mardi 20 septembre 2022

Grappe orbiculaire

 

Pour endiguer ce qu'il appelle « l'adénopathie du Moi », c'est-à-dire pour empêcher le Moi de gonfler à la manière d'un ganglion lymphatique, Foukizarian propose de faire appel au vocable — qu'il compare à une bouillie de maïs ou de châtaigne. Il dit aussi que le mot est une « grappe orbiculaire ». Mais il ne nous apprend rien de plus, et semble oublier que c'est justement chez les littérateurs que le Moi est le plus hypertrophié.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rêve de calcéolaires

 

La vie manque de fleurs aux couleurs chatoyantes. Alors pour compenser, le nihilique fait appel à son imagination. Et tel un éléphant fou de mélancolie, il se perd en des rêves somptueux de calcéolaires.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 19 septembre 2022

Faldistoire falciforme

 

Le faldistoire est un siège à accoudoirs sans dossier, parfois pliant, réservé à l'évêque et à certains dignitaires de l'Église. Quand d'aventure il est en forme de faux, on dit qu'on a affaire à un faldistoire falciforme. Mais cela n'arrive presque jamais car le réel manque terriblement de fantaisie (il est ennuyeux comme un récital d'orgue ou de harpe).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Demi-cuit

 

Tôt ou tard, l'homme comprend qu'en fait de vie, il est enfermé dans un faitout avec un assortiment de crustacés, promis comme lui à l'ébouillantement. Ça fait un moment qu'on l'a mis à mijoter : depuis sa naissance, en fait. Mais il n'est pas encore à point. Comment tuer le temps en attendant ? Demi-cuit dans sa cochléaire carapace, il trame toutes sortes d'apothéoses.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Lunaticité du temps

 

Le temps est très lunatique. Parfois il vous bourre les côtes, parfois il coule dans votre gosier à la manière panlogique d'un vin rouge ductile.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Souvenir de tempête

 

Le nihilique n'est pas fier, mais s'il y a une chose qu'il n'aime pas, c'est qu'on le compare à un brick pansu. À son estime, il a du cotre la finesse invertébrée. À ce propos, il raconte qu'un jour, un fort coup de vent entre les Bermudes et Halifax l'a obligé à mettre en fuite. Un vent de cinquante-cinq nœuds, opposé au courant, levait une mer terrible. Des vagues de sept à huit mètres, raides, déferlaient avec violence.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 18 septembre 2022

Riz gluant

 

Vivre dans le Rien, cela consiste à se nourrir d'un riz gluant composé — en plus du riz — d'oisiveté, de rires nerveux et de crépuscules palmatilobés.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un travail peu ragoûtant

 

Le poëte, ce « médecin-légiste de l'ipséité » selon Luc Pulflop, plonge sa pince de Kocher dans les entrailles du réel afin d'extraire de ses visqueuses sécrétions l'image adéquate.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Voyages délicieux

 

Chacun se fait sa propre idée de l'aventure. Celle du nihilique est de parcourir le monde juché sur un dog-cart, un half-track ou un plum-pudding (suivant les saisons). Il serait « comme l'insecte qui, posé sur quelque brin d'herbe, flotte au gré d'un fleuve »...

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Glossaire laiteux

 

Le monde est un absurde glossaire, laiteux et abscons. On n'y comprend que pouic.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 17 septembre 2022

Marsupialisation du réel

 

Chez le nihilique, tout irrite : sa misanthropie, son pessimisme, ses lévitations de kinkajou professoral, son goût des prosopopées... Et comme pour aggraver encore son cas, il cherche à marsupialiser le réel à l'aide d'un menu gravier phonématique !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Crawl occipital

 

Il est certes fort plaisant de ruminer sur l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, etc., mais c'est une occupation sédentaire et il est notoire que l'inactivité physique accroît le risque de développer des maladies telles que l'insuffisance cardiaque, les affections cardiovasculaires, l'accident vasculaire cérébral, le diabète, l'hypertension, et d'autres encore plus effrayantes. Alors pour prendre un peu d'exercice, le nihilique, au moins une fois par semaine, plonge dans la mer plate du Rien et y nage un crawl occipital de grande ampleur. 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une veine de bossu

 

Comme il a de la chance, l'homme de la Nature et de la Vérité ! Rien ne le trouble, il déambule débonnaire sous des cieux définitifs, il a même un sol sous ses pieds, le salop !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Culture générale

 

Le cerveau de l'homme est un fatras sans nom. On y trouve aussi bien le vergobret des Éduens que la rondache de l'hipparque. Rien, hélas, qui aide un tant soit peu à mourir.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 16 septembre 2022

Terza rima

 

On croit qu'on va donner un sens à son existence en s'adonnant à la versification italienne, mais c'est un nouvel échec : derrière la terza rima se cache un simple terreau épileptiforme.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Haut-de-côtelettes

 

Ces gens qui s'imaginent « être quelqu'un » parce qu'ils ont fait ceci ou cela... Ces écrivains, ces peintres, ces compositeurs de pièces pour clarinette et dispositif électronique... Combien l'homme est grisé par l'embrasement violacé de son Moi ! — Comparé à ces « cracks de l'existence », le raté a la fraîcheur d'un haut-de-côtelettes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pendule bourru

 

À peine a-t-il poussé son premier vagissement que l'homme est happé par ce pendule bourru : le temps. Qu'adviendra-t-il de sa sarcastique personne ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Résidu guanifère

 

Le temps, ce vilain vilebrequin, laisse après lui un sédiment pourpre qui imite assez bien un amas d'excréments d'oiseaux marins. Si l'on met de côté sa couleur pourpre et sa faible concentration en azote, il a tout du guano. C'est pourquoi un être en proie à la mélancolie s'exclame volontiers : « Guano ! Sédiment pourpre du temps ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 15 septembre 2022

Lamellé-collé

 

Le désespoir n'est pas d'un bloc. Il se compose d'une multitude de tranches soliloquantes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une balade requinquante

 

Quand la vilenie des hommes vous suffoque, il est revigorant de flâner dans un cimetière. Ô sépulcres énergétiques !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cascabelle hébéphrénique

 

La cascabelle est un organe situé à l'extrémité de la queue de certains serpents, ceux dits « à sonnette ». Elle est composée d'un assemblage de grandes écailles en anneaux imparfaitement fixées et sert d'avertisseur sonore à ces reptiles lorsqu'ils se sentent menacés. Chez l'homme, la cascabelle est presque l'apanage des nihiliques. Procédant de l'idée du Rien, elle est la manifestation d'un syndrome dissociatif qui mène rapidement à un retrait social, c'est pourquoi on la qualifie de cascabelle hébéphrénique.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Délires éruciformes

 

Dans sa première épître, Jean met en garde le vulgum pecus en ces termes : « N'aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est point en lui. » Ces mots peuvent paraître déroutants, mais ce que veut dire l'apôtre est en fait très simple : n'aimez pas de façon démesurée les créatures, les coutumes, les modes du monde ; n'aimez pas sa splendeur, sa pompe, sa gloire, ses « philosophes de la déconstruction » (Derrida, Foucault, etc.) et les volutes smorzando de leurs délires éruciformes.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 14 septembre 2022

Pseudotropheus interruptus

 

« Pétulante tel un hippogriffe, contondante tel un poêle chamanique, l'idée du Rien...
— Oui ?
— Euh... Non, rien. »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Asthénie benthique

 

Est-ce parce qu'ils ont lu certain livre de Georges Perec ? Toujours est-il que les pleuronectiformes (plies, soles, flets, flétans, cardeaux, limandes, turbots, carlottins, barbues, cardines) cessent très jeunes de nager et se couchent sur le fond marin. La face tournée vers le fond se décolore, l'œil qu'elle portait émigre sur la face supérieure, qui se pigmente, le « poiscaille » se laisse envahir par la torpeur et fait l'expérience de l'indifférence absolue.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Pourquoi écrire

 

Invectiver la réalité empirique en l'appelant une grosse vache, tel est le luxe suprême du prosateur.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Phlegmon mortel

 

Nonobstant son sourire amical, la vie est un phlegmon mortel. Seul point en sa faveur, elle est sans collection (à la différence du panaris qui lui est collecté).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 13 septembre 2022

Dessicativité du réel

 

Selon Protagoras, tout ce qu'on a le droit de dire du réel, c'est qu'il n'est « pas même ainsi ». Mais le nihilique s'en moque et le clame haut et fort : le réel est dessicatif.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Espéronade charnue

 

Tous les moyens sont bons au nihilique pour rejoindre le Rien : il ira en diligence, en voiturin, en traîneau, en espéronade, à cheval ou en patache. Mais s'il doit y aller en espéronade, il aimerait du moins qu'elle soit charnue !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Gnomes jacassiers

 

Selon Jacques Bouveresse, le philosophe Wittgenstein, après avoir publié son fameux Tractatus, fut poursuivi par une horde de gnomes jacassiers qui répétaient sans cesse comme pour se moquer de lui : « le monde est tout ce qui a lieu » et « ce qu'on ne peut dire, il faut le taire ». D'après Bouveresse, Wittgenstein en avait « ras la casquette ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)