vendredi 29 juin 2018

Antiphlogistique


« En rapprochant les succès obtenus dans le traitement du panaris par les frictions mercurielles réitérées, de ceux que procure le taupicide dans l'haeccéité, on est conduit à considérer ces remèdes comme essentiellement antiphlogistiques ; autrement dit, comme des moyens qui affaiblissent parfois plus l'organe que la maladie dont on veut le dégager. » (Dr Charles Segond, De l'emploi des évacuants dans les maladies du Moi, 1836)

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

L'aspiration (Raymond Carver)


J'étais sans travail, mais je devais recevoir des nouvelles du Nord incessamment. Allongé sur le canapé, j'écoutais le bruit de la pluie. De temps en temps, je me levais pour jeter un coup d'œil à travers le rideau, des fois que le facteur s'amènerait.
Mais la rue était vide, morte.
Je ne m'étais pas recouché depuis cinq minutes que j'ai entendu quelqu'un qui gravissait les marches du perron, faisait une brève pause, puis frappait. Le facteur ? Dans Expérience et jugement, le phénoménologue Edmond Husserl décrit la négation comme surgissant de la déception d'une attente, autrement dit de la suppression d'une « intentionnalité anticipatrice ». Et il cite l'exemple d'une boule rouge et lisse qui s'avère soudainement être verte et bosselée de l'autre côté, démentant ainsi la représentation anticipatrice que l'on en avait. Et encore, Husserl avait un bon job à l'Université de Fribourg, mais quand on est chômeur, on n'est jamais trop circonspect. Les mises en demeure et les sommations pleuvent. Tantôt elles arrivent par la poste, tantôt on vous les glisse sous la porte. Y en a même qui viennent vous voir pour discuter, surtout si on n'a pas le téléphone.
On a frappé une deuxième fois, plus fort. Ça n'augurait rien de bon. Je me suis soulevé tout doucement et j'ai essayé de voir qui c'était. Mais tout ce que j'ai vu, c'est une boule rouge et lisse d'un côté, verte et bosselée de l'autre. Ce bon vieux Husserl avait raison !


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

jeudi 28 juin 2018

Interlude

          Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Sphère antéprédicative


S'il est vrai que la phénoménologie de Husserl — qui prône, faut-il le rappeler, le « retour aux choses-mêmes » — ouvre dans « l'horizon poreux de la thèse prédicative » une sphère matérielle et sensorielle, la « sphère antéprédicative », et ce avec le défi de penser le sensible, alors il ne reste plus qu'à se pendre avec ses bretelles (les siennes propres, pas celles de Husserl).

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Un aimable divertissement


« Je ne m'amuserai point, à l'exemple de l'auteur de l'Égide de Pallas, à prouver l'excellence de l'homicide de soi-même par son ancienneté ou par le rapport qu'il peut avoir avec quelques traits de l'histoire ancienne ; je n'en ferai point remonter l'origine au siège de Troie, et je n'en attribuerai point l'invention à Palamède ; je me contenterai donc simplement de dire que c'est un passe-temps des plus récréatifs et des plus amusants, par la variété des incidents qui s'y rencontrent — ainsi lorsque la corde casse ou que la mèche fait long feu —, et par la multitude des combinaisons qu'il permet. La découverte que l'on y fait tous les jours de nouvelles finesses prouve qu'il n'est point d'exercice plus étendu et plus intéressant que l'homicide de soi-même. » (Essai sur l'homicide de soi-même dit « à la Polonoise », par le Sieur Manoury, Bruxelles, Le Francq, 1796)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Un être porcin


Le conformisme et la grégarité du « monstre bipède » sont des phénomènes qui semblent se prêter idéalement à une analyse de type durkheimien ou néo-durkheimien. Il convient toutefois de veiller à ne pas perdre de vue l'interpénétration constante de l'individu et du social telle qu'elle a été mise en évidence par la sociologie interactionniste influencée par les travaux de George Herbert Mead et, dans un registre tout à fait différent, par Marcel Proust, très habile à représenter un soi multiple, d'une extrême sensibilité aux influences du milieu et à l'écoulement du temps.

Mais peut-on vraiment se figurer le « monstre bipède » en train de lire, entre deux parties de pétanque et deux tournées de « pastaga », les œuvres de George Herbert Mead et de Marcel Proust ? De nombreux indices rendent cette évocation peu plausible, entre autres la propension quasi irrépressible dudit « monstre bipède » à se promener en survêtement dans les couloirs méandreux de l'être.


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Interlude

         Beauté slave lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Un rebelle sans cause


Le chien Milou ne manque pas une occasion de faire des remarques caustiques. Il semble ne rien respecter, n'obéit à aucune autorité et sa tournure d'esprit est typique de ce mouvement que l'on appelle l'anarcho-syndicalisme, dont on sait qu'il procède pour l'essentiel de la « pensée » de Michel Bakounine.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Théorème d'unicité de Stokes


Le théorème d'unicité de Stokes, dû à George Stokes, trouve des applications en mécanique des fluides. Ce théorème d'unicité du potentiel gravifique extérieur est important pour qui envisage de se plonger dans un liquide jusqu'à ce que mort s'ensuive, autrement dit de se noyer. Il dit qu'une solution de l'équation de Laplace satisfaisant les conditions aux limites constitue la solution unique correspondant à l'équipotentielle. 

Cela constitue un avantage pour celui qui veut mettre fin à ses jours en se jetant dans un fleuve, comme fit le poëte Paul Celan dans la nuit du 19 au 20 avril 1970 (il se jeta dans la Seine, probablement du pont Mirabeau). Par contre, la connaissance du champ extérieur ne permet pas de déduire la distribution des masses qui produit l'équipotentielle, ce qui est incontestablement un inconvénient pour le suicidé philosophique qui aimerait bien savoir quelle posture adopter une fois dans l'eau.


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Validation expérimentale


Se tuer pour se prouver à soi-même la mortalité de l'être mortel.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Balsamique


Comme la momordique, l'idée du Rien est rafraîchissante, dessicative, et a la réputation d'être un excellent vulnéraire. L'homme du nihil en tire un baume qu'on vante comme un bon remède dans la piqûre des tendons, les hémorroïdes, les engelures, et l'angoisse d'exister. 

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

mercredi 27 juin 2018

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Force


Par des trépidations désespérées, le constipé s'efforce de résoudre le problème que pose le concept mystérieux de « force » dans la physique newtonienne. Il n'essaie pas de répondre directement à la question « Qu'est-ce qu'une force ? », mais rêve d'atteindre son but sans faire appel à la notion de « force » en tant que concept fondamental.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Diététique du suicidé


Selon Aulu-Gelle, le candidat au suicide, avant de commettre son geste fatal, doit se préserver de toute lourdeur d'estomac et donc éviter absolument : le paon de l'île de Samos, le faisan de Phrygie, la grue de l'île de Mélos, le chevreau d'Ambracie, le thon de Chalcédoine, la murène de Tartèse, la morue de Pessinunte, l'huître de Tarente, le pétoncle de Chio, l'esturgeon de l'île de Rhodes et le poisson de Cilicie ; la noix grecque, le fruit des palmiers d'Égypte, et l'aveline d'Ibérie. (Nuits attiques, Livre VII, Chapitre XVI).

(Marcel banquine, Exercices de lypémanie)

Spinozisme exacerbé


« Un homme est soupçonné d'avoir tenté de tuer sa femme, à Valensole. Un geste qui aurait été prémédité. Il a été placé en garde à vue hier matin pour "tentative d'assassinat", garde à vue qui a été prolongée hier soir.

Alors qu'elle circulait en voiture, sa femme a remarqué un comportement inhabituel de son véhicule. Elle est aussitôt allée chez un garagiste, et celui-ci a découvert que les durites de frein de son automobile avaient été sectionnées. Elle s'est alors rendue à la gendarmerie pour déposer plainte. La procédure a entraîné une ouverture d'enquête par le parquet de Digne-les-Bains, menée par la brigade territoriale autonome de Manosque et la brigade de recherches de Forcalquier.

Les soupçons se sont rapidement tournés vers le conjoint de la plaignante, un homme qui a déjà eu affaire à la justice pour des faits d'exhibitionnisme spinozien (vêtu d'un imperméable et de bas de pantalon, il opposait à la conception transcendante du divin une philosophie matérialiste de l'immanence).


Selon nos informations, le suspect se défend bec et ongles et aurait déclaré aux enquêteurs que son épouse était une "carogne" qui avait "aussi peu à voir avec un être humain, que la constellation du Chien avec le chien, animal aboyant".

Sa garde à vue devrait être levée aujourd'hui. Il sera vraisemblablement déféré aussitôt devant le pôle criminel d'Aix-en-Provence. » (Le Dauphiné, 27 janvier 2018)


(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Interlude

      Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Répétitions angoissantes


Quoique bon élève, Heidegger n'aime pas aller à l'école. Chaque matin, devant son bol de cacao et sa tartine beurrée, il a la boule au ventre ou, comme il dit, « la barre » (ich habe die Bar).

Difficile de ne pas voir dans ces spasmes quotidiens comme des prémices des « répétitions angoissantes » analysées dans Sein und Zeit, à partir desquelles le Dasein s'ouvre à son être-vers-la-mort.

Heidegger apprendra plus tard qu'à peu près au même âge, Albert Einstein souffrait du même genre d'angoisse — mais devant un bol de ricoré.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Angoisse bifrons


Au dire de Karl Jaspers, « l'état de mort, qui consiste à ne plus être, et l'action de mourir, qui cesse avec la mort, provoquent chez le Dasein deux angoisses bien différentes » — et cela paraît indéniable. 

Pour contenir ou apaiser la seconde, le suicidé philosophique chevronné privilégie les méthodes qui expédient promptement et il évite, s'il le peut, de se jeter du viaduc de Garabit (qui culmine à 122 mètres au-dessus des gorges de la Truyère durée de la chute : 5 secondes en négligeant les forces de frottement dues à l'atmosphère). Mais quant à la première, comme le note fort justement Jaspers, « aucun artifice technique ne peut en délivrer l'étant existant, seule la philosophie le peut »

Et en particulier la philosophie nihilique, est-on tenté d'ajouter. Car peut-on imaginer patrie plus accueillante, plus propre à réjouir le cœur de l'homme que le Rien ?


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Un inadapté


Comment se faire à la finitude du Dasein ? L'écrivain uruguayen Horacio Quiroga ne s'y fit jamais. Atteint d'un dégoût prononcé de la vie, il met fin à ses jours en 1937 dans un hôpital de Buenos Aires, en avalant une pilule de cyanure.

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis le dépeint comme « un dandy tourmenté, irrésistiblement attiré, comme ses personnages qui lui ressemblent tant, par la dangereuse beauté de cette grande forêt tropicale : le Rien ».


(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

mardi 26 juin 2018

Interlude

      Jeune femme s'apprêtant à lire les œuvres complètes de Luc Pulflop

Mauvaise réputation


Ce n'est pas d'hier que le suicidé philosophique a mauvaise presse. Dans la littérature médiévale, il est constamment un personnage désagréable : il suffit de penser à celui du roman d'Eracle ou du roman de Horn pour s'en apercevoir. Constamment, il est présenté comme un individu chiche, bourru et querelleur. Chez Gerbert de Montreuil, le suicidé philosophique rappelle le « cholérique » dont parlent les traités de physiognomonie, et il s'attire la repartie :

           « Vos eüssiez le cuer crevé
           Se vous ne fussiez desfarcis. »


Comment expliquer une telle animosité si ce n'est par la verve caustique avec laquelle le champion de l'homicide de soi-même a de tout temps assaisonné le « monstre bipède » ?


(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Délices anticipées


Le suicidé philosophique passe ses jours à savourer le clafoutis climatérique de sa propre fin.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Humeur défiante et soupçonneuse du constipé


« Le vrai constipé est ordinairement sans cœur, toujours craintif et tremblotant, ayant peur de tout, et se faisant peur à soy-mesme, comme la beste qui se mire ; il veut chier et ne le peut, il va partout soupirant et sanglotant avec une tristesse inséparable qui se change souvent en désespoir ; il est en perpétuelle inquiétude de corps et d'esprit, il a les veilles qui le consument d'un costé, et le dormir qui le bourrelle de l'autre... bref c'est un animal sauvage, ombrageux, soupçonneux, solitaire, ennemi du soleil, à qui rien ne peut plaire que la seule fausse et vaine imagination de chier. » (Dr André du Laurens, Discours de la conservation de la vie : des maladies constipatoires, des catarrhes, et de la vieillesse, à Paris, chez Jamet Mettayer, 1597, p. 119)

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

À la Pépite d'Or (Larry Brown)


C'était un bar, quelque part entre Orange Grove et Pascagoula, une de ces boîtes où on entre gratuitement mais où on vous fait payer cinq dollars une bière Schlitz de trente centilitres. L'endroit était sombre. Tout le monde portait des lunettes de soleil, sauf moi. Mon pote avait disparu et je ne savais pas ce qui lui était arrivé. En revanche, je savais ce que j'étais et j'essayais de vivre avec. Je me disais que si seulement j'arrivais à passer la nuit, tout redeviendrait à peu près bien quand le soleil se lèverait.

Cette boîte affichait des danseuses nues. Rien que les seins, pas le cul. Je me suis dit : bon, allons-y pour les danseuses. Je savais que je souffrais d'intoxication par l'alcool et que ça portait sur mon cerveau. Il suffisait que je boive une seule bière et toutes mes idées changeaient. Je passais de la phénoménologie à l'empirisme logique, parfois même au pragmatisme de Charles Sanders Peirce, et j'avais alors l'impression que le sens d'une expression résidait dans ses conséquences pratiques. Oh, bon dieu ! Il fallait vraiment que tout ça s'arrête.


(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)

Interlude

       Belle inconnue lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Théorème bipolaire


En mathématiques, le théorème bipolaire est un résultat d'analyse convexe qui fournit les conditions nécessaires et suffisantes pour qu'un cône soit égal à son cône bipolaire.

Coïncidence ou non, le 28 mars 1941, la romancière Virginia Woolf, qui souffrait depuis longtemps de psychose maniaco-dépressive, décide d'anéantir son « cône bipolaire ». Elle remplit ses poches de galets et se jette dans la rivière Ouse, près de Monk's House, sa maison de Rodmell.

Son corps sera retrouvé trois semaines plus tard, le 18 avril, et son époux, le toujours débonnaire Leonard, enterrera ses cendres dans le jardin de Monk's House.


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Acte désespéré


C'est le corps d'une femme de 42 ans, originaire de Saint-André-de-Cubzac qui a été retrouvé ce matin, dimanche, dans les eaux du petit port à Arcachon. La disparition de la malheureuse avait été signalée la veille à la gendarmerie.

À une heure du matin, dimanche, les policiers du commissariat d'Arcachon ont repéré sa voiture aux abords du port. Une adresse figurant dans les effets qui y ont été trouvés les a d'abord conduits vers un hôtel d'Arcachon, où ils ont fait chou blanc. Les chiens policiers ont ensuite été mis à contribution, et ce n'est que ce matin que le corps sans vie de la quadragénaire a été retrouvé.

Il s'agirait d'un acte désespéré, « comme ceux qu'accomplit parfois le Dasein soucieux et "devançant", quand il vient à être lui-même en faisant face à la possibilité de sa mort », selon le commissaire chargé de l'enquête, qui se présente lui-même comme « féru de heideggerianisme ». « Cette venue à soi, ajoute-t-il, provient en quelque sorte de "l'a-venir" en un sens tout à fait particulier : il ne s'agit pas du non encore présent mais, pour le Dasein, de "la modalité d'un possible accomplissement de soi-même". » (Sud Ouest, 26 novembre 2017)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

Édredon


Le poëte illuminé Antonin Artaud, qui n'hésitait jamais devant les pensées inouïes, soutenait que l'édredon du lit de Van Gogh était « d'un rouge de moule, d'oursin, de crevette, de rouget du Midi, d'un rouge de piment roussi », affirmation qui exaspérait l'écrivain mondain Paul Valéry, car il y voyait un sophisme. « Si j'admets, disait-il, que l'édredon de Van Gogh est rouge (avant toute expérience particulière), c'est à l'objet même (qui s'appelle édredon) que va mon approbation. Si c'est au contraire le mot d'édredon, que j'approuve, je puis le trouver gracieux, sonore, agréable à prononcer, je ne songerais pas à le manger. »

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Lévitation lamaïque expliquée


Foudre Bénie est ce lama tibétain du monastère de Khor-Biyong, capable de léviter et doté, comme Madame Yamilah, du don de clairvoyance. C'est grâce à lui que Tintin et le capitaine Haddock, victimes d'une avalanche, sont secourus.

Comme le rappelle Jules Duhem dans son Histoire des idées aéronautiques avant Montgolfier, on trouve dans les temps modernes de nombreux cas de lévitation, illustrés par le témoignage d'une tradition constante : « Pierre d'Alcantara demeure jusqu'à trois heures en l'air. Le franciscain Juan de Jésus opère une longue randonnée aérienne : Andrès de Abreu, son biographe, décrit l'envol, les lieux survolés, l'atterrissage. [...] Mais la palme revient sans conteste au franciscain Joseph de Copertino, qui vole si souvent et d'une façon si extraordinaire qu'on le pourrait nommer un saint aviateur. Si grande est sa force d'ascension qu'il lui arrive d'emporter avec lui, à Assise, le portier de son couvent. Il s'élève un jour devant le duc Frédéric de Brünswick, luthérien défiant, qui voit avec stupeur le prodige. »

Pour ce qui est dudit Foudre Bénie, il semble que son don ait peu à voir avec le mysticisme mais puisse être élucidé plus prosaïquement au moyen des équations de Maxwell. C'est du moins l'hypothèse émise par Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain : il soupçonne le rusé lama, avant chacun de ses décollages, de lester ses poches d'objets métalliques et de se placer subrepticement au-dessus d'une bobine alimentée par un courant sinusoïdal. Conformément aux lois régissant les flux, des courants de Foucault se mettent alors à circuler dans le corps du moine, produisant une force de répulsion et finalement une lévitation électromagnétique !

Comme le dit Pythagore, « la vie n'est-elle pas surprenante ? »


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)