La
vieillesse nous offre le choix entre la honte, la solitude et le
taupicide. La plupart choisissent la honte, mais d'après Winston
Churchill, ils auront aussi la solitude et le taupicide.
Le
nihilique s'était laissé dire qu'au soleil, sous la pluie, à midi ou à
minuit, il y avait tout ce qu'il voulait aux Champs-Élysées, mais va te
faire fiche. Il avait eu beau chercher, aux Champs-Élysées et alentour,
il n'y avait pas plus d'Absolu ténébreux que de beurre au prose. Où
était-ce donc alors qu'il se cachait ? L'Absolu ténébreux ?
— L'Absolu ténébreux ? Il est dans ton cul, hé, ballot !
Mais
le plus troublant et le plus effrayant est encore de penser que pour le
reste de l'humanité, l'autrui lévinassien, c'est nous !!! Ô vanité des
vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
Les
animaux, les végétaux et les minéraux, passe encore, mais l'autrui lévinassien ! Son existence est bien la chose la plus inconcevable, la
plus monstrueuse et la plus angoissante. On est tenté de croire qu'il
s'agit d'une illusion, mais même le « négateur universel » Émile Cioran
paraissait croire qu'il y avait « de l'autrui » (Ionesco, Beckett,
Michaux, Simone Boué, etc.). Alors... — mais ça ne nous aide pas à « faire avec ».
Quelqu'un — Raymond Doppelchor ? — a dit que quand on est revenu de tout, on
n'arrive à rien, pas même à « concevoir une pensée ». Et ça a tout l'air
d'être vrai — mais comme on est aussi revenu des « pensées », ça va.
Une
des plus belles phrases de la langue française est, dans son laconisme
véridique, celle qu'écrivit dans son journal l'infortunée Marie
Lenérouge (1875-1918) : « Rien ne console, parce que rien ne remplace. »
Toute la doctrine nihilique y est resserrée avec une force et un
bonheur d'expression suprêmes. Non, en vérité, rien ne remplace (et par
conséquent, rien ne console non plus).
En
plus de ses travaux sur le calcul des probabilités, le mathématicien
Abraham Moivre est connu pour avoir prédit avec exactitude la date de sa
mort (il ne s'est pas suicidé). Ses derniers mots furent pour dire à
son ami Rogier van der Weyden : « T'as vu ? T'as vu ? »
Quand
on arrive à la hauteur du château d'eau de Belleville, c'est comme
quand on écoute le Voyage d'hiver de Schubert : l'émotion vous submerge.
S'ensuit une rafale de « caisses ».
Si
le « penseur paradoxal » Frédéric Nietzsche pouvait prendre aujourd'hui
le métro parisien, il serait sûrement victime d'un « malaise voyageur ».
La laideur qui y règne ; la puanteur quasi excrémentitielle ; et ces
gueules... pour quelqu'un d'aussi émotif...
Quelqu'un
dont la mort est réputée proche, on dit qu'il est « libérable ». Quand un
tel individu croise un quidam qui, pour sa part, a encore de longs mois
ou de longues années à tirer, il lui crie : « Bérable dans ta gueule !
Bérable dans ta gueule ! » (attesté par le professeur Munteanu).
Comme
Konrad, le héros de Thomas Bernhard, on aimerait faire répéter à sa
bonne femme pendant des heures la phrase « Mimi vit six perdrix ». Ça lui
ferait les pieds, à cette carogne. Pour une étude sur l'ouïe, qu'on
prétendrait. Bon, mais il faudrait déjà avoir une bonne femme.
Puisque « philosopher, c'est se préparer à mourir, c'est mourir », on aimerait
conseiller à tous ces gens que l'on croise dans la rue ou dans les « transports en commun », à tous ces gens qui vous bloquent le passage,
vous bousculent ou vous foncent dessus, de lire du Maritain ou de
l'André Comte-Sponville et, oui, de mourir.
De
son propre aveu, le poëte Lamartine aimait à flotter sur l'onde de la
mer à l'heure où, du haut du rocher, l'oranger et la vigne féconde
versaient sur la vague profonde de ladite mer une ombre propice au
nocher. Pour ça et pour d'autres choses encore, ses proches le tenaient
pour un « mec bizarre ».
On
peut supposer que la production de matière fécale est plus pénible —
métaphysiquement ! — à une personne du sexe, car la femme est associée
à la délicatesse et à la suavité, tout le contraire de l'excrément qui
est le plus souvent grossier et malodorant.
Comme
jadis les guerriers lombards, le nihilique tremble au seul nom du
patrice Mummol (il doit l'identifier à l'autrui lévinassien, ou quelque
chose).
Vous
souvient-il encore au fond des jours, fougères, du pauvre être au cri
bègue, aux doigts gourds ? De l'ineffable homme des cavernes,
c'est-à-dire ? Avec son petit panier de cerises sauvages ? Il a fait du
chemin, depuis. Il envoie des fusées dans la lune. Pourtant, c'est
toujours un bredin, un fada, un jobastre, bref un idiot. Bon, ce n'est
pas le tout. Ciao, les fougères ! Arrivederci !
Le
monstre bipède est impacté par la baisse des nappes phréatiques.
Bientôt, il ne va plus être en capacité de s'hydrater. Heureusement, il a
des opportunités à l'international. Il ne doit pas rester sur Paris (ou
sur Bezons). Il doit se mettre en situation de mobilité (ou de
handicap).
Le
cerveau, c'est quelque chose. Il fait de ces associations loufoques !
Ainsi, le nihilique ne peut pas lire ou entendre le nom Marcel Béalu
sans penser à du « papier alu ». Comment, après cela, se concentrer sur
les poëmes dudit Marcel ?
L'homme
a de quoi l'avoir saumâtre. Non seulement il est mortel et sujet aux
hémorroïdes, mais les « experts du GIEC » veulent maintenant lui faire
porter le bada pour les sécheresses et les ouragans !
Terrible
chose que l'existence ! Un vent glacé frissonne et court par les allées ; le Dasein heideggérien, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux, ne
peut pas dormir sur ses pattes gelées. Dans les grands arbres nus que
couvre le verglas, il est là, tout tremblant, sans rien qui le protège ;
de son œil inquiet il regarde la neige et se dit : « C'est ça la vie ?
Eh ben moïeux ! »
Voilà-t-il
pas qu'après Maurice Blanchot et Louis-René Des Forêts, c'est Brice
Parain qui se met à explorer les liens entre silence et littérature !
C'est une épidémie ou quoi ?
Dans
la vie, on a le choix entre le Rien et les emmerdes. Ceux qui aiment
les emmerdes se mettent avec une bonne femme. Ceux qui préfèrent le Rien
restent avec eux-mêmes (ils font l'expérience de la solitude, comme
cela s'appelle). Mais on peut aussi avoir tout en même temps : le Rien
et les emmerdes, la bonne femme et la solitude.
Le nihilique : Vas-y, vieux, fais une belle phrase.
Julien
Green : Okay. Attends... Attends... Je sens que ça vient... Oui,
attends... Voilà. Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade. T'as
vu ça ?
Jeune,
le nihilique se sentait déjà vieux. C'était embêtant, mais maintenant
qu'il l'est vraiment... c'est encore pis. Ses genoux grincent et
cliquettent, ce qu'ils ne faisaient pas avant. Et s'il n'y avait que les
genoux... Mais il y a l'être ! L'être !
Exister
est un verbe des plus scabreux, car il signifie à la fois posséder une
réalité et se manifester dans la vie de l'autrui lévinassien de manière
éminente. Pour éviter l'ambiguïté, on utilisera plutôt le vocable
strapontin ou à défaut le pape François (même si le sens de la phrase en
est quelque peu modifié).
Pour
avoir singé la profondeur et s'être exprimé comme un oracle,
l'horripilant René Char est condamné à recevoir une sévère bourrade dans
les côtelettes. — À exécuter immédiatement.