dieu permet, D'un coup de serpe et d'une vieille, Comme il chioit dans une met (d'aubigné Mém. édit. lalanne, p. 36)
étymologie
Picard, kier ; provenç. et espagn. cagar ; ital. cacare ; du latin cacare.
(Littré, Dictionnaire de la langue française, 1872-1877)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Invocation
« Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter l'homme du nihil dans les espaces du Grand Rien ! » (Chateaubriand, René).
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Épaulard
Le lendemain soir, le Bohémien, étant de loisir, accepta de reprendre le fil de son histoire. Après un instant de silence, il commença en ces termes :
« L'épaulard est une sorte de dauphin qui habite les mers du Nord et atteint jusqu'à huit mètres de long : l'épaulard attaque les cétacés, même la baleine qu'il déchire avec ses dents aiguës. »
Mais à peine avait-il prononcé ces paroles qu'un homme de sa horde vint le chercher pour une affaire urgente.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Calme olympien
Il existe une sérénité propre à l'excrément, lorsqu'il se sent à l'étroit dans le cérémonial qu'il a prescrit lui-même à son sourdement ; il jouit alors de lui-même en dominateur.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Thérapie nihilique
« L'idée du Rien a vertu astringente. Elle corrige les grandes et excessives chaleurs des boyaux, et de l'estomac, et arrête leurs fluxions. Elle aide aux reins, et à la vessie, encores qu'il y eût érosion ou ulcère : et d'ailleurs réprime l'appétit de luxure. Son jus, pris en breuvage, fait les mêmes opérations : et est très bon ès fièvres. L'idée du Rien sert aux vermines qu'on a au ventre, et à ceux qui crachent le sang, et est bonne aux dysenteries, aux hæmorroides, flux de sang, et même à soulager les douleurs dues à l'haeccéité. » (P.A. Mattioli, Commentaires sur les six livres de Pedacius Dioscoride sur la matière Médecinale, Rigaud, Lyon, 1567)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
jeudi 27 septembre 2018
Laconisme coupable de Ménage
« Dans son Histoire de Sablé, Ménage cite deux histoires manuscrites d'Anjou, l'une de Turaille, l'autre de Bruneau de Tartifume, avocat ; mais il ne nous apprend rien de plus. » (Jean-François Bodin, Recherches historiques sur l'Anjou et ses monuments, 1821)
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Inconscience
Je m'aventure sans arquebuse dans le désert pétré du quotidien.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Vanitas vanitatum
Il y a trois mille ans, le célèbre roi Salomon, renommé pour sa sagesse et sa richesse, connut une expérience qui trouve dans notre époque une étonnante résonance : celle de la constipation. Pour finir, il écrivit dans ses mémoires : « J'en suis arrivé au désespoir. » (Ecclésiaste 2.20, Bible du Semeur). La conclusion de ce texte nous raconte qu'heureusement, il trouva une issue (grâce au jus de pruneaux).
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Discours pour soi seul
Diogène Laërce nous rapporte que Pyrrhon « gardait constamment la même manière d'être, en sorte que si on le quittait au milieu d'un entretien, il continuait son discours pour lui seul ». Le suicidé philosophique, lui, ne discourt pas, même pour lui seul — il croit aux vertus du silence —, et c'est muettement qu'il concasse la « réalité empirique » pour en extraire un désespoir véliforme et zingibéracé dont il sert comme d'un cheval-vélo.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Angoisse
Tout constipé chronique le sait : l'angoisse n'est rien autre chose que le double désir de parvenir au but et de ne cesser d'y tendre, car le but n'existe que par le périple qui mène à lui.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
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