mardi 9 octobre 2018

Oxygène


Morozzo, ayant mis plusieurs philosophes sous une cloche de verre qui plongeait dans l'eau, et qui fut remplie d'air atmosphérique, puis d'oxygène, remarqua que ces « amis de la sagesse » vivaient moins longtemps dans l'air ordinaire que dans l'air vital, parce qu'ils en épuisaient plus tôt, en produisant leurs concepts, la partie respirable !

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune fille cherchant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Une cure efficace


Un homme de quarante ans, d'un tempérament sec et mélancolique, était atteint depuis longtemps d'une tristesse profonde qu'il chercha vainement à combattre par une multitude de moyens. Il se résolut finalement à prendre du taupicide en infusion légère dans de la bière, et après neuf jours de traitement, la maladie se dissipa et le malade avec.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Honnêteté intellectuelle


Plutôt que de bâtir un système, et de donner, comme l'ont fait souvent Follard, Guischardt et Maiseroy à propos de poliorcétique, ses conjectures pour des preuves, le suicidé philosophique préfère avouer franchement son ignorance sur les choses qu'il ne peut comprendre — la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité — et en tirer les conséquences dernières en se se mettant un nœud coulant autour du cou avec une ficelle qu'il a attachée au portique d'entrée du potager.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Autoportrait


Un morphinomane de l'ennui.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Idéalisme rayonnant


« Les idéalistes allemands sont des philosophes mous, gélatineux, urticants, de forme rayonnée, n'ayant jamais de cavité viscérale ni de vaisseaux, mais de simples canaux pour la circulation des concepts, qui partent d'une cavité centrale — la "pachyméninge" — pour rayonner vers la circonférence. » (Georges Louis Duvernoy, Leçons sur l'histoire naturelle des corps organisés, Crochard, Paris, 1839)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

dimanche 7 octobre 2018

Décolorimétrie


Certaines recherches ont montré que l'ampélite graphique de Valeville (près de Cherbourg) et le schiste bitumineux de Monte-Viale (aux environs de Vicence) n'agissent pas sur la matière colorante du sucre brut. Ceci distingue ces minéraux de l'idée du Rien qui, elle, a le pouvoir de décolorer toute chose et laisse le « fétide et rébarbatif réel » complètement livide.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Odeurs


Le réel n'est pour moi qu'un hasardeux remugle.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Repullulation du Moi


« On appelle Moi une excroissance du Dasein, dont le caractère le plus marqué est de repulluler avec une grande activité quand on ne l'a détruite qu'en partie. Cette sorte de fongus est particulièrement commune chez les personnes qui s'occupent de philosophie. » (Louis Charles Roche, Éléments de pathologie médico-chirurgicale, J.-B. Baillière, Paris, 1828)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Viandes


Dans son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, Bossuet définit la bouche « l'ouverture par où entrent les viandes, et par où sortent les paroles ». Quant à la langue, il note que « c'est par elle qu'on goûte les viandes ». Pourquoi cette singulière obsession des viandes ? Est-ce une façon de se distinguer de son concurrent Fléchier au style plus coulant, plus arrondi, et pour tout dire plus végétarien ?

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Un ennemi tenace


Certains individus superficiels ont cru pouvoir fuir leur Moi et son odiosité en quittant la ville, pour aller en Suisse, en Italie, aux eaux ou aux bains de mer. Durant un temps variable, ils sont tranquilles ; mais ce calme n'est que passager : leur ennemi secret ne tarde pas à retrouver leur trace, et le bourrellement recommence.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Ressemblance trompeuse


Bonnani affirme — mais peut-on croire tout ce qu'il dit ? — que la réalité empirique ressemble à des viscères de poissons. C'est cette ressemblance, dit-il encore, qui l'a fait prendre par beaucoup de personnes pour des intestins de poissons qui auraient été durcis par quelque matière pétrifiante.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Apothéose


Le suicide comme aboutissement du dilettantisme rienesque, comme dernière fantaisie de l'esprit excédé.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Apparition fatale


L'idée du Rien paraît, et voici que tout s'effondre, les états de conscience disparaissent et la « réalité empirique » s'anéantit dans une rémoulade qui ressemble à l'« être logique » des idéalistes allemands. Le sujet pensant en vient à nier le noumène, et sombre bientôt dans le solipsisme de Fichte dont aucune puissance ne pourra plus le tirer.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Débâcle existentielle


Si quelque chose est capable de nous donner une idée de notre faiblesse, c'est bien l'état où nous nous trouvons quand l'excrément « fait sa tête de mule » et s'arc-boute dans le côlon. Incapable de faire aucun usage de son organe culier, le constipé a besoin de secours de toute espèce. Sa vie incertaine et chancelante paraît devoir finir à chaque instant. À peine a-t-il la force nécessaire pour exister, et pour annoncer par des gémissements dignes du prophète Jérémie les souffrances qu'il éprouve.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Requinquant


Sylvius et plusieurs autres observateurs ont remarqué que les bœufs qui, pendant l'hiver, sont affectés de concrétions biliaires, se guérissent au printemps en mangeant les feuilles et les tiges de chiendent dans les pâturages. De même, il n'est pas rare que des individus qui, pendant l'hiver, sont subjugués par la pensée de se détruire, se guérissent au printemps en mangeant des pâtés lorrains 1 ou du clafoutis.

1. Les pâtés lorrains renferment, dans une enveloppe de pâte feuilletée croustillante à souhait, une farce à base de porc mariné.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

samedi 6 octobre 2018

« Ce petit lénitif, en attendant le reste... »


La présence sous son oreiller de son colt Frontier, symbole, avec son canon de dix centimètres, de la mort accueillante, et la résolution d'y chercher le refuge, sont pour le suicidé philosophique le seul moyen de retrouver le calme.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Anatomie de l'ami de la sagesse


« À l'intérieur des philosophes, est placé un viscère si semblable au cerveau que les anatomistes n'ont pas hésité à lui en donner le nom. Quant à la croûte d'une substance membraneuse qui couvre la tête des "amis de la sagesse", on ne peut, semble-t-il, lui refuser le nom de crâne. Chez certains philosophes, ce "crâne" est terminé par un filet plus ou moins long, comme dans les ichneumons, ou par un prolongement aplati, droit ou courbe, en forme de coutelas, comme dans les sauterelles. C'est un instrument tranchant et perforatif qui leur sert à la fois à disséquer la réalité empirique et à s'insinuer dans les esprits afin d'y déposer leurs concepts. » (Philippe Guéneau de Montbeillard, Encyclopédie méthodique. Histoire naturelle, Panckoucke, Paris, 1787)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune fille lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Blaps


Que dire du blaps ? Il vit dans les lieux obscurs.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Noyade


L'âme n'étant, selon Héraclite, qu'un feu, il en concluait que le comble du malheur était de se noyer, parce qu'alors l'âme s'éteignant dans l'eau, l'on mourait tout entier. D'où la préférence qu'ont de tout temps montré les suicidés du genre pusillanime pour la pendaison et la vénisection : mourir, oui, mais tout entier !

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Hermétisme fécal


« Les alchimistes n'ont pas laissé que de travailler sur les excrémens humains; on a prétendu en tirer un sel auquel on a attribué de très-grandes vertus : il faut dit-on, pour cela prendre des excrémens après qu'ils ont été séchés au soleil de l'été. On fait brûler cette matière jusqu'à ce qu'elle devienne noire ; on en remplit des creusets ou pots, et on la réduit en cendres au feu le plus violent, et de ces cendres on tire un sel fixe ; ou bien on prend des excrémens humains desséchés ; on les arrose avec de l'urine épaissie par l'évaporation ; on laisse putréfier ce mélange, ensuite on le met en distillation ; on mêle ensemble les différens produits qu'on a obtenus, et on réitère plusieurs fois le même procédé. Ce travail est très dégoûtant et d'une parfaite inutilité. » (Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Mis en ordre et publié par M. Diderot ; & quant à la partie mathématique, par M. d'Alembert)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Euphémisme


« L'haeccéité, chère Agnès, est une étrange chose. » (Molière, L'École des femmes)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Interlude

Jeune femme lisant Philosopher tue de Jean-Guy Floutier

Atlantide mentale


En certaine île verte de mon cerveau où pousse à présent le sombre corail de la lycanthropie, pleins d'orgueil, de faste et de majesté, s'élevaient autrefois les palais de l'odieux « vouloir-vivre ».

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Frénésie philosophique


« Les philosophes ne sont pas plutôt nés qu'ils cherchent à produire des concepts. Ils se traînent d'abord sur le morceau de réalité empirique qui les entoure, et ensuite ils s'enfoncent dedans, au moins en partie. À mesure qu'ils en ont détaché une petite portion, ils l'avalent ; ils travaillent sur les "phénomènes" comme la chenille de l'hépiale du houblon fait sur la substance charnue des feuilles des plantes. Si on suit pendant quelques jours ceux qu'on aura mis sur un morceau de réalité empirique, on verra ce dernier devenir criblé de toutes parts, les philosophes n'en auront épargné que les fibres les plus tendineuses, ils en auront fait une espèce d'éponge. » (Charles François Bailly de Merlieux, De la philosophie et des philosophes, Imprimerie Royale, Paris, 1738)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)