vendredi 30 novembre 2018

Khlisti


29 janvier. — Grande agitation dans ma pachyméninge, consécutive à la lecture que je viens de faire de l'ouvrage d'un sieur Jean-Marie Dupain, intitulé Étude clinique sur le délire religieux. Il y est question d'une secte russe appelée Khlisti, dont l'une des coutumes est de mutiler pendant la nuit une jeune fille de quinze à seize ans, qui est regardée dès lors comme sacrée : on lui enlève l'un des seins que les assistants mangent pieusement ; puis la jeune victime est mise sur l'autel ; les fidèles dansent en chantant frénétiquement tout autour ; les lumières sont alors éteintes et il se passe, selon l'auteur, « des choses indicibles ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune femme lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Retour au fétide réel


S'éveiller, c'est un peu comme sortir des cabinets : on quitte avec déchirement un asile douillet où l'on fusionnait — métaphysiquement ! — avec le Rien, pour retomber dans une vie démente et mauve, proliférant sans loi ni limites, produisant à l'envi tumeurs et goitres ; un univers vorace et glissant, pourrissant, couleur de lichens ou de crachats, où l'on a vite fait de s'étaler et de se retrouver la tronche dans le caniveau. — Au demeurant, un opus d'un dessin charmant, rempli de surprises et d'inventions, pour l'amateur désinvolte qui s'en tient aux couleurs, à la composition.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)


Tableau de peinture


Le Christ par trop membru d'un Bramante a les yeux rouges et les cheveux ébouriffés.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Page de journal


28 janvier. — L'idéalisme allemand, au dire de Gragerfis, prétend démasquer le « véritable concret » en « dissolvant les concepts abstraits ». Voilà qui est tout de même un peu fort de café !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

jeudi 29 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Recette


Choisissez une météorite de belle taille, de préférence sans poche pierreuse (elles sont d'ailleurs les plus rares et fort recherchées des savants), et carrez-vous-la dans le fondement. Vous verrez apparaître des entrelacs de triangles, des polygones imbriqués, tout un système complexe d'obliques et de parallèles, qui se répètent comme semis de papier peint : les figures dites de Widmanstätten. La vie n'est-elle pas surprenante ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Vice honteux


Derrière les murs involucrés du Moi, l'homme du nihil se livre à une bacchanale d'inexistence.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Géologie du Cantal


27 janvier. — Ai décidé de me lancer dans une tâche longtemps repoussée : l'étude de la géologie du Cantal. Jusqu'à présent, les observateurs qui ont un peu étudié les vallées de ce département ont tous marché à l'aventure, sans s'occuper de coordonner, de comparer et de généraliser leurs observations, et tous ont ignoré la grande simplicité de structure et l'uniformité qui règnent en tous lieux sur les versants du grand volcan de la France centrale. J'entends quant à moi montrer dans sa vraie lumière l'antique paysage cantalien. Première étape : étudier avec soin les mollusques fossiles du terrain miocène inférieur du bassin d'Aurillac.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Intransigeance nihilique


Laisser passer en soi le Rien, cela signifie, pour l'homme du nihil, céder à cet appel venu des tréfonds de sa pachyméninge qui l'exhorte à retourner au silence et à l'inerte.
Investigateur inlassable, il a conjecturé jusque dans le morne intérieur des pierres l'analogue de cette effusion néantique. Il a suivi le fantasque Mi Fou, ses respects et ses ferveurs. Comme l'esthète chinois, il lui a même semblé saisir, dans la contemplation hallucinée du minéral, une des naissances possibles de la poësie. Mais la concordance s'arrête là. Car de Mi Fou, il ne partagera jamais les abdications 1.


1. Selon Gragerfis, Mi Fou aurait renoncé à cultiver la pensée de l'homicide de soi-même pour se consacrer plutôt à la calligraphie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

L'homme s'enfuit comme une ombre


La mort ? Une suite bergamasque. Mieux : une passacaille.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Corroboration du Moi


26 janvier. — Dans son Manuel du jeune chirurgien ou Pharmacopée chirurgicale théorique et pratique (Hérissant le Fils, Paris, 1771), Jean Nicolas décrit ainsi la recette du « bol corroborant » (bolus roborans) : « Prenez un scrupule de résine jaune, cinq grains de rhubarbe, dix grains de conserve de roses rouges, et de syrop simple, autant qu'il en faut. Mêlez, et formez-en un bol. » — Fort bien, mais quant à moi, je préfère m'en tenir au muscadet, goûtant peu la « résine jaune » et le « syrop simple ».

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mercredi 28 novembre 2018

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Glou... glou...


La pensée : un naufrage dans l'inétendu.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

Pierres milliaires


Contemplant les « cigares japonais » qu'il vient à grand peine d'extraire de son fondement, le constipé admire que des stèles aussi difformes, des monuments aussi taciturnes, jalonnent l'histoire entière de sa vie.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un remède à l'angoisse d'exister ?


« Un topique des plus efficaces dans la curation d'un grand nombre de plaies et d'escarres est l'emplâtre appelée de Nuremberg. » (L'agronome ou dictionnaire portatif du cultivateur, Rouen, 1787)

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Persévérance coupable


La vie, ce jusqu'au-boutisme de l'infamie...

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

Un maître de la non-réussite


25 janvier. — Je découvre, en lisant un ouvrage intitulé Curiosités des Sciences occultes, d'un certain Paul Lacroix, l'utilisation que faisaient les spagyristes de la matière fécale. L'auteur cite un sieur de La Martinière, médecin du roi Louis XIV, qui dans son livre Le Chymique inconnu, ou l'Imposture de la Pierre philosophale, raconte plusieurs essais infructueux qu'il avait tentés pour réaliser le Grand Œuvre : « Je fis amasser morve, crachats, urine, matière fécale, de chacun une livre, que je fis mélanger ensemble, et mettre dans un alambic, pour en tirer l'essence, laquelle étant toute tirée, j'en fis un sel, que j'essayay en la transmutation des métaux, mais en vain, ne réussissant pas. Je retiray les fèces de toutes ces vilenies, qui étoient au fond de l'alambic, je les fis calciner, j'en fis une poudre grisâtre, tirant sur un rouge noir, j'en fis l'essay en la transmutation des métaux : je ne réussis pas. Je fis moucher pendant plusieurs jours quantité de personnes à jeun, dans des vaisseaux ; en ayant ramassé toute la morve, je la mis encore dans l'athanor, sous lequel ayant fait un feu de proportion, j'en tiray une pierre d'une vilaine couleur jaunâtre, que je mis en poudre, et l'essayay en la transmutation des métaux, à quoy je ne réussis pas. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Un orignal fieffé


L'orignal n'est pas un caractère bizarre, singulier. C'est un élan du Canada.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

mardi 27 novembre 2018

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Selon Gragerfis...


Penser est un broie-viscères.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Voix intérieure


Solipsiste, ne sois pas angoissé ! Souviens-toi : ces animaux — babiroussas, saumâtres caméléons, moustiques encéphalitiques, gloméruleux pélicans —, ces spectres, ces personnages dégingandés ou hiératiques que tu croises dans la rue n'ont rien que de conjectural. C'est ton imagination qui les affirme.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Le refus de nommer


Celui que révulse la facticité de l'étant (existant ou subsistant, n'importe) ignorera sciemment le signe 1, et jusqu'à l'unité phonématique qui compose le mot.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. dégoût)

1. Pulflop a probablement en vue le fameux « morphème » des linguistes. (Note de l'éditeur.)

Interlude

Jeune fille lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Pour enfin être tranquille


Incarcérer le réel dans la cavité palléale du mollusque.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Cercle vicieux


Il arrive parfois que, par une condensation intense de sa volonté, par une exaltation prodigieuse de son dynamisme fluidique, le constipé parvienne à produire en son boyau culier une terrible incandescence, portant brutalement à la fusion la substance réfractaire qu'il renferme. L'étincelle intime, par qui tant d'énergie est subitement dégagée, non seulement fond les « cas » les plus rebelles, mais encore les réduit à l'état de dociles et fugitives vapeurs. L'ardente secousse provoque alors des vides puissants dans le côlon. Il se produit vers ces foyers d'insupportable nullité un appel irrésistible. Une hâte absolue y précipite pour y remplir l'absence une matière fascinée, liquéfiée, évaporée. Mais la transe ne dure que le temps d'un éclair, puis c'est le lent refroidissement, le retour au spongieux, au poreux, bientôt au compact, puis à l'inflexible, à l'inaltérable. Il faut alors faire appel au médiateur du Rien par excellence : le jus de pruneau.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Adresse au Grand Tout


Je ne suis qu'un bloc de matière, c'est vrai mais... un pistolet plaqué sur la tempe. Ha, ha, ha!

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)