« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
lundi 24 décembre 2018
Pilifère
26 août. — Les physiologistes placent l'homme à la tête de la grande classe des mammifères que d'autres nomment pilifères, parce que l'un des traits distinctifs de cette classe est une peau couverte de poils.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Arcane
Les excréments ne coïncident pas, il s'en faut de beaucoup, avec l'étendue et la variété du monde. À l'évidence, le monde contient quantité d'autres êtres ou choses, dont certains attirent et surprennent autant. Mais aucun objet, aucune créature, n'interroge davantage l'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes — que ce hiéroglyphe protéiforme et versicolore : l'étron.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Page de journal
18 novembre. — « Nul boucher ne pourra vendre ne appareiller pour vendre aucun porc ne truie qui soient nourris de pension de barbier, de mareschal, ne de mesel ; et, s'il était forfait, en sera la chair portée à hacher sur un chouquet à ce ordonné, et jestée à la rivière de Sayne, et le saing donné aux gardes et varlets du mestier, pour leurs paines et salaires, et la peau au prouffit du roy. » (Article 1er du statut des bouchers à Paris en 1407)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
dimanche 23 décembre 2018
Univers
Par l'univers, l'homme du nihil entend non seulement les cieux et la terre, mais encore le vide infini qu'il décèle au-dedans du monde, et en particulier de soi-même.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Antidote
24 octobre. — L'angoisse de vivre, l'inquiétude de se sentir seul dans un univers incompréhensible, tout cela peut parfois se guérir par quelques petits gâteaux feuilletés, s'il faut en croire Max Brod (Biographie von Heinrich Heine).
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Dissymétrie
Conjecturant dans la dissymétrie une des forces vives de la nature, certains suicidés philosophiques choisissent de délaisser l'harmonieux et maniable colt Frontier pour l'incommode fusil Krag-Jørgensen (dont le magasin, faut-il le rappeler, est placé sur le côté). Présente même où elle n'a que faire — par exemple dans l'homicide de soi-même —, la postulation dissymétrique y rappelle qu'elle est capable de s'imposer avec faste, même là où ses effets ne sont qu'encombrants et nuisibles.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Ambition littéraire
Dire en une prose gloméruleuse toute la souffrance du volucre.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Un bon tour
25 octobre. — « Plusieurs ambassadeurs turcs lui furent envoyés. Lorsqu'ils vinrent à lui, ils le saluèrent sans ôter leur turban. Il leur demanda pourquoi ils ne l'avaient pas enlevé et ils lui répondirent : "Seigneur, telle est notre coutume et nous ne le retirerons même pas devant l'Empereur." Il dit : "Eh bien, je veux vous raffermir dans votre coutume." Et eux de le remercier de sa grâce. Alors il fit prendre de bons clous en fer et leur fit clouer les turbans sur la tête de façon qu'ils ne tombassent pas ; c'est ainsi qu'il les raffermit dans leur coutume... » (Histoire du prince Dracula, Vienne, 1643)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
samedi 22 décembre 2018
Instabilité
Le suicidé philosophique, soumis à l'attraction fatale du nihil, est un être fondamentalement instable : il rappelle ces éléments chimiques, créés en laboratoire, qui se maintiennent seulement quelques centièmes de seconde avant de se désintégrer, et qui avaient pourtant leur case réservée dans le tableau périodique de Mendeleïev 1.
1. Ce dont ne peut se targuer le suicidé philosophique, qui apparaît plutôt — et d'abord à soi-même — comme une « erreur de la nature ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Tourbillon de la vie
Autrefois, j'ai connu Ferdousi dans Mysore, mais nous nous sommes, depuis, perdus de vue.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Lanterne d'Aristote
30 décembre. — La lanterne d'Aristote est l'appareil masticateur des oursins. Il s'agit, selon Gragerfis, d'un assemblage à symétrie pentagonale de pièces calcaires squelettiques articulées.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Discours silencieux
Un mystérieux isolement, que manifeste jusqu'à leur apparence, met entre les suicidés philosophiques et le vulgum pecus une distance difficile à réduire et qui fait leur force. Ils obligent à l'observation, ils sont par nature « ouverts ». Rien de surnaturel ne les hante. Aucun sacré ne les habite : ils se refusent à tout culte et ne conseillent aucune piété. Ils ne sont pas des symboles : ils ne signifient rien qu'eux-mêmes. Le discours sur le Rien auquel ils invitent reste silencieux ; il naît d'une taciturnité toujours nouvelle, qui surprend d'abord mais qui découle naturellement de ce qu'ils sont, comme qui dirait, « décédés ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Momification du Dasein
28 août. — « Premièrement, ils font couler le cerveau par les narines avec ferrement propre à ce, et pendant que les uns font cette distillation, autres y entonnent baume et onguents. Après, ils ont une pierre éthiopique de fort bon tranchant, avec laquelle ils font incision du ventre, puis en tirent les entrailles. Quand le ventre est ainsi vidé et arrosé de vin de palmes, derechef ils l'adoubent de drogues aromatiques, et, emplissant les entrailles de myrrhe fine, de casse et autres bonnes odeurs, hormis d'encens, ils cousent l'incision et referment le tout. Toutes ces façons baillées, ils salent très-bien le corps, et couvrent le saloir jusqu'à soixante-dix jours : et n'est licite de l'y tenir davantage. Les jours révolus, ils retournent prendre le corps, lequel, lavé et nettoyé, lient de bandes faites d'un drap de soie, collées avec certaine gomme, à raison que les Égyptiens en lieu de colle usent de cette gomme. Alors les parents reprennent le corps, et lui font faire un étui de bois moulé en effigie d'homme, dans lequel ils le mettent, et l'ayant entuyé là-dedans, le serrent comme trésor en un autre coffre, qu'ils dressent debout contre une muraille. » (Hérodote, Histoires, Traduction de Pierre Saliat)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
vendredi 21 décembre 2018
Un ami précieux
Élargissant sans cesse le cercle d'une solitude où il se condense peu à peu en un amas punctiforme, le nihilique en vient à reconnaître dans le taupicide son seul ami véritable. Situé à l'extrême de la taciturnité, le nitrate de baryum qui en constitue la partie principale est placé du même coup aux antipodes de l'homme et de la pensée. On le devine contenir en sa masse impassible la totalité des transformations possibles de la matière, sans rien en exclure — surtout le néant.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Hommage à Jean-Guy Floutier
Châtiment de Théodoric
19 août. — « La mort de Symmaque, ordonnée par Théodoric, dut achever d'ébranler le moral de ce dernier, car peu de jours après, dans la tête monstrueuse d'un poisson qu'on avait servi sur sa table, il crut voir celle de Symmaque, dont les regards furieux le menaçaient, dont les dents semblaient prêtes à le mordre. À cette horrible hallucination il se sent saisi d'un froid mortel, on l'emporte dans la chambre royale, on l'accable de couvertures pour rappeler la chaleur ; soins inutiles ! Malgré l'art et l'empressement de son médecin Elpidius, le vieillard frissonnant expire en détestant sa cruauté. » (Jean-Bernard Mary-Lafon, Rome ancienne et moderne depuis sa fondation jusqu'à nos jours, Furne, Paris, 1854)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Limon noir
Comme le Nil, l'idée du Rien charrie un précieux limon noir : c'est un fleuve nourricier. Et ainsi que l'a souligné Gragerfis : « ce fleuve bienfaiteur, il ne tient qu'à chacun d'en accroître, fût-ce pour une part infinitésimale, les antiques alluvions ». — Comment ? Mais par l'homicide de soi-même !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Désespérance du peuplier
L'andante convient assez à la désespérance de l'homme du nihil — et à celle, plus feuillue, du peuplier.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Médecine pédiculaire
29 août. — « En médecine, les poux sont estimés apéritifs, fébrifuges, et propres à guérir les pâles couleurs : la répugnance, comme dit Lémery, d'avaler ces vilaines bêtes, contribue peut-être plus à chasser la fièvre que le remède même ; pour la jaunisse, l'usage est d'en faire avaler à jeun cinq ou six dans un œuf mollet. Pour la suppression d'urine, qui arrive quelquefois aux enfants nouveaux-nés, on en introduit un vivant dans l'urètre, qui par le chatouillement qu'il excite sur ce canal, qui est doué d'un sentiment exquis, oblige le sphincter à se relâcher et à laisser couler l'urine : une punaise produit le même effet. » (Jacques Valmont de Bomare, Dictionnaire raisonnée universel d'histoire naturelle, t. 5, Brunet, Paris, 1775, p. 271)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
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